29.9.06

Vous reprendrez bien un petit Triangle Rouge ... (épisode 3)

Continuons notre plongée dans le monde nauséeux de la propagande antilibérale que mène le CAL sous le couvert de la "lutte contre l'extrême-droite".

La liberté pour quiconque de vivre en sécurité, quelles que soient ses origines, opinions politiques, convictions religieuses ou orientations sexuelles, constitue l’un des fondements de notre société. Pour lutter efficacement et durablement contre l’insécurité, il convient de lutter d’abord contre les facteurs qui accentuent cet état : précarité, pauvreté, avenir sans perspective faute d’une formation adéquate, carence d’emplois et de logements,…



Petite précision d'entrée de jeu : "quelles que soient ses opinions politiques" ne concerne pas, pour nos amis tchékistes, les vilains méchants d'extrême-droite.

Faudrait savoir : on a muselé l'extrême-droite grâce à la loi Moureaux. Regardez les tracts distribués par le Vlaams Belang et le Front National, vous n'y trouverez aucun propos raciste ou haineux. A moins que "lutter contre la laïcardisation" ne soit de la prose haineuse. Il faut dire aussi que c'est une attaque directe de la religion athée que le CAL tente de propager.

Ensuite, les mesures sécuritaires pénalisantes sont nécessaires dès lors que les gouvernements en place, soit par idéologie, soit par peur des syndicats et des associations professionnelles, refusent de mettre en place les mesures qui permettraient de restaurer la prospérité. Si la prévention est rendue de facto impossible par ceux qui nous gouvernent, il ne reste hélas plus que le choix entre la répression et le chaos.

L’extrême droite est favorable à la vente et à la possession libres d’armes, ainsi qu’à la constitution de milices privées : elle parvient à faire rimer « sécurité » avec « violence ».



Personnellement, je ne suis pas d'extrême-droite, car les idées de l'extrême-droite sont totalement incompatible avec les valeurs de l'anarchisme libéral. Pourtant, je soutiens la vente libre des armes, tout simplement en vertu du vieil adage américain : "when guns will be outlawed, only outlaws will have guns". Mais passons. Pour la constitution de milices privées, on ne peut historiquement pas donner tort au CAL : la SA et la SS furent d'une grande aide à Hitler pour accéder au pouvoir.

Ceci dit, ceux qui font rimer violence et sécurité sont actuellement, et malheureusement, du côté de la
milice publique qui n'hésite pas à arrêter, détenir et tabasser ceux qui n'ont pas l'heur de lui plaire.

Notre système de sécurité sociale permet à tout citoyen, quels que soient ses revenus, d’avoir accès à une série de services et/ou d’allocations, et ce à tous les moments de sa vie. Ce système est le produit des valeurs de solidarité sur lesquelles repose notre société.
L’extrême droite menace cette solidarité par sa volonté de limiter le nombre de services rendus par la sécurité sociale, d’instaurer une concurrence avec des opérateurs privés, d’expulser mutuelles et syndicats des organes de décision.



L'extrême-droite voudrait privatiser la sécurité sociale ? A ce compte-là, Tony Blair est un facho, lui qui tente de réformer le Béhémoth qu'est le National Health Service et d'introduire un peu de concurrence dans le but d'améliorer la qualité et la disponibilité des soins de santé au Royaume-Uni. Les intentions du CAL apparaissent de plus en plus clairement : tout ce qui est plus libéral que le Parti Socialiste doit pouvoir être étiqueté d'extrême-droite. Et quand bien même - je ne l'ai lu nulle part sur le site du FN - une telle proposition serait effectivement dans le programme de l'extrême-droite, cela en fait-il pour autant une proposition fasciste ? L'augmentation de l'offre de logements sociaux et une plus grand solidarité avec les seniors sont dans le programme officiel du FN pour les élections communales. Cela fait-il pour autant de ce cheval de bataille socialiste une idée d'extrême-droite ? Pourtant, en appliuant le raisonnement du CAL, il serait facile d'arriver à cette déduction.

Le droit de vote et la liberté de participer activement à la vie en société, au débat public et d’oeuvrer pour le bien commun, sont constitutifs de la notion de citoyenneté. Pour nous, cette liberté doit être accordée à tout citoyen désireux de s’impliquer activement au sein de la société dans laquelle il vit, quelles que soient ses origines.
L’extrême droite représente une menace pour cette liberté par sa volonté d’exclure les populations d’origine étrangère du champ de la citoyenneté. En outre, sa proposition d’instaurer le référendum comme ayant force de loi risque de s’appuyer sur une manipulation de l’opinion au profit de thèses non respectueuses des Droits de l’Homme.



