Le péril jaune (suite)
Plus le temps passe, plus les vociférations des politiciens et - ô surprise - des patrons de l'industrie textile belge à l'encontre des exportations chinoises de produits textiles prennent de l'ampleur. Le crime de la Chine ? Vendre ses produits textiles à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les pays occidentaux. Les grincheux habituels pestent et réclament un nouveau cortège de mesures protectionnistes à l'encontre de ces vilains exportateurs accusés de tous les maux.
A ce stade de la discussion, il importe de déterminer quels intérêts sont menacés dans l'histoire. S'agit-il des intérêts des consommateurs ? Nullement. Ces derniers sont en effet plus qu'heureux de devoir dépenser moins pour se vêtir qu'ils ne le faisaient auparavant. S'agit-il des intérêts des autres industries ? Guère plus. Que l'argent économisé par les consommateurs sur leurs achats de textiles puisse leur permettre d'augmenter leurs dépenses dans d'autres domaines, favorisant ainsi de nombreuses activités économiques n'émeut pas ceux qui poussent des cris d'orfraie. Que la baisse des coûts de production dans les activités où les produits textiles constituent une matière première permette baisse des prix, augmentation des salaires, nouveaux investissements, conquête de nouveaux marchés, etc., n'a guère plus d'effet.
Non, ce que les détracteurs de la Chine prennent en compte, ce sont les intérêts des producteurs et le prétendu "intérêt national".
Prenons les intérêts des producteurs. Que représente le secteur textile en Belgique et quels sont ses domaines d'activité ? Un rapport d'activité de Febeltex, la fédération belge du textile nous permet d'en apprendre plus. Le secteur textile emploie 36.000 personnes en Belgique, soit 0,88% de l'ensemble des travailleurs, qui sont un peu plus de 4 millions. Nous parlons donc ici d'hypothéquer les intérêts de l'entièreté de la population belge pour préserver ceux de 0,34% de cette population.
Et encore, combien parmi les travailleurs du secteur textile sont-ils réellement menacés ? De l'aveu même de la Fédération Belge du Textile dans le rapport déjà cité, le seul sous-secteur menacé par la concurrence chinoise est celui du textile d'habillement. En effet, les entreprises belges restent compétitives et largement exportatrices dans la production de fibres, les textiles dits "techniques" et le textile d'intérieur, où elles ont accumulé un savoir-faire technologique qui les met à l'abri de la concurrence de l'industrie chinois. La Belgique est même le premier pays exportateur de tapis au monde. Que représente le sous-secteur du textile d'habillement en terme d'emplois ? 5.100 personnes sur les 36.000 employées par l'ensemble du secteur textile. Voilà qui donne à réfléchir. Les revendications de l'industrie textile, que relaient servilement nos édiles et les journaleux en mal de copie, ont pour objectif de protéger l'emploi de 0,12% des travailleurs (si tant est que là se trouve l'intérêt des patrons du textile). Cela peut apparaître de prime abord comme un objectif louable, mais est-il réaliste de vouloir lutter pour sauver une industrie en déclin, dont le déclin était déjà entamé à l'époque où les quotas d'importation de textiles chinois étaient en vigueur (voir encore le rapport de Febeltex), tout cela moyennant l'abandon par le reste de la population de la part de bien-être supplémentaire et des créations d'emplois réellement productifs (càd dans des secteurs où la Belgique a intérêt à se spécialiser) que permettra la baisse des prix du textile ? Parler de menaces pour l'intérêt national est, au mieux, une coupable erreur, au pire, un travestissement hypocrite et intentionnel de la vérité par des politiciens soumis au lobby du textile, relayé par des altermondialeux dont l'incompréhension des mécanismes de l'économie n'a d'égale que la mauvaise foi.
11 Commentaires:
Comme un des impacts majeurs des politiques socialistes est le découragement de l'entrepreunariat et de l'innovation au sens large, les anti-libéraux de tout bord ont bien raison de vouloir conserver à tout prix les emplois existant.
En effet, lorsque des secteurs d'activités, rendus non-rentables par le retour aux lois du marché, sont voués à la faillite, le système est défavorable aux conditions de rééquilibrage. La réallocation des ressources est perturbée à cause du surcoût de la création d'activité et du risque créé par le contexte légal et fiscal.
Mais bien sûr, le protectionnisme est une recette plus populaire que la réforme qui permettrait au marché de jouer son rôle.
Effectivement, le rééquilibrage sera handicapé par les rigidités dues aux politiques socialistes. Ceci dit, je pense qu'il aura finalement lieu, même si c'est avec un certain retard.
