12.5.03

Sous le soleil de notre bien-aimé président

Ah, les pays arabes du Sud de la Méditerranée ! Ces destinations de vacances enchanteresses, où le touriste alangui s’allonge mollement sur un transatlantique à l’ombre d’un palmier ! Ces paysages enchanteurs dont l’aridité rappelle à ceux qui les contemplent que quelques lieues plus au sud, le désert étend ses tentacules sablonneuses ! Que de splendeurs, reliquats des ères punique, romaine ou arabe médiévale, s’offrent au regard du visiteur ébahi ! Sous le masque d’une prétendue démocratie, la Tunisie écrasée de chaleur pré-estivale abrite pourtant frileusement un président dont le score aux dernières élections n’a rien à envier à celui du sinistre moustachu récemment démis manu militari de ses fonctions: 99,91% des suffrages. Si ce résultat n’était si élevé, la langue de bois pratiquée de concert par la presse, les guides touristiques et les autochtones nous ferait presque croire à la démocratie. A les en croire, le président Bourguiba était un très bon président, et Monsieur Benali représente un digne successeur, capable de mener la Tunisie sur le sentier parsemé de fleurs de la démocratie parlementaire. Mais petit à petit, les craquelures du tableau idyllique apparaissent à l’observateur attentif.

Ainsi, le touriste désireux de photographier l’admirable site archéologique des Thermes d’Antonin à Carthage apprend avec surprise que ce lieu jouxte un palais présidentiel et que toute photographie prise dans la direction de ce palais sera sanctionnée de la confiscation du film et probablement de l’appareil. Des gardes armés d’impressionnants fusils sont stationnés dans de petites guérites tout le long du site et surveillent les touristes d’un air soupçonneux. Pour faire bonne mesure, de petits groupes de militaires patrouillent le long des chemins et de curieux personnages arborant des lunettes de soleil noires, une petite oreillette et une veste de cuir noir qui dissimule à peine un holster bien garni se promènent ça et là d’un air nonchalant. De même, le touriste qui s’étonne de la relative discrétion de l’Islam apprend que la construction de mosquées est interdite aux environs des hôtels (et vice-versa), que les mouvements islamistes tunisiens ont été interdits et que leurs responsables et membres importants croupissent toujours dans les geôles. L’omniprésence de la police (il y a presque un policier à chaque carrefour, sans compter les nombreux pandores chargés de la surveillance des innombrables bâtiments officiels) ne laisse pas non plus de surprendre. Enfin, il est amusant d’entendre les guides touristiques vanter les innombrables réussites à l’actif de l’administration Benali, tant en matière d’économie que d’éducation ou de réduction du chômage. Mais le plus amusant témoignage de la déplorable situation du pays, c’est encore ce douanier tunisien qui, à l’aéroport, me demanda si je n’avais pas parmi mes connaissances une jeune fille belge prête à se marier avec lui afin de lui permettre d’obtenir un permis de séjour …