On sombre dans le délire le plus surréaliste : le référendum est pour le CAL un outil de fascisation de la société. Grotesque, mais explicable. Vous trouverez en effet
en suivant ce lien un exemple de la façon dont les socialistes interprètent les référendums qui n'ont pas de pouvoir contraignant. Voilà pourquoi ils souhaitent étiqueter toute proposition visant à donner force au référendum comme d'extrême-droite. Encore une fois, une question revient, lancinante : pourquoi les socialistes, qui disent vouloir lutter contre l'extrême-droite, s'ingénient-ils sans cesse à lui fournir, par leur manque de respect de la démocratier et des citoyens, de nouvelles idées pour leur programme ? Avant de clore ce paragraphe, je voulais également rappeler à nos amis du CAL que la Suisse fonctionne au référendum depuis des siècles. Que je sache, la confédération helvétique n'est pourtant jamais devenue une dictature fasciste.

Le travail procure une identité sociale et les revenus qu’il génère constituent un important facteur d’émancipation individuelle. Chaque individu doit avoir la possibilité d’accéder à un emploi décent qui lui permette d’améliorer ses propres conditions de vie.
L’extrême droite n’est pas très explicite sur ce thème. Sur le fond idéologique, elle ne considère pas le travail comme un facteur émancipateur vers un meilleur bien-être des travailleurs. L’extrême droite favorise une « rémunération basée sur les performances et le mérite individuels » diminuant ainsi la part « fixe » des revenus du travail. Elle accentue ainsi les inégalités. Quant aux individus ne bénéficiant pas d’un emploi …



Alors, pour commencer, j'aimerais bien qu'on m'explique dans quel univers professionnel les gens du CAL évoluent. La plupart des sociétés actives en Belgique favorisent déjà une rémunération basée sur la performance. Et les travailleurs en sont fort satisfaits. L'Etat fasciste serait-il arrivé au pouvoir "en stoemelinckx" ?

"Sur le fond idéologique", comme ils disent, l'extrême-droite très claire, mais ne promeut pas vraiment ce que le CAL prétend. J'en veux pour preuve ces extraits de "Mein Kampf" (j'ai rajouté les caratères gras)

L'Etat raciste n'est pas
chargé de maintenir une classe sociale en possession de l'influence prédominante qu'elle a exercée jusqu'alors ; sa tâche est d'aller chercher, parmi tous les membres de la communauté, les meilleures têtes, et de leur conférer les emplois et les dignités. Son rôle n'est pas seulement de donner, à l'école primaire, une certaine éducation à tous les enfants ; il a aussi le devoir d'aiguiller le talent sur la voie qui lui convient. Il doit surtout considérer cela comme sa tâche la plus haute, d'ouvrir les portes des établissements d'Etat d'instruction supérieure à tous les sujets bien doués, quelle que soit leur origine.(page 225)

[...]

C'est pourquoi l'Etat raciste doit partir- d'un tout autre principe pour apprécier l'idée de travail. Il lui faut, quand même id devrait consacrer des siècles à son oeuvre d'éducation, mettre fin à l'injustice qui consiste à mépriser le travail corporel. Il devra avoir pour
principe de juger l'individu non pas d'après son genre de travail, mais suivant la qualité de ce qu'il produit. (page 226)

[...]

Par essence, la valeur de tout travail est double : purement matérielle et idéale. La valeur matérielle dépend de l'importance, et de l'importance pratique, que peut avoir un travail pour la vie sociale. Plus grand est le nombre des citoyens auxquels le produit d'un travail quelconque sera, directement ou indirectement, utile, plus on devra attacher de prix à sa valeur matérielle. Cette appréciation trouve son
expression tangible dans le salaire matériel que l'individu reçoit pour son travail.

(page 226)



On est loin de la rémunération à la performance. J'aurais même plutôt tendance à voir dans ces extraits une philosophie qui se rapproche des idéaux de gauche. Ennuyeux pour le CAL, n'est-il pas ?

Le lecteur me pardonnera de ne pas encore conclure cette série de chroniques. Il me reste deux pages de la prose indigeste du CAL à analyser, et cette analyse me contraint en outre à mon plonger dans un ouvrage (Mein Kampf) dont le style est encore plus rebutant que les idées qu'il véhicule.
La suite, donc, au prochain épisode.




24.9.06

Carton Rouge (la suite)

Voici comme promis la suite de la chronique sur la campagne "Triangle Rouge contre l'extrême-droite" entamée vendredi".

Nous entrons à présent dans l'argumentaire proprement dit du CAL.

Avoir le droit de penser et de s’exprimer
Dans la mesure du respect des règles démocratiques, la liberté de culte est fondamentale et la liberté de pensée est essentielle. La liberté de s’exprimer sans risque de sanction ou de répression (hors cas de diffamation ou de propos haineux), est le propre d’une société démocratique.


Notez bien que l'extrême-droire, pour la CAL, entre sûrement dans la catégorie des "propos haineux". Cela, en soi, n'a objectivement rien de choquant. Si ce n'est, bien sûr, que puisque ces propos sont haineux, ils peuvent être censurés, car il s'agit alors de censure "démocratique" (si, si !).


Les programmes d’extrême droite ne parlent pas clairement d’atteintes à ces libertés. L’expérience nous montre que l’extrême droite se sert de la religion pour opposer les communautés en stigmatisant l’une pour mieux valoriser l’autre. A l’aide d’amalgames douteux, elle participe ainsi à cette hausse des tensions qu’elle dénonce pourtant.


