3.8.05

Pornographie et responsabilité

Certains lecteurs de ce petit coin de toile - dont mon ami Arsène le brasseur - m'ont fait remarquer que la chronique sur les "victimes" de Philippe Servaty semblait fort éloignée des sujets habituellement traités par votre serviteur. Est-ce le cas ? Pour reprendre l'expression utilisée par le parolier anglais du dessin animé Transformers, "there's more than meets the eye".

A travers ce fait divers somme toute peu ragoûtant, j'ai en effet voulu traiter différemment d'un élément essentiel des philosophies libérales et libertariennes : la notion de responsabilité individuelle. Cette notion est souvent travestie ou dissimulée par la rhétorique collectiviste qui sous-tend l'actuelle "pensée unique" dans laquelle - hélas - les médias contemporains excellent. Leur fonction de "décryptage de l'actualité", comme ils aiment à l'appeler, se borne souvent à réduire une situation toute en nuances à un chromo manichéen dans lequel il y a un méchant tout noir et un gentil tout blanc. Dans le cas qui nous occupe, Servaty est donc devenu le vilain méchant pornographe qui s'est attaqué à de blanches colombes sans défense pour les sodomiser sauvagement avant de les prendre en photo non sans leur avoir au préalable copieusement arrosé le visage de sa semence(1). La réalité n'est cependant pas aussi simple. Certes, Servaty a probablement baratiné d'importance les donzelles qu'il a séduites; certes, il aurait dû savoir que la publication des photos qu'il a prises entraînerait de fâcheuses conséquences pour ses "conquêtes"; certes, il aurait donc dû s'abstenir de les publier sur un forum. Mais ne laissons pas l'arbre cacher la forêt : en toile de fond se profile un Etat marocain passéiste et rétrograde qui se mêle de la vie privée de ses citoyens de façon intolérable. Et, accessoirement, les "victimes" de Servaty, n'en déplaise aux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ont une part de responsabilité dès lors qu'elles ont accepté de se prêter aux fantasmes de leur séducteur.

Pourquoi insister autant sur la part de la responsabilité, si menue soit-elle, de celles dont la presse a fait des victimes ? Précisément parce que dans notre société, la déresponsabilisation a été érigée en système. Le gouvernement et les média exigent des boucs-émissaires sur lesquels déchaîner leur courroux. Les conversations de comptoir, les débats télévisés et même les soi-disant "débats intellectuels" suintent de cette mauvaise foi qui simplifie les situations et désigne des coupables à la vindicte générale. Nous n'en sommes pas encore à la "minute de la haine" imaginée par George Orwell dans 1984, mais nous en prenons le chemin.

Pourtant chacun sait, car nous l'apprenons tout jeunes encore, nous portons seuls la responsabilité de nos actes, si innocents, mal informés ou malchanceux soient-ils. Si, en aidant un ami à déménager je laisse échapper le vase que lui avait légué sa défunte grand-mère, j'en suis seul responsable. Certes, mon ami m'a demandé son aide, mais en fin de compte je suis celui dont la maladresse est la cause du désastre. Si j'ai un instant de distraction au volant et que je brûle un feu rouge, je serai responsable en cas d'accident. Même si la distraction était causée, disons, par une violente dispute avec ma passagère. Si je me laisse berner par une demoiselle qui me fait croire au grand amour et me plante là après avoir siphonné mes comptes en banque, il peut être confortable de lui attribuer l'entière responsabilité de la situation, mais il n'en reste pas moins vrai que je me suis laissé berner et que j'ai donc été en partie l'artisan de ma propre perte.

