31.10.05

La grève, un droit pour tous ?

Les observateurs attentifs de l'actualité savaient déjà que la FGTB ne prend pas toujours à coeur les intérêts de ses affiliés. J'en veux pour exemple l'assez récent et juteux scandale de détournement de fonds à l'antenne bruxelloise de la SETCA, la division de la FTGTB qui s'occupe des employés, techniciens et cadres. L'affaire avait également permis de découvrir qu'à l'époque le SETCA bruxellois avait des dettes énormes vis-à-vis de l'ONSS et de l'administration du précompte en rapport avec le traitement de ses employés. Et que la FGTB n'a pas hésité à "rationnaliser" ses activités et à licencier son personnel devenu excédentaire(voir l'article en lien), chose qu'elle ne manque jamais de fustiger quand il s'agit de "patrons" du "privé". Amusant, non ?

Mais ce n'est pas tout. Vous n'êtes pas sans savoir que les syndicats adorent organiser des piquets de grève pour empêcher les gens de travailler dans leur entreprise quand une grève nationale a été décrétée. Mais évidemment, quand l'entreprise en question est la FGTB elle-même, c'est un autre son de cloches : un vent favorable m'a rapporté que le siège central de la FGTB a expressément interdit à ses employés de faire grève ce vendredi. Et la FGTB n'est pas la seule : la CGSLB elle non plus ne semblait pas particulièrement sous-staffée en ce jour pourtant particulier. Vous avez dit deux poids, deux mesures ?




24.10.05

L'arnaque de la retraite par répartition

S'il est une idée que les réformettes actuelles ne remettent pas en cause, c'est la retraite par répartition. C'est fort dommage, car il serait temps de tordre le cou à cette vache sacrée du socialisme militant. Pour rappel, il s'agit d'utiliser une partie des cotisations sociales des personnes actuellement au travail pour payer les pensions de celles qui jouissent d'une retraite bien méritée. Les rentes des retraités sont calculées sur base des rémunérations perçues au cours de leur carrière, sur base d'un barème compliqué qui favorise les années les plus proches de la retraite, en principe plus lucratives, mais plafonne les montants, concession obligatoire aux éternels fantasmes égalitaristes de la gauche.

Le quidam un tant soit peu au courant de la répartition par tranche d'âge de la population belge comprendra vite les problèmes qui se préparent. Lorsqu'on compare la structure actuelle à celle de 1971 (il suffit de changer la date dans le petit onglet), on constate un vieillissement de la population. La comparaison avec la situation en 1948 est encore plus frappante. A cette époque, la retraite par répartition pouvait encore, en poussant un peu, avoir un sens : le nombre de retraités était très faible par rapport à la taille de la population active. Actuellement, le système atteint ses limites. En témoignent d'ailleurs les réductions successives des montants des pensions qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années.

Hélas, la tendance au vieillissement de la population se poursuit. Et c'est d'ailleurs normal, puisqu'il s'agit d'une conséquence naturelle de l'augmentation de notre niveau de vie. Les progrès de l'hygiène et de la médecine, que la croissance économique a rendus abordables pour une part croissante de la population, ont entraîné une baisse drastique de la mortalité infantile. La conséquence naturelle est une baisse de la natalité : pour présenter cyniquement le calcul fait instinctivement par les individus, il faut faire moins d'enfants puisqu'ils ont tous de très grandes chances d'atteindre sans encombre l'âge adulte. C'est d'autant plus facile que les moyens de contraception abondent de nos jours. En outre, notre économie est passée du stade de l'industrie à ce lui des services : les travaux sont moins pénibles mais requièrent de plus grandes qualifications. Il est plus abordable pour les parents de fournir cette éducation plus coûteuse à un nombre plus restreint d'enfants. Le taux de natalité moyen en Belgique a donc logiquement baissé au cours du siècle dernier. Parallèlement, les mêmes progrès de la médecine ont permis un allongement de la durée de vie. Combinez la baisse de la natalité à l'allongement de l'espérance de vie et vous obtenez l'actuelle tendance au vieillissement de la population.

Les projections pour le futur sont alarmantes : en 2050, on prévoit pour l'Europe un taux de support (le nombre de personnes actives par retraité) à 1,86 actifs pour un retraité. Les chiffres pour la Belgique sont encore pires, puisque les estimations de l'Institut National de Statistique placent le taux de support en 2050 à 1,45. Je vous laisse imaginer le montant des prélèvements nécessaires pour payer la pension du retraité en question.