Voilà un passage qui me plaît assez. La description qui y est faite de certaines stratégies d'extrême-droite me paraît fort fidèle. Un petit bémol cependant : le CAL note avec justesse l'absence d'indications claires de la volonté d'attenter à la liberté de pensée et à la liberté de culte. Pourtant, au paragraphe précédent, le même CAL cautionnait la censure de "propos haineux". C'est un peu fort de café de s'étonner ensuite que les partis d'extrême-droite se gardent bien d'utiliser ouvertement ces thèmes suspects. Comme je le faisais remarquer vendredi, si on bannit les propos racistes, il ne faut pas s'étonner ensuite de voir le message "on n'aime pas les bougnoules" disparaître de la propagande de ces partis. En fin de compte, cette loi de censure, non contente d'être inique, est également désastreuse dans ses conséquences en ce qu'elle limite la visibilité du message xénophobe de l'extrême-droite.


L’extrême droite bafoue cette liberté dans sa volonté, par exemple, d’imposer un contrôle aux journalistes, ou en implantant des normes artistiques jugées « acceptables ». Par ailleurs, l’extrême droite détourne à son avantage la liberté d’expression pour réclamer l’abrogation des lois antiracistes et antinégationnistes.


Quand on voit la façon dont la gauche manipule la RTBF pour en faire un organe de propagande antilibérale, il est assez piquant de lire ensuite que c'est l'extrême-droite qui veut contrôler la presse. Quant aux normes artistiques jugées "acceptables", ma foi, mon ami Citoyen Durable a fort bien caractérisé ici et aussi ici la façon dont l'Etat s'occupe actuellement d'art. Pas tellement plus enthousiasmant comme perspective que l'art nazi ou stalinien.

La liberté pour quiconque de vivre en sécurité, quelles que soient ses origines, opinions politiques, convictions religieuses ou orientations sexuelles, constitue l’un des fondements de notre société. Pour lutter efficacement et durablement contre l’insécurité, il convient de lutter d’abord contre les facteurs qui accentuent cet état : précarité, pauvreté, avenir sans perspective faute d’une formation adéquate, carence d’emplois et de logements,…


Présenté comme une évidence, ce petit paragraphe fait l'impasse sur d'autres mesures qui, sans être fascistes, permettent de diminuer l'insécurité (lire à cet égard le chapitre "Where have all the criminals gone" dans Freakonomics, le livre de l'économiste Steven D. Levitt). Parmi les plus efficaces, citons l'augmentation du nombre de policiers, l'augmentation de places dans le milieu carcéral et une plus grande sévérité des juges. Je ne veux pas dire par là que la prévention est inutile, mais la présenter comme la seule solution à l'insécurité me paraît au mieux réducteur, au pire intellectuellement malhonnête.

Notre système de sécurité sociale permet à tout citoyen, quels que soient ses revenus, d’avoir accès à une série de services et/ou d’allocations, et ce à tous les moments de sa vie. Ce système est le produit des valeurs de solidarité sur lesquelles repose notre société.
L’extrême droite menace cette solidarité par sa volonté de limiter le nombre de services rendus par la sécurité sociale, d’instaurer une concurrence avec des opérateurs privés, d’expulser mutuelles et syndicats des organes de décision.


Alors là, c'est le bouquet. La première fois que j'ai lu ce paragraphe, j'ai failli vomir l'excellent repas que je venais de faire dans le petit restaurant où j'ai mes habitudes (triste destin pour un onglet sauce moutardine arrosé d'un petit Côtes du Rhône). L'extrême-droite veut privatiser et mettre en concurrence la sécurité sociale ? D'abord, j'aimerais beaucoup savoir où ces messieurs du CAL ont été pêcher cette information. Ensuite, j'aimerais profiter de l'occasion pour leur rappeler quelques petits faits qui leur ont sûrement échappé. Afin de démontrer l'absurdité des propos du CAL, je vous propose de lire le programme du NSDAP, le parti nazi. Je reproduis ici les passages les plus significatifs de ce programme en 25 points publié en février 1920.

7 - Nous demandons que l'État s'engage à procurer à tous les citoyens des moyens d'existence. Si ce pays ne peut nourrir toute la population, les non citoyens devront être expulsés du Reich.

15 - Nous demandons une augmentation substantielle des pensions des retraités.

21 - L'État doit se préoccuper d'améliorer la santé publique par la protection de la mère et de l'enfant, l'interdiction du travail de l'enfant, l'introduction de moyens propres à développer les aptitudes physiques par l'obligation légale de pratiquer le sport et la gymnastique, et par un puissant soutien à toutes les associations s'occupant de l'éducation physique de la jeunesse.