Il est évidemment commode de trouver pour chaque situation un bouc émissaire. Mon égo se sent tellement plus réconforté quand je me persuade que mon ami est vraiment chien de m'en vouloir, puisqu'après tout j'étais en train de l'aider, que c'est à cause de ma femme que j'ai sinistré ma nouvelle voiture, que c'est cette allumeuse qui a tout manigancé pour me faucher mon oseille. C'est même si tentant que plus d'un y succombe. Hélas, comme le font fort justement remarquer les bouddhistes et les hindouistes à travers la notion de karma, les conséquences de nos actes finissent toujours par nous rattraper. Si nous n'assumons pas sur le moment cette responsabilité, nous parviendrons peut-être à berner les autres, mais pas à nous mentir à nous-mêmes. Si profondément enfouie soit-elle sous la pile de mensonges et d'approximations dont nous la recouvrons, la connaissance de notre responsabilité finit toujours d'une manière ou d'une autre par nous ronger. C'est pourtant ce que l'Etat et les média tentent actuellement de nous apprendre à faire : nous mentir à nous-mêmes, fuir nos responsabilités, poser en victimes de coupables dont l'expiation est censée nous purger de nos névroses. Qu'un gamin s'empare d'une arme aux Etats-Unis pour massacrer la moitié de son école et les média accusent la violence au cinéma et dans les jeux vidéos. Qu'une bande de jeunes fasse subir les pires outrages à une demoiselle lors d'une "tournante" et c'est la pornographie en vente libre que l'on montre du doigt, quand ce n'est pas la pauvre fille elle-même, qui n'avait pas à s'habiller de façon sexy, comme si elle "n'attendait que ça". Qu'un quidam cambriole une banque et c'est la "société de l'argent facile dont tant de gens sont exclus" qu'on vilipende. Que des jeunes des banlieues parisiennes incendient des voitures le jour de l'an et c'est "la fracture sociale" que l'on stigmatise.

Vivre libres, c'est vivre responsables. Liberté et responsabilité sont les deux faces d'une même pièce, les deux dimensions de notre condition d'humains. Abdiquer notre responsabilité c'est abandonner un peu de notre liberté. Et c'est aussi perdre un peu de notre humanité. Un jour, nous serons enfermés dans une cage que nous aurons nous-même aidé à fabriquer. Et il sera trop tard pour réagir.






(1) L'insertion de cette phrase a pour unique objectif de faire bisquer le pleutre anonyme qui m'a traité de "sale merde machiste" dans les commentaires de l'affaire Servaty. Le lecteur voudra bien me pardonner ce petit mouvement d'humeur, mais l'impolitesse et la rustrerie me répugnent et je tenais à marquer le coup d'une façon qui ne manquera pas je l'espère de faire enrager l'impertinente et vulgaire grenouille de bénitier qui se mêle de me faire la morale.






20 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Bravo pour cet article qui rappelle tant d'éléments fondamentaux. J'aime beaucoup l'idée que les conséquences de nos actes nous rattrapent immanquablement.
Petite question néanmoins : quand vous déplorez (à juste titre) que beaucoup se mentent à eux-mêmes et fuient leurs responsabilités, vous semblez accuser les media et l'Etat d'être à l'origine de cette attitude.
N'avez-vous pas le sentiment que vous tombez un peu dans le travers que vous dénoncez en faisant de ces institutions des boucs émissaires ? En d'autres termes, le propre de l'être humain n'est-il pas de se chercher des excuses ? L'Etat et les media sont-il vraiment à la source de cette attitude ?

4/8/05 11:34  
Blogger Constantin a écrit...

Diantre, je n'y avais pas songé !

Disons que ce qui m'inquiète, c'est la banalisation du discours déresponsabilisant. Connaissant, comme vous le faites justement remarquer, la tendance humaine à se chercher des excuses, cette banalisation va accroître le rejet de la responsabilité individuelle en fournissant un prétexte commode et une sanction morale. Y voir une intention dans le chef de l'Etat (moins le citoyen est responsable, plus l'Etat peut arguer de cette ireesponsabilité pour promouvoir une législation liberticide) n'ôte nullement à chacun la responsabilité finale de résister à cette tentation.

4/8/05 12:55  
Blogger Constantin a écrit...

Merci Copeau, votre commentaire me va droit au coeur. Si vous souhaitez utiliser tout ou partie de l'article pour wikilibéral, n'hésitez pas, j'en serais flatté.

4/8/05 23:31  
Blogger Constantin a écrit...

Une si galante requête ne peut que se voir favorablement accueillie, très cher.