Vous l'avez à présent compris, seules des réformes radicales pourront empêcher la faillite du système. Des mesures cosmétiques comme le relèvement de l'âge de la prépension légale permettront de gagner quelques années, pas d'inverser la tendance. Deux solutions seulement existent, mais elles sont toutes les deux taboues en Belgique : l'ouverture massive à l'immigration et le passage progressif à un système de pension par capitalisation.

L'ouverture massive à l'immigration permettrait, par l'adjonction de populations issues de pays où le taux de natalité est plus élevé, de rajeunir à terme la population. Evidemment, dans le contexte belge actuel, qui est celui d'un chômage massif, bien supérieur aux chiffres officiels, on voit mal comment appliquer cette solution. Importer de futurs chômeurs et allocataires sociaux n'aidera pas à combler le déficit de la Sécurité Sociale.

Le passage à un système de retraite par capitalisation est donc le seul moyen de garantir que chacun pourra jouir, à la fin de sa vie professionnelle, d'une allocation suffisamment ample pour qu'il puisse vivre ses vieux jours dans le confort. Inutile de vous dire qu'en ce qui me concerne, j'aimerais autant que le système soit entièrement privatisé. Quand on sait que rien que la mention "retraite par capitalisation" fait pousser des cris d'orfraie aux syndicalistes et aux gauchistes de tout poil, le passage à un tel système est un rêve bien lointain. Une privatisation serait encore plus improbable dans le contexte actuel.
Cela dit, les gouvernements des vingt dernières années, en encourageant discrètement ce qu'ils appellent pudiquement les "deuxième" et "troisième" piliers, c'est-à-dire les pensions complémentaires financées, respectivement, par l'employeur et par le travailleur, ont accompli un premier pas vers le sytème de la pension par capitalisation. Quant aux individus, ils sont prêts depuis belle lurette : le vieux bon sens n'a jamais digéré l'aberration contre nature de la pension par répartition. Essayez donc d'expliquer à un retraité que c'est vous qui payez sa pension par vos impôts, il vous rétorquera tout de go qu'il a cotisé toute sa vie pour se la payer.

La retraite par capitalisation présente un autre avantage : chacun connaît à chaque moment le montant dont il disposera lorsqu'il décidera de prendre sa retraite. Et donc, chacun pourra décider seul de l'âge auquel il souhaite "raccrocher". On pourra même diminuer progressivement ses prestations en fonction de ses envies et/ou de son état de santé, en utilisant le capital épargné pour combler peu à peu le manque à gagner. Plus besoin de décréter arbitrairement un "âge de la retraite" obligatoire, qui a des effets néfastes évidents : les 65-74 ans sont le groupe d'âge le plus frappé par la dépression nerveuse.

Ce qu'il faut à présent, c'est le courage politique d'appeler un chat un chat et d'expliquer aux collectivistes de tout poil que leurs réactions actuelles aux timides réformettes sont criminelles : en refusant de revenir sur leurs prétendus "avantages acquis", ils hypothèquent l'avenir du pays et le bien-être de nos enfants et petits-enfants. En cette période où chaque écolo altermondialeux y va de son couplet sur la "nécessité de ne pas hypothéquer les générations futures", il serait temps de passer des paroles aux actes.




17.10.05

Novlangue et réifications

Dans une précédente chronique, nous avions eu l'occasion de découvrir les attraits que revêt la réification - ou hypostatisation - pour nos politiciens toujours désireux de masquer leurs intentions réelles derrière un écran sémantique impénétrable. La semaine dernière, c'est notre amie Laurette Onkelinckx qui en a fait un usage fort astucieux, que le journaliste de la RTBF qui l'interviewait a bien entendu laissé passer, trop occupé sans doute à servir la soupe à la ministre comme c'est la tradition dans ce bon vieux bastion du sévice public.

L'égérie du socialisme malfaisant commentait la nouvelle taxe sur les SICaV de capitalisation en ces termes : "jusqu'à présent, une forme de revenu échappait à toute taxation, alors que la fiscalité du travail faisait peser un fardeau insoutenable sur les gens. Désormais, et ce n'est que justice, le capital lui aussi sera taxé". Si l'on prend cette phrase au pied de la lettre, le capital est donc une sorte d'entité malfaisante et douée d'une volonté propre qui jusqu'ici se montrait rétive à toute velléité de taxation, alors que "les gens", eux, supportaient seuls le poids écrasant de la fiscalité noire-jaune-rouge. Heureusement, grâce à nos bons ministres, cette situation intolérable a pris fin, et "le capital" sera logé à la même enseigne fiscale que "les gens".