Il est clair que l'extrême-droite est donc historiquement favorable au développement de la sécurité sociale et à son maintien dans le giron de l'Etat. Par ailleurs, l'article 25 du programme ne laisse subsister aucun doute quant à l'absence de mise en concurrence :

25 Pour mener tout cela à bien, nous demandons la création d'un pouvoir central puissant, l'autorité absolue du Comité politique sur l'ensemble du Reich et de ses organisations, ainsi que la création de Chambres professionnelles et de bureaux municipaux chargés de la réalisation, dans les différents Länder, des lois-cadres promulguées par le Reich.


Quant à l'expulsion des syndicats des organes de décision, il s'agit là encore d'un travestissement de l'histoire. Dans Mein Kampf, Adolf Hitler ne laisse subsister aucun doute sur ce qu'il pense des syndicats (page 297 du document en lien) :

Telles que les choses se présentent aujourd'hui, on ne peut pas, selon ma conviction, se passer des syndicats. Au contraire, ils comptent parmi les institutions les plus importantes de la vie économique de la nation. Leur importance n'est pas seulement d'ordre social, mais national. Car un peuple dont les masses reçoivent satisfaction de leurs besoins vitaux, et en même temps aussi une sorte d'éducation grâce à une organisation syndicale correcte, acquerra à cause de cela, dans la lutte pour l'existence, un accroissement extraordinaire de sa force générale de résistance.


Difficle d'être moins équivoque. Les syndicats ouvriers, pour Hitler, sont un des éléments essentiels, au même titre, ajouterai-je, que les corporations industrielles, de l'organisation de l'Etat nazi. Alors de deux choses l'une : soit le CAL manifeste ici sa profonde méconnaissance de ceux qu'il entend combattre, ce qui n'est guère à son honneur. Combattre l'ignorance et la méchanceté par l'ignorance ne me semble guère un objectif louable. Soit, et c'est encore pire, le CAL travestit l'histoire afin de servir un autre objectif : l'assimilation de certaines idées libérales - la privatisation et la libéralisation de la sécurité sociale et des soins de santé - au nazisme et à l'extrême-droite. Voici l'endroit exact où je me suis senti pris de nausées.

Je terminerai l'exposé d'aujourd'hui en attirant l'attention sur un autre fait concernant le rapport entre sécurité sociale et extrême-droite : le raisonnement du NSDAP en la matière n'est pas unique, il est commun à toute l'extrême-droite. Ainsi, c'est au Régime de Vichy et au tristement célèbre Maréchal Pétain que l'on doit la suppression de la retraite par capitalisation et l'établissement de la retraite par répartition.

Nous continuerons demain cette inquiétante plongée dans les techniques de propagande et de manipulation de la vérité historique du Centre d'Action Laïque.




21.9.06

Carton rouge au triangle du même nom !

Bien que les lecteurs fidèles de ce coin de toile connaissent ma capacité à l'énervement légitime devant certaines pratiques crapuleuses de la gauche bien-pensante, je n'avais jusqu'ici jamais été pris d'une indignation aussi violente que celle qui m'a saisi à la lecture de la prose diffusée par le Centre d'Action Laïque sur le thème "Triangle Rouge contre le vote d'extrême-droite".

Jamais auparavant je n'avais assisté, à part chez les cons, à l'assimilation facile selon le syllogisme :

libéral = de droite et ultra-libéral = libéral extrême donc ultralibéral = d'extrême-droite

Quand un organisme prétendûment respectable comme le Centre d'Action Laïque tente, sous le couvert de lutter contre l'extrême-droite, de décrédibiliser en douce le libéralisme en le faisant passer pour du fascisme grâce au syllogisme susmentionné, il est du devoir de chacun (pour reprendre la prose nauséabonde de ces minus habens) de se lever et de dénoncer l'imposture intellectuelle.

C'est ce que je me propose de faire dans les deux chroniques qui suivront. Je vais donc reprendre point par point le document qui prétend expliquer ce qu'est l'extrême-droite et vous démontrer qu'il s'agit d'une tentative proprement honteuse de salir le libéralisme. Pourquoi en deux, voire trois fois ? Parce qu'il m'est impossible de lire plus de la moitié de cette propagande digne des meilleures années de la Pravda sans être pris d'une violente envie de vomir. Vous êtes prêts ? C'est parti ...

Cette année encore, l’extrême droite risque de battre des records dramatiques. Les causes sont connues : chômage, précarité, mais aussi angoisse devant l’accélération des changements, peur de l’avenir, insécurité. Aujourd’hui, la lutte contre l’extrême droite est devenue urgente. La démocratie est une construction fragile et une condition nécessaire au respect des droits humains. Elle a besoin de l’investissement et de la vigilance de chacun d’entre nous pour vivre. C’est pourquoi le Centre d’Action Laïque a décidé de lancer la campagne « Question de survie : le triangle rouge contre le vote d’extrême droite ».