5/8/05 18:33  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour,

Merci pour cet article, qui donne matière à penser. Donc :

"Et, accessoirement, les "victimes" de Servaty, n'en déplaise aux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ont une part de responsabilité dès lors qu'elles ont accepté de se prêter aux fantasmes de leur séducteur"

Par contre :

"Qu'une bande de jeunes fasse subir les pires outrages à une demoiselle lors d'une "tournante" et c'est la pornographie en vente libre que l'on montre du doigt, quand ce n'est pas la pauvre fille elle-même"

Donc, les premières étaient libres de croire aux mensonges de Phil le séducteur. Le vrai problème est l'arriération de la société dans laquelle elles vivent. Pourquoi ne pas étendre votre raisonnement aux deuxièmes victimes ? Après tout, elles choisissent de vivre dans des cités, savent parfaitement quels sont les risques encourus par les filles jugées "provocantes", etc.

"Nous portons seuls la responsabilité de nos actes, si INNOCENTS, mal informés ou MALCHANCEUX soient-ils". Ca ne s'applique pas à tout le monde? Ah oui, dans le deuxième cas, les auteurs sont arabes. Mais c'est sans doute fortuit.

Amicalement

Laurent

9/8/05 23:56  
Blogger Constantin a écrit...

"Donc, les premières étaient libres de croire aux mensonges de Phil le séducteur. Le vrai problème est l'arriération de la société dans laquelle elles vivent. Pourquoi ne pas étendre votre raisonnement aux deuxièmes victimes ? Après tout, elles choisissent de vivre dans des cités, savent parfaitement quels sont les risques encourus par les filles jugées "provocantes", etc."

Etre né quelque part n'est pas un choix mais une donnée. Par contre suivre ou non un séducteur est un choix. Entretenir la confusion pour tenter de démonter un argument est une tactique tellement éculée que je me demande comment vous osez encore la tenter.


""Nous portons seuls la responsabilité de nos actes, si INNOCENTS, mal informés ou MALCHANCEUX soient-ils". Ca ne s'applique pas à tout le monde? Ah oui, dans le deuxième cas, les auteurs sont arabes. Mais c'est sans doute fortuit."

Je vois, on repart dans le procès d'intention. Si j'ai dit ça, c'est parce que je suis raciste, puisque dans les banlieues il n'y a que des arabes. Premièrement, j'ai parlé d'une jeune fille se faisant violant par "une bande de jeunes". Relisez mon texte, il n'y a pas marqué "des banlieues". C'est votre obsession qui vous fait voir quelque chose là où il n'y a rien.
Deuxièmement, un viol n'est pas un acte innocent, mal informé ou malchanceux, donc je ne vois pas très bien où vous voulez en venir.

Procès d'intention, confusion sciemment entretenue, techniques classiques du type qui n'a rien à dire mais le dit quand même. Faites mieux la prochaine fois sinon j'effacerai le commentaire sans prendre la peine d'y répondre.

10/8/05 12:58  
Anonymous Anonyme a écrit...

Que penser d’un raisonnement ou d’une analyse lorsqu’il est né d’un exemple dont l’exemplarité peut-être remise en cause ?... Je n’ai pas de réponse, toutefois…


Vous insistez sur deux points : «
1) les lois marocaines en matière de sexualité sont une ineptie rétrograde qui viole les droits humains fondamentaux, (…) (et)
2) Même si la situation les pénalise fortement (et plus que de raison), ces femmes ne sont pas QUE des victimes (…) Les appeler des "victimes", c'est nier cette part de responsabilité. »

Peut-être doit-on se demander : victimes de qui ?

Votre raisonnement sur la responsabilité est juste dans l’absolu, seulement voilà c’était au Maroc. Ces femmes, ces « 15% », m’ont fait penser en lisant le résumé de l’affaire auquel vous renvoyez http://www.wafin.be/articles/pornoscandalebxl.phtml à deux personnages de fictions : Cécile de Volange, Les Liaisons Dangereuses et Agnès, L’Ecole des Femmes.

Vous m’accorderez que l’on est responsable que lorsque l’on dispose du libre-arbitre. Les mineurs sont des incapables juridiques pour cette raison. Des femmes dans le monde, et pas uniquement dans les sociétés musulmanes, sont tenues dans un état d’ignorance (et de dépendance) qui fait d’elles des incapables majeures dans bien des cas, et en particulier dans celui-ci.

