15.3.05

"To protect and to serve"

Je me rappelle de mon émerveillement lorsque, adolescent, je regardais des séries policières américaines à la télévision. Cet émerveillement était causé par la devise du LAPD, la police de Los Angeles : to protect and to serve (protéger et servir). Quelle admirable devise pour un corps de police, me disais-je, et quelle description concise mais exhaustive du travail de policier. Ensuite il y eut l'affaire "Rodney King", du nom de ce citoyen afro-américain sorti de sa voiture et passé à tabac par quatre policiers, qui n'avaient pas remarqué qu'un hélicoptère de la télévision filmait la scène.

Bah, me suis-je dit à l'époque, il s'agit d'une regrettable dérive du système américain, mais nous sommes à l'abri de tels incidents dans notre beau royaume. Réflexion typique de l'adolescent choyé, qui a peine à réaliser que de telles choses peuvent arriver à deux rues de chez lui.

Finalement, c'est jeudi passé que j'ai pu constater par moi-même que les violences policières ne sont pas une spécialité d'outre-atlantique, et que nos soi-disant représentants de la loi et de l'ordre se comportent comme il leur plaît, sûrs qu'ils sont de jouir d'une impunité totale. Voici les faits tels qu'ils se sont déroulés.

Jeudi, 16h15, sortie des cours dans une commune de Bruxelles. Quelques élèves se dirigent vers l'arrêt de bus situé non loin de l'établissement. L'un deux, apercevant une canette vide sur le trottoir, shoote pour faire une passe à son condisciple, lequel renvoie immédiatement le ballon improvisé. Une voiture de police s'arrête à hauteur du petit groupe. Un policier sort la tête par la vitre et aboie "tu ramasses !" en direction du deuxième footballeur improvisé. Ce dernier, rebelle mais poli, rétorque qu'il n'est pas le propriétaire de la canette vide, qu'il se serait bien exécuté pour faire plaisir au pandore, mais que la rudesse et l'impolitesse du ton employé l'en ont dissuadé.

- Tu ramasses ou bien je te verbalise !
- Vous pouvez verbaliser, mais sachez que je contesterai le procès-verbal
- Tes papiers !

L'élève s'exécute. Le policier sort de la voiture, attrape l'adolescent, le plaque contre la voiture et se met à le fouiller. Ensuite, il se saisit de la canette, agrippe le jeune et lui fourre la canette dans le pull avant de l'embarquer sans ménagement dans son véhicule. Quelques professeurs qui avaient assisté à la scène interviennent pour demander au policier de quel droit il procède ainsi à une arrestation pour un motif aussi futile. Le policier les ignore. Par contre, lorsqu'un des condisciples du garçon proteste, il répond en hurlant : "Quoi, qu'est-ce qu'il y a, tu n'es pas d'accord ? Tu veux peut-être venir avec lui au commissariat ? Non ? Ben alors tu fermes ta gueule".

Un des professeurs s'émeut et interpelle un des policiers : "mais monsieur, ce que vous faites là s'appelle de l'abus de pouvoir". Ignorant superbement cette remarque, la voiture de police démarre en trombe direction le commissariat. Hélas pour le jeune footballeur en herbe, l'affaire ne s'arrête pas là.


4 Commentaires:

Blogger Constantin a écrit...

Tout d'abord, il y a une différence entre faire un doigt d'honneur à un policier et lui répondre calmement et poliment.

Ensuite, tout énervés qu'ils sont, les policiers sont censés être au service du citoyen, pas l'inverse. Leur rôle est de faire respecter les lois qui ont été votées par le Parlement, pas de créer leurs propres "lois" en fonction de la situation ou de leur humeur du moment. Dans le cas contraire, il s'agit d'une dictature, non d'une démocratie.

Il n'est pas question ici de ce qui est ou n'est pas "conseillé". Des lois existent, les policiers sont là pour les faire respecter. Ils ont prêté serment eux-mêmes de les respecter également. Quand ils violent eux-mêmes les lois qu'ils sont censés faire respecter, que reste-t-il de leur légitimité ?

17/3/05 13:39  
Blogger Harald a écrit...

Faut il jeter le bébé avec l'eau du bain ? Epineuse question. Seulement la police comme tout corps constitué est à l'image de la société qui l'a créé. Elle comporte son lot de cons, d'incompétents, de gens dévoués, courageux, lâches, sportifs, intellos, etc...
A part l'éradication des cons par le biais d'une politique eugéniste, je ne vois pas de solution claire à ce problème. Reste la dénonciation (oui je sais c'est vilain, mais il faut savoir ce que l'on veut)aux service d'inspection de la police.

20/3/05 18:30  
Blogger Constantin a écrit...

Mon cher Gaston, au cas où vous l'ignoreriez encore, ceci est un blog anarchiste. Anarcho-capitaliste, pour être précis. Autrement, dit, en ce qui me concerne, la solution pour garantir le respect de la liberté et de la propriété est la libéralisation des services de police. Lesquels ne seront pas financés par l'impôt mais par des montants prévus dans les contrats qui les lient aux individus (riverains d'une rue, par exemple), qui font appel à leurs services. Je ne m'étendrai pas plus loin sur le sujet, car il mérite à lui seul une chronique, mais je souhaitais simplement signaler que votre hypothèse de base ne tient pas compte de ce fait.

Je suis désolé d'apprendre que votre père vous aurait "foutu une baffe". Le mien, s'il avait été à côté de moi, se serait probablement joint à moi pour un petit "match de foot" improvisé.

Je n'ai rien contre l'autorité, contrairement à ce que vous pensez. Par contre, je tiens beaucoup à ce que cette "autorité" soit exercée dans le respect des principes de la démocratie. Une arrestation arbitraire pour un fait aussi bénin est inacceptable.


Harald,

Merci de vos commentaires. Venant d'un représentant des forces de l'ordre, ils ont un grand intérêt pour notre petit débat. Effectivement, il y a un facteur "pourcentage de cons" dans cette histoire. Et il est clair que l'affaire ne s'arrêtera pas là et que mon élève poursuivra les responsables devant la justice.
Je m'interroge cependant. Comme le faisait remarquer Jabial sur "Chacun pour soi", nous retrouvons chez la police monopolistique des travers que les penseurs imputent généralement aux polices privées, et que les faits permettent également d'observer. Le fait de mettre différentes polices en concurrence n'est-il pas le meilleur moyen d'éviter que de tels abus se reproduisent ? La sanction du marché (résiliation anticipée du contrat) n'est-elle pas le meilleur contrôle ?



Mon cher Harald, tout d'abord merci de votre intervention,

21/3/05 07:57  
Blogger Harald a écrit...

Croire que la police parce qu'elle est nationale soit en mesure de garantir une meilleure prestation me semble pour le moins tenir de la naïveté. Dès lors qu'il y a de l'humain, dans quelque domaine que ce soit, il y a risque de dérapage, c'est fatal. Ainsi il en va des forces de l'ordre comme des vigiles, il y a des gens compétents et consciencieux et d'autres...

Maintenant le débat qui est de savoir si l'état doit faire tomber les monopoles et d'ouvrir le secteur de la police à la concurrence ne me semble pas pouvoir être possible en France avant des dizaines d'années (hypothèse optimiste). Il y a à la fois à lutter contre les forces politiques et conjointement contre la mentalité grégaire du français.
Vaste programme !!

22/3/05 10:13  

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