S'il est une idée que les réformettes actuelles ne remettent pas en cause, c'est la retraite par répartition. C'est fort dommage, car il serait temps de tordre le cou à cette vache sacrée du socialisme militant. Pour rappel, il s'agit d'utiliser une partie des cotisations sociales des personnes actuellement au travail pour payer les pensions de celles qui jouissent d'une retraite bien méritée. Les rentes des retraités sont calculées sur base des rémunérations perçues au cours de leur carrière, sur base d'un barème compliqué qui favorise les années les plus proches de la retraite, en principe plus lucratives, mais plafonne les montants, concession obligatoire aux éternels fantasmes égalitaristes de la gauche.
Le quidam un tant soit peu au courant de la
répartition par tranche d'âge de la population belge comprendra vite les problèmes qui se préparent. Lorsqu'on compare la structure actuelle à celle de 1971 (il suffit de changer la date dans le petit onglet), on constate un vieillissement de la population. La comparaison avec la situation en 1948 est encore plus frappante. A cette époque, la retraite par répartition pouvait encore, en poussant un peu, avoir un sens : le nombre de retraités était très faible par rapport à la taille de la population active. Actuellement, le système atteint ses limites. En témoignent d'ailleurs les réductions successives des montants des pensions qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années.
Hélas, la tendance au vieillissement de la population
se poursuit. Et c'est d'ailleurs normal, puisqu'il s'agit d'une conséquence naturelle de l'augmentation de notre niveau de vie. Les progrès de l'hygiène et de la médecine, que la croissance économique a rendus abordables pour une part croissante de la population, ont entraîné une baisse drastique de la mortalité infantile. La conséquence naturelle est une baisse de la natalité : pour présenter cyniquement le calcul fait instinctivement par les individus, il faut faire moins d'enfants puisqu'ils ont tous de très grandes chances d'atteindre sans encombre l'âge adulte. C'est d'autant plus facile que les moyens de contraception abondent de nos jours. En outre, notre économie est passée du stade de l'industrie à ce lui des services : les travaux sont moins pénibles mais requièrent de plus grandes qualifications. Il est plus abordable pour les parents de fournir cette éducation plus coûteuse à un nombre plus restreint d'enfants. Le taux de natalité moyen en Belgique a donc logiquement baissé au cours du siècle dernier. Parallèlement, les mêmes progrès de la médecine ont permis un
allongement de la durée de vie. Combinez la baisse de la natalité à l'allongement de l'espérance de vie et vous obtenez l'actuelle tendance au vieillissement de la population.
Les projections pour le futur sont alarmantes : en 2050, on prévoit pour l'Europe un taux de support (le nombre de personnes actives par retraité) à 1,86 actifs pour un retraité. Les chiffres pour la Belgique sont encore pires, puisque les estimations de l'Institut National de Statistique placent le taux de support en 2050 à 1,45. Je vous laisse imaginer le montant des prélèvements nécessaires pour payer la pension du retraité en question.
Vous l'avez à présent compris, seules des réformes radicales pourront empêcher la faillite du système. Des mesures cosmétiques comme le relèvement de l'âge de la prépension légale permettront de gagner quelques années, pas d'inverser la tendance. Deux solutions seulement existent, mais elles sont toutes les deux taboues en Belgique : l'ouverture massive à l'immigration et le passage progressif à un système de pension par capitalisation.
L'ouverture massive à l'immigration permettrait, par l'adjonction de populations issues de pays où le taux de natalité est plus élevé, de rajeunir à terme la population. Evidemment, dans le contexte belge actuel, qui est celui d'un chômage massif,
bien supérieur aux chiffres officiels, on voit mal comment appliquer cette solution. Importer de futurs chômeurs et allocataires sociaux n'aidera pas à combler le déficit de la Sécurité Sociale.
Le passage à un système de retraite par capitalisation est donc le seul moyen de garantir que chacun pourra jouir, à la fin de sa vie professionnelle, d'une allocation suffisamment ample pour qu'il puisse vivre ses vieux jours dans le confort. Inutile de vous dire qu'en ce qui me concerne, j'aimerais autant que le système soit entièrement privatisé. Quand on sait que rien que la mention "retraite par capitalisation" fait pousser des cris d'orfraie aux syndicalistes et aux gauchistes de tout poil, le passage à un tel système est un rêve bien lointain. Une privatisation serait encore plus improbable dans le contexte actuel.
Cela dit, les gouvernements des vingt dernières années, en encourageant discrètement ce qu'ils appellent pudiquement les "deuxième" et "troisième" piliers, c'est-à-dire les pensions complémentaires financées, respectivement, par l'employeur et par le travailleur, ont accompli un premier pas vers le sytème de la pension par capitalisation. Quant aux individus, ils sont prêts depuis belle lurette : le vieux bon sens n'a jamais digéré l'aberration contre nature de la pension par répartition. Essayez donc d'expliquer à un retraité que c'est vous qui payez sa pension par vos impôts, il vous rétorquera tout de go qu'il a cotisé toute sa vie pour se la payer.
La retraite par capitalisation présente un autre avantage : chacun connaît à chaque moment le montant dont il disposera lorsqu'il décidera de prendre sa retraite. Et donc, chacun pourra décider seul de l'âge auquel il souhaite "raccrocher". On pourra même diminuer progressivement ses prestations en fonction de ses envies et/ou de son état de santé, en utilisant le capital épargné pour combler peu à peu le manque à gagner. Plus besoin de décréter arbitrairement un "âge de la retraite" obligatoire, qui a des effets néfastes évidents : les
65-74 ans sont le groupe d'âge le plus frappé par la dépression nerveuse.
Ce qu'il faut à présent, c'est le courage politique d'appeler un chat un chat et d'expliquer aux collectivistes de tout poil que leurs réactions actuelles aux timides réformettes sont criminelles : en refusant de revenir sur leurs prétendus "avantages acquis", ils hypothèquent l'avenir du pays et le bien-être de nos enfants et petits-enfants. En cette période où chaque écolo altermondialeux y va de son couplet sur la "nécessité de ne pas hypothéquer les générations futures", il serait temps de passer des paroles aux actes.