Ces femmes sont des victimes, peut-être pas celles de cet individu, mais certainement celles de l’ignorance.
Pas de liberté sans libre-arbitre, et pas de libre-arbitre sans éducation… Vive l’éducation sexuelle à l’école…

Je vous laisse le mot de la fin en vous citant : « Qu'on punisse par la prison ces donzelles pour avoir couché avec Servaty et s'être laissées prendre en photo est proprement scandaleux. »

10/8/05 22:45  
Blogger Constantin a écrit...

La fougère, merci pour votre commentaire fort intéressant. Je vous cite :

"Vous m’accorderez que l’on est responsable que lorsque l’on dispose du libre-arbitre. Les mineurs sont des incapables juridiques pour cette raison. Des femmes dans le monde, et pas uniquement dans les sociétés musulmanes, sont tenues dans un état d’ignorance (et de dépendance) qui fait d’elles des incapables majeures dans bien des cas, et en particulier dans celui-ci.

Ces femmes sont des victimes, peut-être pas celles de cet individu, mais certainement celles de l’ignorance."

J'avoue que je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle. J'ai récemment débattu du même problème avec une jeune femme qui m'a plus ou moins tenu le même discours. Et effectivement, la naïveté de ces demoiselles a probablement entraîné leur perte. Mais bon, il reste malgré tout ce problème des 15%, qui signifie que la vaste majorité de ces femmes a cependant pu voir clair dans le jeu de Servaty.

Le moins qu'on puisse dire est que la situation est fort complexe. Vos remarques me donnent en tout cas nouvelle matière à réflexion.

A Gdem2408,

Ne mélangeons pas les choses. Je ne connais pas les détails du crash de Toronto, mais si effectivement Air France est responsable parce que, par exemple, l'avion a mal été entretenu, il me paraît logique que la compagnie dédommage les passagers. Enfin, la question de la responsabilité dépend j'imagine des obligations définies par le droit aérien : s'agit-il d'une obligation de moyens ou de résultat ?


Quant au chauffeur du camion, il a commis une erreur en ne respectant pas les consignes de sécurité à respecter en cas d'accident. Une erreur mais pas une faute loure, si l'on en juge par le fait qu'il a bénéficié d'un sursis. Même si c'est triste pour lui, il est logique qu'il endosse une partie de la responsabilité des événements. Ceci dit, c'est son employeur qui est civilement responsable pour lui, si je ne me trompe.

Quant aux scouts, il me semble que ce ne sont pas les enfants mais leurs accompagnateurs qui ont été reconnus partiellement responsables. Ne trouvez-vous pas normal qu'ils endossent une part de responsabilité dès le moment où les enfant sdont ils avaient la garde se trouvaient au milieu de la chaussée ? Chauffard ou pas, c'est un comportement risqué. Vous laisseriez vos enfants se faire accompagner par des moniteurs qui les laissent de mettre au milieu de la route, vous ?

11/8/05 17:12  
Anonymous Anonyme a écrit...

Félicitations pour votre blog. Vous y avancez des idées polémiques et pourtant vous semblez faire l'unamité chez vos lecteurs. Aucune critique, aucune réaction incendiaire. Tout au plus des demandes d'éclaircissements qui vous permettent de rebondir et d'enrichir votre propos. Comme quoi la pensée libérale suscite naturellement le consensus.

11/8/05 22:51  
Blogger Constantin a écrit...

J'aimerais que la pensé libérale recueille le consensus mais ce n'est hélas pas le cas. Ou alors seulement sur ce blog. Pour ma part, je préfère la polémique si du moins les arguments présentés sont intéressants et suffisamment étayés. A vous, cher anonyme, d'apporter la contestation si vous trouvez que ce blog en manque.

12/8/05 02:12  
Anonymous Anonyme a écrit...

Interpellé par la note de Anonymous, je tiens à lui dire ceci ; tout comme les juifs aiment à le dire deux même, je crois que l’on peut affirmer :
« Mettez deux libéraux ensemble, vous aurez trois opinions. »
Si mon désaccord avec Constantin est plus profond que je ne l’ai peut-être laissé paraître… c’est pour mieux le convaincre et tant pis si j’ai partiellement échoué.