Je suppose qu'il serait vain de croire que les socialistes arrêteront un jour de croire en Marx, et de faire du "capital" leur démon favori, mais là, quand même, c'est un peu fort de café. N'oublions quand même pas que Laurette parle des SICaV de capitalisation, véhicule d'investissement préféré des "petites gens" que les socialistes entendent défendre. Prétendre donc que "le capital" ainsi taxé est dissocié des "petites gens" qui subissent notre horrible pression fiscale, et que la nouvelle taxe rétablira l'équilibre est monstrueux de cynisme, et tenir sans honte de tels propos devant les journalistes prouve une fois de plus que pour les politiciens, et particulièrement les politiciens socialistes, les citoyens sont vraiment des andouilles. Quant au journaleux qui a laissé passer cette remarque sans relever la réification, mérite-t-il encore vraiment sa carte de l'AGJPB ?




4.10.05

La paresse

A l'université, mon professeur de physique avait l'habitude de répéter que la paresse était une bien grande qualité : c'est grâce à elle que de nombreuses inventions étaient nées pour faciliter la vie des hommes. Il avait cependant coutume d'ajouter que la paresse intellectuelle, par contre, devait partout et toujours être combattue.

C'est pourtant cette même paresse intellectuelle qui, me semble-t-il, domine la vie politique et les média en ce début de millénaire. Quand une publication aussi sérieuse que The Economist publie un éditorial dans lequel un journaliste affirme sans sourciller que le bilan économique du cyclone Katrina sera positif, il y a de quoi s'interroger sur le sérieux de cette publication. Quand un ministre belge prétend taxer le capital, tuant ainsi le seul aspect de notre économie qui peut attirer les investisseurs potentiels autrement effrayés par les rigidités de notre marché du travail et le coût prohibitif de la main d'oeuvre, on peut légitimement remettre en question les compétences de ses conseillers. Quand une publication qui se veut économique publie un éditorial appelant au nationalisme économique, il y a de quoi s'étonner. Qu'en l'espace de quelques jours à peine ces événements se suivent révèle pourtant une réalité inquiétante : il semblerait que nos édiles comme ceux qui commentent leurs actes succombent à la tentation de la facilité et cessent de faire fonctionner leur matière grise.

Certes, on peut ne pas s'en étonner. Bastiat lui-même, il y a plus de 150 ans, fustigeait déjà l'étroitesse de vues de ses contemporains, notamment dans son remarquable essai "La vitre cassée". La situation est cependant plus préoccupante actuellement que du temps de cet honnête homme. En effet, le vingtième siècle a vu la machine étatique accroître considérablement son emprise sur la vie quotidienne des individus. Que pour des raisons idéologiques, par manque de courage politique ou par paresse intellectuelle, les hommes qui en tirent les leviers se soucient comme d'une guigne des conséquences des actes qu'ils posent n'en est que plus inquiétant. Dans les discours des hommes politiques et les articles des média, l'émotionnel prend le pas sur le rationnel dans l'analyse des faits. Comment expliquer autrement que peu de temps après l'expérience désastreuse que fut la Prohibition aux Etats-Unis, les gouvernements des pays développés décident, comme si de rien n'était, de renouveler l'expérience avec le cannabis et l'opium, créant ainsi pour une mafia qui commençait à se demander comment négocier sa reconversion une opportunité unique d'utiliser les compétences acquises durant une décennie pour se lancer dans le trafic de drogue ? Certes, on peut déplorer les effets néfastes des drogues sur ceux qui en deviennent les victimes. Ce n'est que normal, et tout être humain peut ressentir de la compassion pour ces pauvres hères dont la vie est détruite par ce fléau. Mais pourquoi, alors que la Prohibition n'a su éradiquer l'alcoolisme, la nouvelle prohibition parviendrait-elle à éradiquer l'usage et l'abus de substances psychotropes ? Pourquoi, à peine une vingtaine d'années après avoir conclu que la "dangereuse invasion des automobiles japonaises" était inéluctable et qu'il valait mieux laisser les entreprises s'y adapter, recommencer à pousser les mêmes cris d'orfraie et à user de la même rhétorique mélodramatique pour fustiger "l'invasion du textile chinois" ? Ce dernier exemple est d'autant plus paradoxal que la tranquille révolution opérée durant la dernière décennie, la sous-traitance d'une part important des activités de fabrication de textile d'habillement dans les pays du Maghreb, principalement la Tunisie et le Maroc, a été totalement passée sous silence.

