10.5.05

Surréalisme à l'Européenne

Si les influences respectives de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre sur la construction européenne apparaissent évidentes, il devient pourtant clair que notre petit royaume fritier - j'emploie le terme pour le distinguer de la république bananière qui s'étend au Sud du pays - imprime secrètement sa marque distinctive aux processus politiques de l'Union : le surréalisme à la belge entoure de son aura les débats actuels sur la Constitution Européenne.

Restons un instant en Belgicanie, si vous le voulez bien. La Pravda, pardon, le Soir, et la Radio-Télévison Bolchévique Francolâtre viennent de lancer une grande offensive médiatique sur le thème : "pour ou contre la Constitution Européenne ?". Informer le citoyen et débattre du sujet alors que le traité a déjà été ratifié par le Sénat, et que socialistes et sociaux-chrétiens, en bon "progressistes" et "démocrates-humanistes", ont refusé le principe du référendum, voilà qui ne manque pas de piquant. Mais n'allez pas croire qu'on prenne les citoyens pour des abrutis. Non non non. En fait, on les prend pour des abrutis profonds.

Passons à présent à l'Europe. Je n'ai pas lu le Traité, et je ne pense pas le lire de sitôt. C'est un choix, motivé par le profond ennui que m'inspire à l'avance l'idée de décortiquer plus de trois cents articles. Je présume que les bienveillants politiciens qui ont rédigé ce traité ont trouvé là un excellent moyen de noyer le poisson et de maintenir cette distance entre le citoyen lambda et les institutions européennes. Il n'empêche. Quand j'entends les critiques apportées par les partisans du "non" et les arguments avancés pas les partisans du "oui", je ne peux m'empêcher de réprimer un sourire. Les partisans du non se trouvent aussi bien chez les socialistes, chez les libéraux (enfin, entendons-nous, je parle des libéraux autoproclamés, qui ne sont que des étatistes de droite) et chez les conservateurs. Les socialistes fustigent un traité qui instaurera une Europe "ultralibérale". Déjà, il y a là de quoi s'étonner : les subsides à l'agriculture, le protectionnisme forcené vis-à-vis de la Chine, des pays d'Afrique et d'Amérique Latine, les restrictions à la liberté de circulation des ressortissants des nouveaux pays adhérents peuvent difficilement passer pour de l'ultralibéralisme pour quiconque fait preuve d'un semblant d'honnêteté intellectuelle. La directive Blokestein morte et enterrée, tout espoir de voir le secteur des services - qui représente tout de même 80% de la richesse produite en Europe - enfin ouvert à la concurrence intra-européenne s'est évanoui dans les limbes. Le plus amusant, c'est que, Bolkestein ou pas, les directives et traités actuels prévoient déjà que les citoyens peuvent, s'ils le souhaitent, se désaffilier de la sécurité sociale obligatoire et opter pour une assurance privée pour les soins de santé. Enfin, passons. Donc, les socialistes trouvent cette constitution inacceptable parce que ultralibérale. Les libéraux, de leur côté, y sont opposés parce que "l'Europe Sociale" qu'elle prône va perpétuer et aggraver les désastreuses réglementations du marché du travail qui paralysent notre économie et agrandissent chaque jour le fossé qui nous sépare des pays riches que sont les Etats-Unis, le Japon, l'Australie et la Corée du Sud. Et, dans une moindre mesure, l'Angleterre. Que simultanément les libéraux trouvent le Traité Constitutionnel Européen trop à gauche, les socialistes trop à droite, et que dans un même temps d'autres socialistes sont pour un "oui de combat" (admirez la créativité dont font preuve les inventeurs de slogans portant le label "novlangue") et d'autres libéraux pour un oui prudent, tout cela ne peut qu'inspirer un désintérêt vaguement amusé. Finalement, l'excellent The Economist avait raison il y a un an lorsqu'il publiait une édition en couverture de laquelle on apercevait une grande corbeille à papiers surmontée du titre : la vraie place de la constitution européenne.


8 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Tu as raison sur le fond, Constantin, mais quand même un bémol: à cette date, ce traité, qu'effectivement je me refuse à appeler Constitution, a uniquement été ratifié par le Sénat, et pas (encore) par la Chambre alors que
c'est à priori à la Chambre que le débat réel devait se tenir sur le pour et le contre de ce texte.

Même si il ne faut pas se faire d'illusions sur le résultat.

10/5/05 12:49  
Blogger Constantin a écrit...