Bon, jusque là, rien à redire. L'extrême-droite, c'est mal, on le sait. Maintenant, dans les causes "connues" du vote d'extrême-droite, il serait peut-être bienvenu de rappeler que l'extrême-droite surfe aussi sur les "affaires" à répétition de ces derniers mois et sur le dégoût légitime qu'a ressenti la population en assistant au déballage des turpitudes dont se sont rendus coupables nombre d'élus locaux. A moins que les partis dits démocratiques ne présentent un message ferme et crédible aux électeurs et ne procèdent à un "grand nettoyage" dans leurs rangs, le ras-le-bol risque de pousser lesdits électeurs au vote "de protestation". Je me demande quelles raisons ont poussé le CAL a omettre une cause aussi importante du vote d'extrême-droite.

Pour éviter que le découragement ou le ras le bol ne mène au vote d’extrême droite, nous avons voulu mettre en lumière la force démocratique que représentent les millions d’électeurs qui ne votent pas pour les partis d’extrême droite. C’est l’objet de cette campagne. Des triangles rouges, marque des prisonniers politiques et des résistants dans les camps de concentration nazis, sont également distribués sous forme de pin’s partout en Communauté française, symbolisant, pour ceux qui le portent, leur refus de l’extrême droite.


Nous sommes nombreux, montrons-le. Ca fait un peu campagne d'intimidation, vous ne trouvez pas ? A quand les ratonnades sur les salauds qui ne portent pas le pin's estampillé solidaire et festif ? Bon, peut-être que je le prends en mauvaise part, qu'il ne faut pas y voir de mal, que ça part d'une bonne intention. Mais l'Enfer en est pavé, de bonnes intentions. Enfin, soit.

Nous souhaitons ici réaffirmer notre projet de société basé sur le vivre ensemble dans la diversité et qui se caractérise par les valeurs issues de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : la liberté, l’égalité et la solidarité …



Voici le texte de la Déclaration en question. Un pin's triangle rouge à qui trouve le mot solidarité dedans. Tiens, d'ailleurs, pourquoi un organisme comme le CAL ne met-il pas la DUDH en lien ? Peut-être est-ce parce que leur texte (et le droit belge) est en contradiction avec les articles 18, 19 et 30 de ladite déclaration ? J'y reviendrai en temps utile.


L’extrême droite s’attaque d’abord et prioritairement à nos libertés fondamentales ! En voici quelques exemples …. Résistons !



Ca y est, nous entrons dans le vif du sujet. A quelles libertés l'extrême-droite s'attaque-t-elle ? Avant d'aller plus loin dans ce texte, réfléchissons ensemble aux libertés que l'extrême-droite entend restreindre. Il nous sera aisé de comparer ensuite notre liste à celle du CAL.

L'extrême-droite vise à installer un régime totalitaire à tendance xénophobe. Cela implique donc :

- limitation de la liberté d'expression
- limitation de la liberté d'association
- limitation du droit à la vie privée (pas de police secrète sans atteintes à la vie privée)
- limitation de la liberté de conscience
- restrictions basées sur la race, le sexe, la religion, les convictions politiques ou tout ensemble

Pour faire bonne mesure, j'ajouterai une limitation du droit à la propriété. Ainsi, le régime nazi n'a pas hésité à confisquer les biens des Juifs, et Goering s'est constitué par ce biais une fort impressionante collection d'oeuvres d'art.

Mais là, nous raisonnons de façon abstraite sur la nature de l'extrême-droite. Un petit coup d'oeil au programme du Front National nous renseignera au moins sur les intentions avouées d'un parti estampillé d'extrême-droite.

A la lecture de ce programme, il transparaît, à condition de lire entre les lignes (et parfois dans les lignes) qu'il s'agit probablement d'un parti xénophobe, puisqu'il affirme vouloir lutter contre le "racisme anti-européen" et "l'antiracisme". Mais peut-on l'affirmer avec certitude ? Le problème des lois réprimant les propos racistes, c'est précisément cela : en empêchant un parti politique d'afficher clairement "on n'aime pas les bougnoules", on lui rend paradoxalement la tâche plus facile pour convaincre l'électeur non averti qu'il est inoffensif. Je me rappelle de l'époque où les tracts électoraux du FN et du Vlaams Blok étaient sans équivoque. Révoltants à lire, certes, et bourrés de mensonges et de préjugés racistes, mais au moins, à l'époque, personne ne se méprenait sur la vraie nature de ces partis. Mais je diverge.

Armés de notre définition intuitive de l'extrême-droite et du programme du FN, nous nous attaquerons demain à l'argumentaire du CAL.




17.9.06

La mauvaise herbe individualiste


Je ne sais pas pourquoi, en cette funeste "journée sans voiture" que j'ai déjà amplement fustigée sur ce petit coin de toile, je pense à ce bon vieux Brassens :


Les hommes sont faits, nous dit-on
Pour vivre en bande, comm' les moutons
Moi, j'vis seul, et c'est pas demain
Que je suivrai leur droit chemin
Je suis la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens,
C'est pas moi qu'on rumine et c'est pas moi qu'on met en gerbe
Je suis la mauvaise herbe, braves gens, braves gens,
Je pousse en liberté dans les jardins mal fréquentés ...