Quoi qu'il en soit, le coût "caché" des mesures protectionnistes (qu'il soit caché est le résultat de ce que j'appelle l'arithmétique collectiviste) sera, à long terme, une restructuration forcée d'autant plus pénible qu'elle aura été retardée. Il suffit de regarder l'argent qui a été engouffré par les gouvernements belge et français dans le "sauvetage" de l'industrie sidérurgique au début des années 80. Ce prétendu sauvetage a sérieusement pesé sur l'économie (mauvaise allocation des ressourcespuisque les impôts ont été augmentés et leur produit dirigé vers une industrie condamnée), pour 25 ans plus tard, aboutir à une fermeture. Le résultat, celui dont on ne parle pas, c'est un tas d'ouvriers, qui ont aujourd'hui la quarantaine et auront un mal fou à se reclasser alors que si, quinze ans auparavant, la sidérurgie était morte de sa mort naturelle, ils auraient débuté leur carrière dans un autre secteur.
Les chiffres pour la France, ainsi qu'une interview de Xavier Méra, de l'Institut Molinari, peuvent être trouvés sur le forum libéraux.org à l'url suivant :
http://www.liberaux.org/index.php?showtopic=13518&st=0
Je n'aurais qu'un mot : brillant !
Constantin
j'ai découvert ton site récemment et j'apprécie...Bravo !
Tu auras noté que tous les pays n'ont pas les attitudes mesquines de ton royaume fritier et de ma république bananière au sujet de la Chine.
Vu sur le New Zealand Herald aujourd'hui:
http://www.nzherald.co.nz/index.cfm?c_id=3&ObjectID=10127166
"Trade deal talks underway between Australia and China
24.05.05
By Michael Perry
Australia and China began talks yesterday towards a free trade deal, boosting China's efforts to be accepted as a full market economy and Australia's bid for greater access to the world's most populous market.
"The China-Australia FTA [free trade agreement] is a significant development in our relations," said Wu Bangguo, China's parliamentary chief. etc..."
D'autre part tu pourrais mettre un fil atom sur ton site, c'est possible avec blogger, et ce serait plus facile de te suivre...
mispe cogito
http://www.poncenat.com/mispeblog.html
Merci Mispe de cet intéressant commentaire. L'Australie, comme n'importe quel pays, d'ailleurs, a intérêt à abaisser ses barrières douanières. Il est rassurant de constater que certains pays se rappellent encore de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo.
Pour les lecteurs intéressés par les fondements théoriques du libre échange, je conseille vivement la lecture de "Le Libre Echange", de Pascal Salin, dans la collection "Que sais-je ?" des PUF. (ISBN 2 13 052750 7)
En ce qui concerne le fil Atom, je ne sais pas comment on fait (j'avoue que je ne suis guère au fait des subtilités de l'informatique), mais je vais me renseigner et tenter de vous apporter satisfaction.
Mispe,
Apparemment, il existe déjà un feed ATOM pour ce blog :
http://constantinia.blogspot.com/atom.xml
pour le feed atom, excellent ça marche...Mais tu dois pouvoir ajouter un signe visible a ce sujet sur ta page d'accueil.
Volontiers, mais comment fait-on ?
Je ne suis pas spécialement "capitaliste", ou "anti capitaliste", mais ce que je ne comprends pas dans la façon d'agir de l'Europe c'est qu'elle reproche à la Chine de jouer avec les mêmes règles qu'elle. Deux poids deux mesures (je m'excuse si mes propos ne sont pas clair, moi même j'ai un peu de mal à formuler ma pensée).
Cher anonyme, si je vous comprends bien, vous nous dites ceci : l'Europe est en train de reprocher à la Chine de faire précisément comme elle, c'est-à-dire vendre les produits que ses entrepreneurs peuvent fournir à des prix compétitifs.
Sur ce point, je suis d'accord avec vous. Si ce n'est que derrière "L'Europe" et "La Chine" se cachent plusieurs réalités différentes : les gouvernements européens, la commission européenne, les consommateurs européens, les salariés européens (qui sont d'ailleurs consommateurs), le gouvernement chinois, les entrepreneurs chinois et les consommateurs chinois. Poser le problème en affinant les termes permet de comprendre les enjeux réels. En gros, le lobby européen du textile, qui se soucie comme d'une guigne des consommateurs européens ou même des travailleurs dudit secteur fait pression sur les gouvernements européens pour qu'ils exigent du gouvernement chinois que ce dernier restreigne les exportations des producteurs chinois, mettant par là-même une série de travailleurs chinois au chômage. Pour protéger les intérêts de quelques petits patrons et d'une petite dizaine de milliers d'ouvriers (sur l'Europe entière), en prend en otage 300 millions de consommateurs européens et je ne sais combien de dizaines de milliers de travailleurs chinois.
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