19.4.03

Le bouton rouge


Dans son excellent opus L’éthique de la liberté ,le philosophe américain Murray Rothbard développe le test du bouton rouge pour distinguer le vrai libertarien du partisan de l’Etat minimal : si vous vous trouviez placé face à un bouton rouge, et que le fait de presser ce bouton rayait l’Etat de la surface de la Terre, le feriez-vous ? Le vrai libertarien, expose Rothbard, pressera sur le bouton sans hésiter une seconde. Inutile, je suppose, de vous préciser que votre cher Constantin se précipiterait sur ledit bouton et le presserait plutôt deux fois qu’une.

Cependant, il est évident qu’il ne s’agit que d’une question destinée à permettre au lecteur de préciser sa position par rapport à l’Etat. La transition vers une société sans état (titre d’un excellent livre de David Friedman), ne peut se faire que graduellement. La seule façon pour nous, libertariens et ennemis de l’Etat (expression inspirée du pamphlet d’Albert Jay Nock intitulé « Our enemy : the State ») de parvenir à nos fins est d'opérer un vaste changement des mentalités. Actuellement, la population est en état de dépendance vis-à-vis de l'Etat. Ce dernier, ou plutôt ses représentants, est parvenu, au cours des dernières décennies, à déresponsabiliser l'individu et à le convaincre qu'il n'est pas de salut hors de l'Etat.

Pas plus tard qu'hier après-midi, j’exposais à un gauchiste et néanmoins ami mes vues sur la nécessité de supprimer l'Etat. J’étais parvenu à le convaincre de la nature intrinsèquement malfaisante et liberticide de cette institution et j’avançais tranquillement en direction de mon objectif, convaincre mon interlocuteur de la nécessité de presser sur le bouton , lorsqu’il me rétorqua que les gens "avaient besoin d'une autorité"car ils étaient incapables d'assumer par eux-mêmes certains choix.

Combien de fois n’ai-je entendu cet argument dans la bouche des collectivistes de tout poil. Il s’agit de leur dernière massue idéologique, celle à laquelle ils font appel en dernier recours. Cette croyance en la nature foncièrement mauvaise (si l’on est vraiment pessimiste) ou dépendante (si l’on est juste convaincu de l’incapacité de l’être humain à assumer lui-même ses choix et les conséquences qui en découlent et à prendre les décisions qui lui seront les plus favorables à long terme) est, je pense, la victoire la plus repoussante du collectivisme sur le plan idéologique. Elle est le résultat d’une longue entreprise de propagande dont le message sous-jacent est : « il faut faire le bien des gens malgré eux ,et c’est là le rôle de l’Etat ».


C’est avoir une bien triste opinion de la nature humaine que de proférer de telles phrases, ne trouvez-vous pas ?