Effectivement, cher Anonyme, je me suis emmêlé les pinceaux, c'est le Sénat et non la Chambre qui a ratifié le traité, pas 54 voix contre 9 et une abstention. Je m'en vais de ce pas corriger cette erreur, merci de l'avoir soulignée.

Techniquement, vous avez raison, il s'agit d'un traité et non d'une constitution.

Nous verrons ce que donne le "débat réel" à la Chambre, mais comme vous, je ne me fais guère d'illusions.

Ceci dit, j'ai appris ce matin que les annexes au traité comportaient un engagement de la Belgique à limiter ses dépenses dans le cadres des fods structurels européens pour laisser plus de moyens à l'aide aux nouveaux Etats membres. Ce qui fait évidemment hurler les socialistes, dont les fiefs hennuyers et liégeois verraient se tarir la manne européenne. Sans les aides européennes, peut-être les citoyens réaliseront-ils que les problème c'est l'état PS. On peut toujours rêver ...

10/5/05 14:11  
Anonymous Anonyme a écrit...

Constantin, je viens, tout à fait fortuitement, de lire ta prose. Et je pense que j'exprime ici l'opinion de pas mal de monde en te disant que tu n'es qu'une merde.
(je sais d'avance que tu apprécieras sans doute mon vocabulaire châtié et ma syntaxe complexe mais élégante).

10/5/05 18:22  
Blogger Constantin a écrit...

Cher Anonyme n°2,

Je m'attendais en ouvrant ce blog aux commentaires anonymes à ce que les couards de votre espèce, ceux qui n'osent même pas signer leurs insultes, passent faire un tour ici pour déposer leurs petites crottes.

Si ma prose vous indispose, je ne vois pas très bien ce que vous faites ici. A moins bien sûr d'être masochiste. Donc, à l'avenir, passez votre chemin, ça vous évitera de faire un ulcère.

Tiens, au fait, vous ne seriez pas un peu socialiste sur les bords ? Cette manie de vouloir "parler au nom de tout le monde", c'est typiquement gauche caviar, ou je me trompe ?

Enfin, je vous ferai remarquer que les insultes et attaques ad personam indiquent que vous êtes incapable de me répondre sur le fond. Ce qui en dit long sur vos capacités de réflexion.

10/5/05 20:02  
Anonymous Anonyme a écrit...

Cher Constantin, je me propose de rappeller à votre "cher anonyme" les mots de Voltaire : "Je passerai toute ma vie à combattre vos idées, mais je me battrai également toute ma vie pour que vous puissiez les exprimer". De combat, il ne peut malheureusement mener. C'est bien triste...

10/5/05 22:44  
Anonymous Anonyme a écrit...

L'article du Economist:
"The right verdict on the constitution"
http://www.economist.com/
PrinterFriendly.cfm?Story_ID=2790226

"the new treaty is little easier to understand than its predecessors; nor, overall, are the new institutional arrangements. It was probably always hopeless to expect something that could be recited in schools, however. Much more important is the fact that the new treaty does nothing to provide citizens with any sense of control over the process of European government or the evolution of the EU."

On pouvait en effet s'attendre à mieux de la part de nos jolies têtes pensantes... ;-)

10/5/05 22:46  
Blogger Constantin a écrit...

Bonjour Thierry, et merci pour le lien. De toute façon, ce traité n'est pas le résultat des délibération d'une chambre constituante, mais plutôt le compromis d'une négociation politique entre la France et l'Allemagne, qui ne voulaient pas perdre leur influence, le Royaume-Uni, l'Irlande et le pays de l'Est, qui ne voulaient pas perdre le pouvoir de s'opposer à l'harmonisation fiscale et sociale (pas fous, les pays de l'Est, ils savent bien ce que ça donne, l'économie planifiée). Et d'un compromis entre socialistes, qui voulaient qu'on fasse du travail et du logement un droit de l'homme (vidant au passage la notion de droit de l'homme du peu de sens qui lui restait) et libéraux, qui voulaient que le libéralisation des marchés (nécessaire à l'augmentation du niveau de vie en Europe, histoire que nous tentions de rattraper les USA) continue. Bref, un beau galimatias plein de contorsions politiques.

11/5/05 07:25  
Blogger Constantin a écrit...

La vie en société implique certes l'abandon d'une partie de sa liberté, abandon nécessaire au respect des droits et libertés de chacun. Mais dire que l'Etat et son cortège de mesures coercitives gratuites est une conséquence nécessaire et inévitable de la vie en société, c'est méconnaître l'histoire et la philosophie politique.

13/5/05 16:14  

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