26.11.04

Un concept guère moral

Mon cher ami Ronnie Hayek revient, à l'occasion d'un fort intéressant débat sur les notions de guerre et de mafia.

Si notre petit groupe de libertariens - hélas l'ensemble des anarcho-capitalistes ne partage pas ce point de vue - est d'accord pour considérer que la guerre est la pire forme de violence étatique, parce qu'elle s'exerce contre des individus au nom de conflits entre Etats et que ces Etats financent cette violence par la confiscation institutionalisée des revenus (l'impôt), il subsiste entre nous quelques différends sur la façon d'utiliser ou nom ce vocable.

Il me semble pour ma part que le terme est à présent trop dévoyé par les chantres de l'intervention étatique que pour être utilisé de façon valable dans une discussion avec des gens qui ne partagent pas les convictions des libertariens. Pour une partie de la population, une guerre peut être "juste". Qui plus est, le terme ne désigne plus nécessairement une agression entre Etats, mais sert de justification à toute une palette de formes plus ou moins graves d'intrusions étatiques dans la vie des individus. En effet, il est malheureusement entré dans les mentalités qu'une guerre implique de la part de la population des "sacrifices" nécessaires pour obtenir la victoire : diminution des libertés et intervention accrue de l'Etat dans la société. La guerre permet aux dirigeants d'un pays d'exiger de la population de se soumettre à leurs exigences grandissantes de pouvoir. D'où l'intérêt de s'inventer en permanence de nouveaux ennemis. Les Etats-Unis ont bien sûr l'Irak, mais avant cela ils partageaient avec la partie la plus rétrograde de l'Europe un autre "ennemi" bien plus commode : la drogue. Sans même s'attarder sur l'immoralité de s'attaquer à un comportement qui relève de la responsabilité seule des individus, la "guerre contre la drogue" a permis au gouvernement américain de faire voter par le congrès des lois terriblement liberticides. Ainsi, la D.E.A. (Drug Enforcement Agency) peut, sans même faire appel à un juge, saisir une maison où s'est déroulé une vente de drogue. Un juge peut faire inculper comme complice l'épouse ou la concubine d'un trafiquant de drogue si celle-ci était au courant des activités de son conjoint mais ne l'avait pas dénoncé. De la même manière, la diabolisation de l'Islam et la "guerre contre le terrorisme" ont permis de faire voter le Patriot Act qui a sérieusement restreint le droit à la vie privée des américains. Bientôt, on entendra parler de "guerre contre le tabac", de "guerre contre le SIDA", de "guerre à la pauvreté". Et qui rechignerait à faire la "guerre" pour des motifs aussi nobles ?

"Guerre" est un vocable vidé de son sens par les hommes de l'Etat qui s'en servent pour couvrir du voile de la respectabilité des actions de coercition envers la population. C'est pourquoi il faut lui préférer d'autres termes qui ont conservé la connotation négative qui est la leur. Parler de l'invasion de l'Irak par exemple, plutôt que de la guerre d'Irak. En insistant sur le fait que cette invasion est en outre financée par l'extorsion de fonds à des citoyens, qu'ils cautionnent ou non cet acte.

16.11.04

Les fables de Constantin : le loup et les moutons

Les moutons ont une bonne raison de faire la fête : leur tentative de se débarrasser du loup a été couronnée de succès. En ouvrant une brèche dans la barrière qui les entoure, ils ont réussi à chasser le prédateur de leur pâturage.

Pendant que, tout à leur joie, ils bêlent à l'unisson leurs mièvres rengaines qui parlent de solidarité et d'initiatives citoyennes , le loup, les regarde de loin. Langue pendante entre les dents - la version lupine du sourire - il attend son heure. "Ces ovins innocents sont bien peu subtils", se dit-il. "Ce soir, à la faveur de la nuit, je me glisserai dans leur enclos et ce sera le festin."

Et ce qui fut dit fut fait. Les quelques moutons qui survécurent à la nuit du carnage se demandèrent comment ils en étaient arrivés là. "Pourtant", dirent-ils, "cette brèche aurait dû faciliter sa fuite quand, apeuré par nos initiatives citoyennes, il aurait cherché à s'enfuir".



Toute ressemblance avec le verdict de la Cour de Cassation dans l'affaire du Vlaams Blok ne serait bien sûr que pure calomnie.

10.11.04

Le collectivisme est un danger pour l'humanité

Il y a plus d'une décennie, Friedrich Hayek publiait "The fatal conceit : the errors of socialism". La thèse centrale de ce testament intellectuel était à la fois simple et choquante : le socialisme est un danger pour la civilisation !

Ce n'est pas par volonté d'aller encore plus loin que ce bon vieux Hayek que j'ai choisi le titre de cette chronique, mais plutôt parce que, comme Hayek, je suis intimement convaincu de la véracité de cette affirmation. L'idée s'est imposée à moi lors des discussions sur les raisons de la mainmise croissante de l'Etat sur la société qui ont eu lieu dans les commentaires des chroniques sur le besoin d'intervention étatique publiées en juillet et en août. La thèse développée part de la notion d'humanité et de la façon dont on peut la définir.

A mon sens, ce qui fait l'essence de la nature humaine, ce n'est pas tellement la capacité qu'a l'Homme de distinguer le bien du mal, mais de façon encore plus essentielle la possiblité qu'il a, ayant effectué cette distinction, d'agir en connaissance de cause et d'assumer ses choix. Et c'est précisément cela que le collectivisme bat en brèche chaque jour. En se substituant à la figure maternelle, en nous "protégeant contre nous-mêmes", l'Etat, nous infantilise, mais plus grave, nous empêche de faire nos propes choix et d'en assumer les conséquences. Peut-être faut-il chercher là les causes de ce mal-être ressenti par une part croissante de la population des sociétés occidentales.