Insécurité juridique
Une des caractéristiques les plus marquantes, mais les plus ignorées, de nos social-démocraties agonisantes est l'insécurité juridique croissante dans laquelle vivent individus et entreprises. Si ceux qui nous gouvernent semblent en apparence attachés au respect de l'article trois de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, force est de constater que les faits peignent une autre image de leur action. Lois arbitraires, décrets discrétionnaires, tout l'arsenal de l'oppression se met doucement en place, à l'ombre de médias complaisants.
Bien sûr, il n'est pas encore tout à fait question de privations de liberté arbitraires, ou en tout cas pas en Belgique, bien que la loi permette actuellement aux forces de police de détenir quelqu'un pendant 24 heures sans même lui autoriser un seul contact avec l'extérieur. Ce domaine est actuellement principalement réservé aux prétendus défenseurs de la démocratie que sont les USA aux mains des néo-conservateurs. Non, ce dont je vous parle, ce sont ces petits morceaux de législation qui rendent les décisions quotidiennes ou de plus long terme de plus en plus hasardeuses et inquiétantes pour le citoyen ordinaire.
Que dire par exemple de la dernière mouture du budget fédéral, lequel ouvre la possibilité d'un contrôle des loyers et, plus grave, en laisse la responsabilité aux trois Régions. Que doit en penser le petit propriétaire qui a hérité d'un immeuble appartenant à sa grand-mère et qui souhaite le mettre en location ? Déjà, la réduction à deux mois de la garantie locative le rendra sans nul doute beaucoup plus chatouilleux dans le choix de ses éventuels locataires. Se voir imposer un plafonnement des loyers ne risque-t-il pas carrément de l'acculer à la vente ? Car qui oserait mettre son bien en location sans même savoir s'il rentrera dans ses frais ? Pas question cependant d'attendre tranquillement dans l'espoir que la situation se tasse, car la législation ne lui permet déjà plus de garder son immeuble inoccupé sans risquer qu'il ne soit saisi par les autorités régionales. Oh, bien sûr, la saisie n'est pas certaine. Mais la possibilité qu'elle soit effectuée augmente encore l'incertitude dans laquelle notre petit propriétaire doit prendre ses décisions.
Quant aux entreprises, leur inquiétude est encore plus grande. Plus possible d'accorder une voiture de société à un de ses employés sans s'inquiéter de la sauce fiscale et parafiscale à laquelle la société sera mangée. Les conditions de déductibilité et d'imposition de ces dépenses changent à chaque nouveau budget.
Que dire des revirements sempiternels dans le dossier des écotaxes ? Un coup je taxe, un coup je ne taxe plus, un coup je retaxe. La dernière décision en date marque la fin de l'écotaxe en tant qu'outil destiné à promouvoir un comportement environnementalement responsable, car Monsieur Reynders a clairement fait comprendre que le seul objectif est à présent de remplir les coffres de l'Etat.
Que penser des projets d'établissement d'un "cadastre des fortunes" en Belgique ? Les revirements auxquels nos édiles nous ont hélas habitués rendent leurs promesses et dénégations quant à la possibilité d'un impôt sur la fortune particulièrement peu crédibles.
Quel idée doit-on se faire des dernières idées émanant de la ministre de la justice, du renforcement des écoutes téléphoniques et des possibilités légales d'espionnage et de fichage des citoyens par l'Etat. Que les logiciels d'encryption d'emails soient interdits dès que les clés de cryptage dépassent une certaine longueur en dit long sur les velléités d'ingérence de ceux qui nous gouvernent dans notre vie privée.
Que penser de la vague actuelle d'autorisations de casinos et d'espaces de jeux d'argent, alors que simultanément les sociétés de paris en ligne - qui ont le grand tort de ne pas payer de coûteuses "concessions" aux gouvernements en place, sont pourchassées en justice ? Le prétexte de "protéger le citoyen contre l'enfer du jeu" ne dupe plus que les ignorants et les crédules, tant la débauche de publicité et de nouveaux produits lancées par les monopoles nationaux l'ont exposé pour ce qu'il est : un cache-sexe pour un monopole dont les recettes juteuses financent l'Etat.
La liste est encore longue de ces petites mesures passées dans la quasi-indifférence générale et dont chacune contribue à l'érosion progressive des libertés individuelles, qu'il s'agisse de liberté d'opinion ou de liberté d'entreprendre. Pas à pas, la social-démocratie cède la place à une dictature au caractère plus en plus orwellien.
La liberté, c'est l'esclavage.