19.6.04

L'idéal de générosité

Ce matin, un journaliste de la radio-télévision bolchévique francolâtre interviewait sur "La Première" un professeur d'économie de l'université de Louvain. Le sujet du jour : la taxe "Tobin" que socialistes, sociaux-chrétiens et écologistes se sont entendus pour faire voter dès que possible par le Parlement. Ce brave professeur expliquait à un journaliste médusé que cette taxe était contre-productive, qu'elle allait complètement rater ses victimes avérées - les "grands spéculateurs", qui sont à la pensée altermondialiste actuelle ce que le complot judéo-maçonnique était aux français germanophiles de l'entre-deux-guerres - et pénaliser les PME à la recherche de devises pour leurs exportations et leurs importations. Sans compter qu'elle "rapportera" beaucoup moins que les optimistes estimations de ses promoteurs. Que du bon sens, en somme, mais qui n'avait pas l'air d'être du goût du paperassier gauchiste de service. Dépité, mais nullement découragé, il lança alors la question suivante au brave professeur : "oui, mais l'idéal de générosité qui est derrière cette proposition, vous y adhérez quand même ?".

L'idéal de générosité, nous y voici. Avec "solidarité", il fait partie de ces mots vidés de toute substance par leur introduction dans le dictionnaire Novlangue. En anglais, on les appelle Weasel Words, en référence à la charmante coutume qu'ont les visons , lorsqu'ils tombent sur un nid non gardé, de gober le contenu des oeufs qui s'y trouvent sans en briser la coquille, les laissant intacts en apparence. Comme pour la plupart des mots Novlangue, l'objectif poursuivi avec "générosité" et "solidarité" est d'utiliser leur connotation positive pour masquer une réalité, celle de l'oppression étatique.


Prenons par exemple "solidarité". Le Larousse nous dit :

solidarité : n.f Sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle.

Quand l'Etat nous prélève des cotisations ou des impôts, il nous explique que cela financera le sytème de sécurité sociale, lequel est basé sur la solidarité. Donc sur un sentiment qui pousse les citoyens à s'accorder une aide mutuelle. Or, ces prélèvements sont obligatoires. Ce n'est donc pas un sentiment qui nous pousse à aider nos concitoyens, mais bien la puissance coercitive des agents de l'Etat, qui sont habilités à saisir nos biens si nous nous refusons à donner suite à leurs exigences. A moins d'assimiler l'Etat à un sentiment bien sûr. Mais heureusement les spin doctors du collectivisme bien pensant n'en sont pas encore là.

Mutatis mutandis, le raisonnement s'applique à cet "idéal de générosité" dont parlait le journaliste. Ce prétendu idéal, lu entre les lignes, revient finalement à la chose suivante : priver quelqu'un (de préférence d'une autre catégorie sociale que la nôtre, histoire de ne pas avoir à contribuer soi-même) d'une partie de ses revenus pour financer, par exemple, la coopération au développement (c'est l'objectif de la taxe Tobin). Cet idéal de générosité consiste donc à être généreux avec l'argent des autres. Dans ces conditions, il est facile d'être généreux, vous ne trouvez pas ?