Si Brassens avait vécu à notre époque, aurait-il seulement osé écrire ces quelques vers à la gloire de l'individu ? A l'époque déjà, il dénonçait la mentalité de troupeau dont font hélas preuve la plupart des habitants de nos pays soi-disant civilisés. Mais serait-il encore seulement envisageable de s'exprimer ainsi de nos jours ? Rappelez-vous ce couplet d'une autre chanson, la mauvaise réputation :

Le jour du Quatorze Juillet
Je reste dans mon lit douillet.
La musique qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En n'écoutant pas le clairon qui sonne.
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde me montre du doigt
Sauf les manchots, ça va de soi.


L'individualisme, dans notre société festive, solidaire, et citoyenne, n'est plus une valeur respectable, ni même respectée. Les esprits libres sont couverts d'opprobre et vilipendés. La chape de plomb de la bien-pensance s'abat sur tous. Et chacun, au lieu de résister, s'adapte bon gré mal gré à l'air du temps. Car résister aux manifestations décrétées par le pouvoir en place avec l'assentiment, voire à l'insistance de la masse bêlante des citoyens "conscientisés", voyez-vous, c'est manifester son individualisme. Qui rime, comme chacun le sait à présent, avec fascisme. Car tout ce qui n'est pas solidaire est forcément fascisant. Comprenne qui pourra. Bien sûr, il est de bon ton de ne plus aimer la "Patrie", tarte à la crème collectiviste d'un autre âge, et la Mauvaise Réputation peut donc être écoutée par les rebelles à la petite semaine qui croient se donner bonne conscience en suivant à la lettre les dégoûts de la masse.

Mais que serait-il advenu si un Brassens moderne s'était piqué de critiquer la "solidarité citoyenne" ? Que serait-il advenu s'il avait mis en question l'utilité de cette manifestation d'autorité étatique aussi brutale qu'absurde qu'est la Journée sans Voiture ? S'il s'était gaussé des gens qui, les gens, en bons petits moutons, s'inventent des "barbecues de quartier", des "espaces festifs", des "jeux de conscientisation citoyenne", et que sais-je encore, pour tromper leur ennui en ce dimanche chagrin ? Qu'aurait-on dit s'il avait chanté :


Quand c'est la journée sans voiture
Je reste au lit, je fuis l'air pur :
Les apéritifs dans la rue,
Empestent la fausse vertu.
Je ne fais pourtant de tort à personne,
En n'affichant pas ma piété piétonne
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Non les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde me montre du doigt
Sauf les manchots, ça va de soi.





13.9.06

Simplification administrative ?

Le magazine Trends publie cette semaine une fort intéressante interview de Vincent Van Quickenborne, le secrétaire d'Etat à la simplification administrative. Si si, ça existe. Et le brave monsieur n'a pas la langue en poche. Jugez-en plutôt :

Trends : Quels sont vos principaux adversaires dans cette simplification ?

VVQ : d'abord, les organisations professionnelles elles-mêmes, qui sont les premières à réclamer la simplification, mais qui utilisent parfois les règles pour se protéger. Cette année, avec Sabine Laruelle, nous avons aboli les conditions d'accès à huit professions. Certains ont trouvé cela scandaleux.



Pour ceux qui en doutaient encore, voici bien une source que l'on ne peut soupçonner de partialité. Un homme d'Etat reconnaît enfin noir sur blanc que le corporatisme en marche est partie intégrante l'Etat-Providence à la Belge.

Bien sûr, il n'y a pas que les patrons à profiter honteusement de l'Etat :

Lorsqu'un employeur engage du personnel, les formalités se font électroniquement, le pointage des chômeurs a pu être aboli; même les C4 se font par voie électronique. Techniquement, nous pourrions même verser directement les allocations de chômage sur le compte en banque du chômeur. Les syndicats, qui remplissent ce rôle, n'y sont évidemment pas favorables, et il n'y a pas de majorité politique pour changer les choses. Cela nous coûte 135 millions par an, somme que l'on pourrait consacrer à des mesures contre le chômage, plutôt que les investir dans l'administratif.


Rentrez vous bien ça dans le crâne : chaque année, par peur de déplaire aux syndicats, le gouvernement leur abandonne 5 milliards 446 millions de francs belges. En clair, chaque année, ces brigands nous piquent des milliards de francs directement dans le portefeuille avec la complicité bienveillante des partis politiques. Rappelez -vous bien cette vérité première lorsque ces ordures organiseront le prochain blocus des transports en commun bruxellois ou lorsqu'ils viendront, la voix onctueuse, insiter sur le rôle important des syndicats devant les journalistes de la RTBF qui leur servent habituellement la soupe.




11.9.06

Commerce international, avantages absolus et avantages comparatifs

Pour les lecteurs qui ont été intéressés par la première évocation de Ricardo, voici un explosé plus "technique" de la théorie des avantages comparatifs.



En 1819, David Ricardo publie « Des principes de l’économie politique et de l’impôt ». Il y expose la théorie des avantages comparatifs : le commerce entre deux pays bénéficie à chacun, même si l’un des pays est capable de fabriquer n’importe quel produit à un coût moins élevé que l’autre. C’est une révolution dans la théorie économique.