Que les politiciens prennent les citoyens pour des dupes et des ignorants n'a rien de neuf. Qu'ils n'aient pas le courage d'appeler un chat un chat et tentent, vaille que vaille, de cacher la patate chaude avant de la refiler à leurs successeurs ne peut plus étonner que les âmes crédules. Que les média, surtout en francophonie, se mettent, sans exercer une once d'esprit critique, à resservir les mêmes inepties dont les politiciens se servent pour dissimuler leur forfanterie a par contre de quoi inquiéter. S'agit-il de simple paresse intellectuelle ou faut-il y voir une collusion mortifère ? Quoi qu'il en soit, il est de la responsabilité de chacun de ne pas gober les inepties qu'on nous sert. Faute de quoi, le désastre économique qui s'annonce sera autant de notre responsabilité que de celles des politiciens et des journalistes.




1.10.05

Parler et réfléchir

Après quelques semaines de lecture intéressée, j'avais fini par conclure que Trends-Tendances était un périodique plutôt libéral, qui, lorsqu'il se mêlait d'exprimer une opinion, le faisait généralement de façon intéressante et réfléchie. Il faut croire que plusieurs semaines ne suffisent pas pour jauger la qualité des rédacteurs d'une publication.

L'éditorial du 29 septembre ne laisse planer aucun doute sur l'incurie intellectuelle du rédacteur en chef de Trends. Jugez-en plutôt : cet éditorial n'est rien d'autre qu'un appel au retour de ce "nationalisme économique" dont les excès ont conduit la France a devenir la risée du monde entier - Belgique exceptée, bien sûr, car les médias francolâtres veillent au grain.

Sous le titre "les Belges parlent, les Allemands agissent", Amid Faljaoui s'émerveille de l'entrée de Porsche dans le capital de VW, ce qui permet "à l'entreprise de demeurer en des mains allemandes". En guise de conclusion, il critique la tentative avortée de rapprochement entre Fortis et Dexia en ces termes :

"Les tenants du libéralisme pur et dur diront que c'est normal. Après tout, l'actionnaire est souverain, et sa décision n'a pas à être contestée. A ce rythme, cependant, nous serons les seuls en Europe à ne pas défendre notre pré carré ! Français, Italiens, Suisses et Américains parlent avec les mots du libéralisme mais agissent en bons protectionnistes lorsqu'il s'agit de sauvegarder leurs centres de décision. Les Belges, hélas, ont la fâcheuse tendance à respecter des règles que tout le monde a enterrées en grande pompe. Sans doute préfère-t-on prendre le Thalys Bruxelles-Paris pour connaître l'ordre du jour de la semaine prochaine ?"

Poujade, De Gaulle ou Le Pen n'auraient sans doute pas dénigré une telle prose. Donc, d'après monsieur Faljaoui, il nous faut "défendre notre pré carré", sous prétexte que "les autres le font aussi" ? Avec des justifications "intellectuelles" de ce type, nous pourrions, je ne sais pas moi, aider les USA à envahir l'Irak (l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Italie et la Pologne l'ont aussi fait); nous aurions pu aussi, pendant la seconde guerre mondiale, organiser des rafles pour capturer des juifs (les Français l'ont fait aussi); nous pourrions créer un impôt sur la fortune (les français l'ont fait aussi); nous pourrions interdire le voile à l'école, nationaliser quelques entreprises, regrouper les immigrés dans des "cités", créer une "carte scolaire", punir plus sévérement la consommation de cannabis, criminaliser les prostituées, ou leurs clients, ou les deux, taxer tout ce qui bouge et qu'on a taxé ailleurs et pas encore chez nous, ... La liste est longue des imbécillités que l'on peut justifier par cette phrase.


Plus sérieusement, ce que Monsieur Faljaoui demande, à un moment où la Belgique se vautre dans son marasme économique sous la houlette des étatistes de gauche et de droite, c'est d'imiter les recettes des grands perdants de l'Europe. Il cite en exemple la France, l'Italie et l'Allemagne. L'Allemagne, dont le système de sécurité sociale est tellement moribond que même un chancelier de gauche a vu la nécessité d'entamer des réformes. L'Italie, pays d'origine du plus gros scandale financier du monde (l'affaire Parmalat), qui est actuellement la risée des capitales mondiales pour son incapacité à se débarasser d'un gouverneur de banque centrale qui a outrepassé toutes les limites de son mandat. La France, enfin, dont les soi-disant "champions économiques" sont soutenus à coup de subsides, d'exonérations fiscales et de législations protectionnistes par un gouvernement dont les membres usaient leurs fonds de culotte sur les mêmes bancs que les dirigeants desdistes entreprises.

Tiens, au fait, Amid Faljaoui, ça ne fait pas très belge, ça, comme nom. Pour un journal national , ça ne fait pas très sérieux. Je propose de remplacer Amid Faljaoui par un autre rédacteur en chef, au nom plus "belge", un champion national, en quelque sorte. Vous voyez, monsieur Faljaoui, comme avec les arguments que vous employez, il y a moyen d'écrire des conneries ?