13/8/05 10:34  
Blogger Constantin a écrit...

A La Fougère :

Très chère fougère,

Notre désaccord est-il si profond ? Vous remarquerez que votre réflexion sur la capacité (j'emploie le terme juridique, c'est plus simple) m'a amené à réfléchir quelque peu ma position sur la responsabilité des partenaires de Servaty. J'avoue que je ne m'en sors pas. D'un côté, votre argument sur la capacité et le libre arbitre semble frappé du coin du bon sens, de l'autre, il me semble que ce raisonnement bien que séduisant, semble quelque peu relativiste. Je m'explique : si l'ignorance devient un critère de non-responsabilité, la frontière entre responsable et non-responsable devient très floue. Si, par exemple, ignorant des mécanismes boursiers, je me laisse séduire par les arguments de mon banquier qui veut me vendre des parts dans un fonds de placement sans capital garanti, et que, par ignorance, je ne me rends pas compte que cela signifie qu'en cas de mouvement baissier je risque de voir la valeur de mon portefeuille fondre au soleil, puis-je arguer que mon consentement n'est pas fondé en vertu de mon ignorance ?

Ceci dit, peut-être sommes-nous en train de parler de la même chose. En ne précisant pas si je parle de responsabilité morale ou de responsabilité juridique, j'ai peut-être contribué à entretenir cette confusion.

D'un point de vue juridique, il est clair que les victimes de Servaty n'ont rien à se reprocher. D'un point de vue moral, par contre, leur part de responsabilité dans les faits ne peut être aisément dégagée. L'ignorance les aura certes rendues plus malléable, mais encore une fois, les statistiques du sieur Servaty lui-même nous montre que ses "victimes" représentent à peine 15% des femmes qu'il aborde. La proportion est significativement la même que celle du drageur de fin de semaine qui raconte des bobards aux filles en boîte pour les ramener chez lui (voir à ce sujet des "autorités" en la matière comme Ross Jefferies), ce qui semble invalider la thèse du handicap culturel et sociétal. Qu'en pensez-vous ?

14/8/05 19:49  
Anonymous Anonyme a écrit...

En préambule je tiens à dire que si l’art est difficile et la critique facile, c’est encore plus vrai sur le terrain du Blog et de ses commentaires. Contrairement aux apparences, il met toujours l’auteur en situation de faiblesse et j’ai bien l’intention de…
continuer à lâchement en profiter… ;) :D

« Si l'ignorance devient un critère de non-responsabilité, la frontière entre responsable et non-responsable devient très floue. »
Bien sûr que cette frontière est flou, le débat est ouvert depuis la naissance de la philosophie.

« (…) puis-je arguer que mon consentement n'est pas fondé en vertu de mon ignorance ? »
Bien entendu, et c’est là je crois tout le débat de votre post. Cela existe en droit : le professionnel a un devoir d’information à l’égard du client, à priori ignorant. Vous me direz à juste titre que cette référence est douteuse et cette tendance critiquable. En effet comme vous le faites remarquer l’évolution actuelle tend à limiter de plus en plus notre responsabilité au risque de nous infantiliser. Mais ne voyez-vous pas là la contradiction ? Si un enfant n’est pas responsable, pourquoi un adulte infantilisé le serait-il ? Il y a là un cercle vicieux étudier.

« D'un point de vue moral, par contre, leur part de responsabilité dans les faits ne peut être aisément dégagée. (…) (sous pretexte que) ses "victimes" (ne) représentent à peine (que) 15% des femmes qu'il aborde. »
Depuis quand peut-on trancher un question de morale en s’appuyant sur une statistique ?...

Je suis tout de même d’accord avec vous sur un point, le plus essentiel : « Précisément parce que dans notre société, la déresponsabilisation a été érigée en système. Le gouvernement et les média exigent des boucs-émissaires sur lesquels déchaîner leur courroux. »

18/8/05 14:53  
Blogger Constantin a écrit...