L’avantage absolu
Les prédécesseurs de Ricardo pensent en effet que le commerce entre deux nations n’est intéressant que si chacune possède un avantage absolu dans la production d’un bien.

Imaginons deux pays, Rome et la Gaule. On n’y produit que deux biens : du blé et de la viande. Les cultivateurs romains sont capables de produire du blé à un coût moins élevé que les Gaulois. Les éleveurs gaulois, eux, sont plus efficaces que les Romains dans la production de viande. Pour les économistes, Rome dispose d’un avantage absolu dans la production de blé et la Gaule dans la production de viande.
Si ces deux pays peuvent faire du commerce entre eux, les Romains vont se spécialiser dans le blé. Ils en exporteront une partie vers la Gaule, et utiliseront l’argent ainsi gagné pour acheter de la viande gauloise. Les Gaulois, eux, vont se spécialiser dans la viande et en vendre aux Romains. Grâce aux revenus de leurs ventes, ils importeront du blé romain.
Mais que se passe-t-il si la Gaule est moins efficace dans la production de blé et celle de viande ? Comme les Romains produisent blé et viande pour moins cher, le commerce avec la Gaule ne les intéressera pas. C'est du moins le point de vue couramment accepté avant Ricardo. Pour Ricardo, cependant, ce raisonnement est faux.

L’avantage comparatif
Reprenons la situation où chaque pays dispose d’un avantage absolu et traduisons-la en chiffres. Avec 100 ouvriers pendant un an, Rome est capable de produire 200 tonnes (T) de blé ou 50 tonnes (T) de viande. En Gaule, avec 100 ouvriers et durant la même période, on peut produire 80T de blé ou 80T de viande.


Avec la même quantité de travail, les agriculteurs romains produisent plus de blé que leurs collègues gaulois. Les éleveurs gaulois, eux, sont meilleurs que leurs concurrents romains. Rome dispose bien d’un avantage absolu dans la production de blé et la Gaule dans la production de viande.

Pour notre exemple, imaginons que Romains et Gaulois se nourrissent exclusivement de sandwiches au rosbif. En l'absence de commerce international, chaque pays doit produire son propre blé et sa propre viande. Or, un agriculteur qui produit de la viande ne peut pas faire de blé pendant ce temps-là, et vice-versa. A Rome, on ne peut donc produire 1T de viande qu’en acceptant de produire 4T de blé en moins. En Gaule, il faut abandonner la production de 1T de blé pour produire 1T de viande.
Autrement dit, à Rome, 1T de viande « coûte » 4T de blé, alors qu’en Gaule, 1T de viande coûte seulement 1T de blé.

Imaginons à présent que la frontière entre la Gaule et Rome s'ouvre au commerce. Les Romains proposent alors aux Gaulois d’échanger 2,5T de blé contre 1T de viande. Les Gaulois acceptent.

Pour les Romains, c’est une aubaine : 1T de viande leur coûte à présent 2,5T de blé au lieu de 4T. Les Gaulois aussi sont heureux : avec 1T de viande ils peuvent maintenant obtenir 2,5T de blé au lieu d’1T. Gaulois et Romains, sans fournir plus de travail, peuvent à présent manger beaucoup plus de sandwiches au rosbif. Le commerce international leur permet d’augmenter leur satisfaction.

Jusqu’ici, Ricardo et ses prédécesseurs sont d’accord : l’avantage absolu dont dispose chaque pays rend l’échange intéressant.

Mais Ricardo va aller plus loin. Pour lui, même si Rome dispose d’un avantage absolu dans les deux productions, les Romains ont quand même intérêt à commercer avec les Gaulois. Pourquoi ?

Imaginons que les Romains, avec cent ouvriers, produisent 200T de blé ou 100T de viande. En Gaule, la production reste identique.

Pour produire 1T de viande, les Romains ne doivent abandonner que 2T de blé. Si on ouvre la frontière et que les Gaulois leur proposent 1T de viande contre 2,5T de blé, les Romains ne seront évidemment pas intéressés. Pourtant, dit Ricardo, les Romains ont malgré tout intérêt à faire du commerce avec la Gaule.

En effet, si le taux d’échange est par exemple fixé à 1,5T de blé contre 1T de viande, tout le monde y gagne : les Romains, au lieu de payer 2T de blé par tonne de viande, ne paient plus que 1,5T. Les Gaulois, eux, au lieu d’échanger 1T de viande contre 1T de blé, obtiennent 1,5T de viande.

Même si Rome dispose d’un avantage absolu, la Gaule dispose de ce que Ricardo appelle un avantage comparatif par rapport à Rome : lorsqu’on compare les prix relatifs des deux biens, l’échange reste intéressant pour les deux pays. Voilà pourquoi le commerce international profite à tous quels que soient les pays impliqués.

