Pornographie, responsabilité et typologie du collectiviste
L'étau se resserre autour de Philippe Servaty, ce journaliste du Soir accusé d'avoir "abusé" d'environ quatre-vingts jeunes marocaines lors de ses récents séjours à Agadir et d'avoir publié sur le net des photos de ses partenaires d'un moment. Il semble que l'on se dirige actuellement vers une inculpation pour "outrage aux bonnes moeurs" du journaliste, qui a par ailleurs présenté sa démission à la rédaction du Soir.
L'affaire est intéressante à plus d'un titre, à condition toutefois d'éviter de suivre l'opinion dominante, que l'on pourrait résumer à "bouh le vilain méchant il a profité de plein de filles en leur mentant éhontément et en plus à cause de lui elles ont des ennuis avec la justice".
Reprenons donc, si vous le voulez bien, l'ensemble des faits dont nous disposons (ceux qui ne sont pas au courant trouveront quelques détails ici et là). Donc, ce garçon aimait à passer ses vacances à Agadir ou son passe-temps favori consistait à convaincre quelques femmes, de préférence voilées, d'avoir des relations sexuelles avec lui. Pas de quoi fouetter un chat si vous voulez mon avis. Qu'il ait menti à ses filles pour arriver à ses fins ne plaide certes pas en faveur de ce garçon, mais soyons réaliste : n'importe quel dandy de fin de semaine branchée fait de même pour ramener chez lui une donzelle suffisamment crédule pour s'imaginer qu'il s'agit d'autre chose que d'une aventure sans lendemain. Ici comme là-bas, abuser de la crédulité des gens n'est certes pas élégant, mais ce n'est pas un crime. Heureusement pour nos politiciens, d'ailleurs. Notre bon ami a ensuite photographié ses proies dans des positions, disons, compromettantes. Première remarque : dans la presse écrite et télévisée, le mot employé est "victime". Une fois de plus, l'interprétation des faits prend le pas sur les faits eux-mêmes. Nous retrouvons ici déjà une jugement moral et sur Philippe Servaty, et sur les jeunes (ou moins jeunes) filles : il est le seul coupable, il a profité d'elles, ce sont des "victimes". Pas un mot sur le fait que les donzelles en question auraient pu refuser, ne pas croire à son baratin. Et pour une qui succombe, combien ont refusé de croire à ses mensonges cousus de fil blanc ? Le drageur impénitent lui même nous renseigne : "vous en abordez une vingtaine, de préférence en français, vous êtes sûrs d'en récolter au moins trois au final". Quant à la prise de photographies, là aussi les demoiselles ont leur part de responsabilité : elles pouvaient également refuser, il ne les a pas forcées le révolver à la main. Jusqu'ici, transformer ces jeunes filles en victimes comme le fait la presse, c'est nier leur part de responsabilité dans le fiasco.
Par contre, il est clair que la publication desdites photos sur un forum internet - forum, soit dit en passant, uniquement fréquenté par des férus de pornographie et de bons plans "baise" - pose un plus grave problème. Mais là aussi, les journalistes qui relatent les faits procèdent à de curieuses déformations. Certes, publier ces photos risquait à terme de causer des problèmes à ses "conquêtes", et il aurait dû au moins masquer les yeux, ce que plusieurs intervenants de son forum lui ont d'ailleurs fait remarquer. Simple question de correction. Mais la presse évacue assez curieusement la question centrale : si treize femmes croupissent à présent dans les geôles marocaines, c'est parce que l'Etat marocain en fait des coupables. C'est bien là que se trouve le scandale, cet Etat qui se permet de régir la sexualité de ses citoyens. Tout a commencé par une institutrice de 46 ans - entre parenthèses, difficile de croire à la thèse de la "jeune fille crédule" - qui est allée porter plainte au commissariat de son quartier. Ce qu'elle souhaitait, c'est qu'il soit mis un terme, par des voies légales, à la diffusion de ces photos sur le net. Au final, c'est elle qui se retrouve en prison pour pornographie. Personne ne trouve à y redire. Le coupable, c'est Servaty, pas l'Etat marocain qui sanctionne des comportements privés entre adultes consentants. Bien sûr, il aurait dû savoir, bien sûr, il aurait dû prendre les mesures nécessaires à éviter des ennuis à ces femmes, mais n'oublions pas cependant que tout cela ne serait pas arrivé si la loi marocaine ne s'intéressait pas à la sexualité des marocains.
Dernière petite remarque, qui rejoint un précédent texte sur la typologie du collectiviste. Philippe Servaty, journaliste financier, était apparemment connu pour ses prises de positions "tiers-mondistes". N'est-il pas amusant de constater le fossé qui sépare ses jolies paroles à la "sensibilité de gauche" de la façon dont il manifeste dans les actes son total irrespect des individus ?