Je trouve que c'est justement à la vivacité et à la pertinence des commentaires qu'un blog doit sa qualité, je vous remercie donc avant tout pour vos interventions.


Pour rebondir sur l'exemple du banquier, je pense que si juridiquement le banquier pourrait avoir une responsabilité (et là encore, cela dépend du contexte légal, i.e. si nous raisonnons dans le contexte du droit positif ou dans celui du droit naturel), ma responsabilité personnelle, sur le plan de la morale, est engagée. J'ai choisi de faire confiance à ce banquier. Soit j'ai fondé ce choix sur des critères rationnels (auquel cas je suis un imbécile, puisque l'examen rationnel de la situation m'aurait fait découvrir le problème derrière sa proposition), soit je n'ai pas suffisamment étudié la question ou bien encore je me suis laissé influencer par des facteurs purement émotionnels. Mais je ne peux nier qu'en donnant mon consentement au banquier j'ai effectué un choix. Je suis moralement responsable des conséquences de ce choix, quelles qu'elles soient. Qu'en dites-vous ?

En ce qui concerne la statistique, il me semble qu'elle apporte un éclairage intéressant au problème. Si 85% des femmes avaient dit oui à Servaty, je serais enclin à abonder dans votre sens et à me dire qu'effectivement nous sommes face à un problème d'information et d'éducation dont Servaty a lâchement profité. A partir du moment où seules 15% des demoiselles abordées ont accepté de le suivre, et que ce taux n'est pas significativement différent de celui que l'on peut rencontrer dans nos contrées plus "progressives", j'en conclus que le bon sens prend dans ces choses-là le pas sur l'éducation elle-mêmes. Le manque de bon sens n'est pas - mais là il s'agit de mon opinion - un critère valable pour éluder sa responsabilité, certainement si on se place d'un point de vue moral, et plus que probablement aussi d'un point de vue juridique. Mais dans le cas qui nous préoccupe, et quoi qu'en pense l'Etat marocain rétrograde, aucune responsabilité juridique ne peut être imputée aux demoiselles, il s'agit de pratiques sexuelles entre adultes consentants.

19/8/05 02:22  
Anonymous Anonyme a écrit...

Bonjour Constantin...

J'aimerais réagir sur l'exemple des jeunes scouts. Vous dites dans un commentaire :
"Quant aux scouts, il me semble que ce ne sont pas les enfants mais leurs accompagnateurs qui ont été reconnus partiellement responsables. Ne trouvez-vous pas normal qu'ils endossent une part de responsabilité dès le moment où les enfant sdont ils avaient la garde se trouvaient au milieu de la chaussée ? Chauffard ou pas, c'est un comportement risqué. Vous laisseriez vos enfants se faire accompagner par des moniteurs qui les laissent de mettre au milieu de la route, vous ?"

Ma vision est certainement biaisée par mon passé d'animatrice, mais il me semble tout à fait impossible d'accuser les moniteurs/accompagnateurs. Si vous donnez des consignes à des enfants (on devrait même plutôt dire adolescents) : marchez bien sur le côté de la route, en file indienne, regardez à droite et à gauce quand vous traversez... et que ceux-ci désobéissent, êtes vous responsable ?

Je prends un autre exemple : on interdisait à nos scoutes de fumer. Malgré cela, j'ai appris par après qu'elles allaient fumer dans les bois. L'une d'entre elles aurait jeter sa cigarette et mis le feu à la pinède, aurais-je été responsable (on laisse pas des enfants fumer) ?

tout d'abord, je voudrais signaler qu'à mon sens, il faut confier aux enfants des responsabilités, dont marcher sur la route fait partie... Sinon, comment apprendraient-ils justement le sens des responsabilités ?

Deuxièmement, je suis la première à assumer mes responsabilités, mais je ne veux trouve quand même qu'elles ont également des limites : dans l'exemple ci-dessus, si l'enfant/adolescent désobéit, pourquoi devrais-je en être responsable ?

22/8/05 13:15  
Blogger Constantin a écrit...

Bonjour, chère anonyme,

Je vais répondre dans l'ordre à vos objections.