Notez bien qu'il s'agit ici d'une tentative de vulgarisation des théories de Ricardo. Parler de "pays" qui "échangent" et qui "fixent des prix" est un abus de langage. Pour commencer, il est clair que certains Romains continueront à produire de la viande, rien ne les en empêche. Cela d'autant plus que ni Rome, ni la Gaule ne sont des économies planifiées et que producteurs et consommateurs sont libres de leurs choix. Cependant, si l'on se place au niveau macroéconomique, c'est-à-dire à l'échelle des pays, même si certains producteurs Romains continueront à produire de la viande, l'effet global sera un déplacement de la production de viande en Gaule. La "fixation des prix" doit de même être comprise comme un mécanisme de marché et non une décision étatique ou corporatiste. Le taux d'échange entre le blé et la viande, négocié transaction par transaction, s'équilibrera sur le long terme à un niveau où l'échange sera profitable aux deux parties.




7.9.06

Pourquoi le commerce international ?

Puisque la rentrée des classes a sonné, profitons-en pour nous cultiver un peu. A entendre les âneries débitées à longueur d'année par les journalistes et les politiciens au sujet du commerce international, il me semble fort utile de procéder à un petit rappel de théorie économique. Rassurez-vous, rien de rébarbatif dans ce qui suivra, la science économique n'a pas nécessairement besoin de s'encombrer de jargon. La plupart des concepts qu'elle utilise sont simples et compréhensibles par tous. Attachez vos ceintures, décollage imminent.

Les économistes sont décidément de curieux personnages. Ils chantent les louanges de la rapidité et de l’efficacité, mais pourtant, il leur a fallu fort longtemps avant de trouver une explication satisfaisante à l’existence du commerce international. Cette explication, nous la devons à l’économiste anglais David Ricardo.
Avant Ricardo, l’explication à la mode était la « théorie des avantages absolus » : deux pays s’engageront dans des relations commerciales seulement si chacun d’entre eux dispose d’un avantage absolu dans la production d’un bien, c’est-à-dire est capable de produire ce bien à un coût moindre que l’autre pays. Prenons par exemple la Belgique et la Côte d’Ivoire. Il serait impossible, ou très coûteux de produire des bananes en Belgique. Par contre, les producteurs belges de médicaments sont plus efficaces que leurs homologues Ivoiriens. La Belgique et la Côte d’Ivoire ont donc intérêt à commercer ensemble : les Ivoiriens importeront des médicaments belges et les Belges des bananes ivoiriennes. Belges et Ivoiriens y gagnent, puisque les produits importés leur coûtent moins cher que s’ils les avaient produits chez eux.
Tout cela semble très logique. Mais il y a un petit problème : comment fera le pays qui ne dispose d’aucun avantage absolu ? Est-il condamné à l’isolement économique ? L’histoire nous prouve que le commerce a touché toutes les nations, c’est donc qu’il y a un défaut dans la théorie. Mais lequel ?

C’est David Ricardo qui trouve la réponse à cette question. Il la développe dans ce qu’il appelle la « théorie des avantages comparatifs ». Cette théorie, plus complexe que la précédente, fera l'objet, pour ceux que cela intéresse, d'une chronique séparée. Il est cependant facile de la comprendre de façon intuitive : le professeur d’économie Philippe Simmonot nous propose de laisser un instant de côté la notion de pays et d’imaginer un chirurgien. Non seulement ce brave homme excelle dans sa discipline, mais il est aussi plus rapide que n’importe quelle secrétaire pour taper à la machine et classer le courrier. D’après la théorie des avantages absolus, puisqu’il n’y a aucune secrétaire plus efficace que lui pour les travaux de bureau, il n’a aucun intérêt à en engager une : il peut en effet travailler plus vite, et donc à moindre coût. Mais notre chirurgien gagne de l’argent quand il opère, pas quand il s’occupe de son courrier. Le temps qu’il passe à taper son courrier lui « coûte » donc en quelque sorte de l’argent, puisqu’il n’est pas en train de gagner sa vie en opérant un malade. Or, le salaire horaire d’une secrétaire est beaucoup moins élevé que celui d’un chirurgien. Donc, même s’il effectue mieux les tâches administratives, notre chirurgien a intérêt à engager quelqu’un pour s’occuper de son secrétariat et ainsi lui permettre de passer plus de temps derrière une table d’opération. Le gain financier qu’il en retirera sera beaucoup plus élevé que le salaire qu’il devra payer à sa secrétaire. On dit que la secrétaire dispose d’un avantage comparatif : bien que le chirurgien soit plus efficace qu’elle, lorsqu’il compare le rendement qu’il retire des deux activités dans lesquelles il excelle, il se rend compte qu’il gagnerait mieux sa vie en se consacrant uniquement à la chirurgie. Le même raisonnement peut être appliqué à deux pays. Même si l’un d’entre eux produit meilleur marché que l’autre quel que soit le produit envisagé, il y aura toujours des produits plus rentables dans lesquels il aura intérêt à se spécialiser. Ce qui permettra aux habitants de l’autre pays, malgré un handicap de départ, de participer aux échanges internationaux et d’en tirer un avantage.