"Ma vision est certainement biaisée par mon passé d'animatrice, mais il me semble tout à fait impossible d'accuser les moniteurs/accompagnateurs. Si vous donnez des consignes à des enfants (on devrait même plutôt dire adolescents) : marchez bien sur le côté de la route, en file indienne, regardez à droite et à gauce quand vous traversez... et que ceux-ci désobéissent, êtes vous responsable ?"

Vous êtes en tout cas tenue, me semble-t-il, d'exercer votre surveillance avec toute la diligence voulue pour minimiser les occasions de désobéissance.

"Je prends un autre exemple : on interdisait à nos scoutes de fumer. Malgré cela, j'ai appris par après qu'elles allaient fumer dans les bois. L'une d'entre elles aurait jeter sa cigarette et mis le feu à la pinède, aurais-je été responsable (on laisse pas des enfants fumer) ?"

Hmm, je vois où vous voulez en venir. Je pense que vous aureiz une part de responsabilité. Il ne suffit pas d'édicter une règle, encore faut-il faire comprendre aux enfants ou aux adolescents dont on n'a la charge que l'on entend que cette règle soit respectée.

"tout d'abord, je voudrais signaler qu'à mon sens, il faut confier aux enfants des responsabilités, dont marcher sur la route fait partie... "

Marcher sur la route, oui. Mais en file indienne et à gauche, pas en groupe et à droite.


"Sinon, comment apprendraient-ils justement le sens des responsabilités ?"

Très juste.


"Deuxièmement, je suis la première à assumer mes responsabilités, mais je ne veux trouve quand même qu'elles ont également des limites : dans l'exemple ci-dessus, si l'enfant/adolescent désobéit, pourquoi devrais-je en être responsable ?"

Je présume, mais je ne suis pas juriste, que dans ce cas vous êtes liée par une obligation de moyen, pas une obligation de résultat. En clair, il vous faudra prouver que vous avez accordé suffisamment d'importance aux consignes de sécurité, que vous avez insisté sur la nécessité de les respecter et éventuellement sanctionné par le passé certains contrevenants.

24/8/05 11:24  
Anonymous Anonyme a écrit...

Concernant le banquier vous éludez, je pense involontairement, ma question. De plus les libertariens condamne la fraude que je sache. Peut-être ne me suis-je pas fait comprendre, mais je n’insiste pas.

Quand je parle d’une absence de lien possible entre morale et statistique, j’entends morale dans le sens le plus élevé, celui traité par la philosophie.

L’argument de la statistique est plus à propos pour l’éducation, mais je n’ai jamais dit que celle-ci était irréprochable en occident. De plus…
« j'en conclus que le bon sens prend dans ces choses-là le pas sur l'éducation elle-même » Qu’est-ce que le bon sens ?... C’est du même ordre que l’intuition, or l’intuition (comme le bon sens) est l’analyse quasi-immédiate car ultra-accélérée, d’une situation s’appuyant sur l’expérience accumulée lors du traitement par le cerveau de situations similaires. Le bon sens n’a rien de naturel il est culturel et le fruit d’un apprentissage, donc de l’éducation.

Le cœur du débat me paraît digne d’un Forum. L’énoncé pouvant s’appuyer sur votre postulat de départ : « la déresponsabilisation a été érigée en système. Le gouvernement et les média exigent des boucs-émissaires » en étendant le propos le plus largement possible ; ce qui me paraît non seulement pertinent mais aussi d’une grande actualité. A une condition toutefois : laisser de côté ce tristement célèbre individu. Parler du traitement de l’affaire comme point de départ de votre post est une chose, en faire autant sur un forum en serait une autre, cette fois, selon moi, très discutable.
Quand je parlais de « profiter » de la situation, c’était par opposition au terrain qu’offre un forum. Je me « présenterai » d’ailleurs bientôt sur « le vôtre ».

A bientôt peut-être sur d’autres sujets et d’autres « terrains ».

26/8/05 12:18  
Blogger Constantin a écrit...

Chère Fougère,

"Concernant le banquier vous éludez, je pense involontairement, ma question."

Oui, c'est involontaire, je suis un peu perplexe. Si vous voulez continuer, reposez-moi la question que j'élude sans le savoir dans d'autres termes et je me ferai un plaisir de tenter de vous répondre.

"De plus les libertariens condamne la fraude que je sache."

Encore faut-il savoir de quelle fraude on parle. Mais le cas dont nous parlons s'assimile-t-il à de la fraude ? Je n'en suis pas persuadé. Mais là encore nous nous retrouvons devant un vaste débat. D'autant que si je ne m'abuse cet aspect de la responsabilité n'a pas encore été étudié d'un point de vue jusnaturaliste.

J'ajoute que quand je m'estime responsable, je parle d'un point de vue moral, pas d'un point de vue juridique. De là peut-être un malentendu.

"Quand je parle d’une absence de lien possible entre morale et statistique, j’entends morale dans le sens le plus élevé, celui traité par la philosophie."

Je comprends bien, mais j'avoue ne pas comprendre le rapport entre cette morale élevée et la situation que je présente. Je ne ma place pas d'un point de vue moral quand je constate la similitude entre le taux de donzelles qui succombent aux arguments de Servaty et le taux de réussite d'un dragueur du vendredi soir. Je me sers de cette donnée pour conclure qu'il n'y a pas de différence significative, et que donc la manque d'éducation n'a pas joué dans le cas présent.

"Qu’est-ce que le bon sens ?... C’est du même ordre que l’intuition, or l’intuition (comme le bon sens) est l’analyse quasi-immédiate car ultra-accélérée, d’une situation s’appuyant sur l’expérience accumulée lors du traitement par le cerveau de situations similaires. Le bon sens n’a rien de naturel il est culturel et le fruit d’un apprentissage, donc de l’éducation."

Voilà qui me donne en effet matière à réfléchir. Je n'avais jamais envisagé le bon sens dans ce sens-là. Cependant, comme dans tout apprentissage, il y a aussi une question d'aptitude qui entre en jeu.

Mais admettons votre argument, qui me paraît fort solide et s'accomode parfaitement de mon objection. Me voilà donc avec la question de savoir comment concilier la similitude statistique évoquée précédemment et la situation fort différente de la femmes sous les deux latitudes ? J'avoue que je suis perplexe.

"Le cœur du débat me paraît digne d’un Forum. "

Oh que oui. D'ailleurs de nombreux fils sur le forum des libéraux tournent déjà autour du sujet.

Et Alpheccar, notamment, a récemment évoqué le sujet sur son blog. Par ailleurs, plusieurs discussions privées entre libertariens ont été tenues sur divers aspects de la responsabilité. Le moins qu'on puisse dire est qu'ile ont été agités et riches en enseignements. Dont le principal est d'ailleurs que le sujet est fort, fort complexe.


"A une condition toutefois : laisser de côté ce tristement célèbre individu. Parler du traitement de l’affaire comme point de départ de votre post est une chose, en faire autant sur un forum en serait une autre, cette fois, selon moi, très discutable."

Entièrement d'accord avec vous.


"Quand je parlais de « profiter » de la situation, c’était par opposition au terrain qu’offre un forum. Je me « présenterai » d’ailleurs bientôt sur « le vôtre ».A bientôt peut-être sur d’autres sujets et d’autres « terrains »."

Je serai en tout cas ravi de vous rencontrer sur notre joli forum, qui gagnerait avec vous un intervenant de qualité.

26/8/05 18:56  
Blogger Constantin a écrit...

Je me permets d'ajouter que les nombreux commentaires reçus ici sur la problématique de la responsabilité m'ont beaucoup donné à réfléchir. Je pense qu'une nouvelle chronique (sans mention de Servaty) sera utile pour repréciser tout cela et inclure les questions et remarques fort pertinentes de plusieurs intervenants.

26/8/05 18:59  
Anonymous Anonyme a écrit...

« Oh que oui. D'ailleurs de nombreux fils sur le forum des libéraux tournent déjà autour du sujet. »

Sur la responsabilité oui, sur le "mix" que vous avez proposé, à mon humble connaissance, non :
Déresponsabilisation => logique de victimisation => système du bouc-émissaire.

Il trouve d’ailleurs des exemples jusque dans les relations internationales.

Cordialement.

30/8/05 15:23  

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