7.9.06

Pourquoi le commerce international ?

Puisque la rentrée des classes a sonné, profitons-en pour nous cultiver un peu. A entendre les âneries débitées à longueur d'année par les journalistes et les politiciens au sujet du commerce international, il me semble fort utile de procéder à un petit rappel de théorie économique. Rassurez-vous, rien de rébarbatif dans ce qui suivra, la science économique n'a pas nécessairement besoin de s'encombrer de jargon. La plupart des concepts qu'elle utilise sont simples et compréhensibles par tous. Attachez vos ceintures, décollage imminent.

Les économistes sont décidément de curieux personnages. Ils chantent les louanges de la rapidité et de l’efficacité, mais pourtant, il leur a fallu fort longtemps avant de trouver une explication satisfaisante à l’existence du commerce international. Cette explication, nous la devons à l’économiste anglais David Ricardo.
Avant Ricardo, l’explication à la mode était la « théorie des avantages absolus » : deux pays s’engageront dans des relations commerciales seulement si chacun d’entre eux dispose d’un avantage absolu dans la production d’un bien, c’est-à-dire est capable de produire ce bien à un coût moindre que l’autre pays. Prenons par exemple la Belgique et la Côte d’Ivoire. Il serait impossible, ou très coûteux de produire des bananes en Belgique. Par contre, les producteurs belges de médicaments sont plus efficaces que leurs homologues Ivoiriens. La Belgique et la Côte d’Ivoire ont donc intérêt à commercer ensemble : les Ivoiriens importeront des médicaments belges et les Belges des bananes ivoiriennes. Belges et Ivoiriens y gagnent, puisque les produits importés leur coûtent moins cher que s’ils les avaient produits chez eux.
Tout cela semble très logique. Mais il y a un petit problème : comment fera le pays qui ne dispose d’aucun avantage absolu ? Est-il condamné à l’isolement économique ? L’histoire nous prouve que le commerce a touché toutes les nations, c’est donc qu’il y a un défaut dans la théorie. Mais lequel ?

C’est David Ricardo qui trouve la réponse à cette question. Il la développe dans ce qu’il appelle la « théorie des avantages comparatifs ». Cette théorie, plus complexe que la précédente, fera l'objet, pour ceux que cela intéresse, d'une chronique séparée. Il est cependant facile de la comprendre de façon intuitive : le professeur d’économie Philippe Simmonot nous propose de laisser un instant de côté la notion de pays et d’imaginer un chirurgien. Non seulement ce brave homme excelle dans sa discipline, mais il est aussi plus rapide que n’importe quelle secrétaire pour taper à la machine et classer le courrier. D’après la théorie des avantages absolus, puisqu’il n’y a aucune secrétaire plus efficace que lui pour les travaux de bureau, il n’a aucun intérêt à en engager une : il peut en effet travailler plus vite, et donc à moindre coût. Mais notre chirurgien gagne de l’argent quand il opère, pas quand il s’occupe de son courrier. Le temps qu’il passe à taper son courrier lui « coûte » donc en quelque sorte de l’argent, puisqu’il n’est pas en train de gagner sa vie en opérant un malade. Or, le salaire horaire d’une secrétaire est beaucoup moins élevé que celui d’un chirurgien. Donc, même s’il effectue mieux les tâches administratives, notre chirurgien a intérêt à engager quelqu’un pour s’occuper de son secrétariat et ainsi lui permettre de passer plus de temps derrière une table d’opération. Le gain financier qu’il en retirera sera beaucoup plus élevé que le salaire qu’il devra payer à sa secrétaire. On dit que la secrétaire dispose d’un avantage comparatif : bien que le chirurgien soit plus efficace qu’elle, lorsqu’il compare le rendement qu’il retire des deux activités dans lesquelles il excelle, il se rend compte qu’il gagnerait mieux sa vie en se consacrant uniquement à la chirurgie. Le même raisonnement peut être appliqué à deux pays. Même si l’un d’entre eux produit meilleur marché que l’autre quel que soit le produit envisagé, il y aura toujours des produits plus rentables dans lesquels il aura intérêt à se spécialiser. Ce qui permettra aux habitants de l’autre pays, malgré un handicap de départ, de participer aux échanges internationaux et d’en tirer un avantage.




4 Commentaires:

Blogger Constantin a écrit...

Je vous suis au début, mais j'ai du mal à saisir où vous voulez en venir. Pourriez-vous reformuler votre question ?

11/9/06 10:57  
Blogger Constantin a écrit...

Tout d'abord, et merci de le souligner, notons bien que le terme "pays" est une construction. On peut considérer sans nuire à notre théorie qu'un "pays" occupe un espace géographique et législatif défini, et que nous désignons donc les entreprises du pays lorsque nous parlons de production.

De même, et Pascal Salin s'est attardé sur la question dans son "Que sais-je" sur le libre échange, et a démontré de façon satisfaisante que le raisonnement reste valide même si certaines entreprises du pays A vont clairement se mettre cependant à produire des produits P2. Cela n'enlève rien à la conclusion de base, qui est que les entreprises du pays A enregistrant un gain de productivité comparativement plus important dans le produit P1 que dans le produit P2, elles ont intérêt à consacrer leurs ressources prioritairement à la production de P1, car les gains potentiels sont plus importants.

11/9/06 13:44  
Blogger Constantin a écrit...

Une entreprise du pays A peut se mettre à produire P2 sans mettre l'entièreté du pays B dans les ennuis, vu qu'il s'agira d'une seule entreprise. Qui plus est, les propriétaires de cette entreprise trouveraient meilleur emploi pour leur argent en produisant P1, dont les gains sont plus importants.

11/9/06 14:18  
Blogger Constantin a écrit...

Vous passez sans cesse du domaine macroéconomique au domaine microéconomique, cela rend le raisonnement un peu confus. Rajouter en plus un raisonnement plaçant nécessairement la production du produit A dans une situation de "barrières à l'entrée" nous met d'emblée dans un cas plus exceptionnel. En principe, les barrières à l'entrée que vous décrivez sont surtout le fait de secteurs où les investissements à consentir sont énormes, du style construction d'avions ou création d'un réseau de technologie mobile.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que le raisonnement de Ricardo est mené dans un "univers simplifié". Je ne connais pas beaucoup de pays où les entreprises ne fabriquent que deux produits.

S'agissant d'une simplification, il est dès lors clair que vous pourrez soulever toutes sortes d'objections rien qu'en complexifiant la situation.

Que le raisonnement soit présenté de façon simplifiée par Ricardo (ou par moi) à fins pédagogiques ne remet par contre pas en cause sa validité. Les faits ont toujours confirmé les théories de Ricardo (encore une fois, sauf circonstances exceptionnelles), qui ont d'ailleurs été échafaudées parce que la théorie des avantages absolus ne parvenait pas à expliquer pourquoi les relations commerciales entre différents pays tendent à foisonner dès que les barrières douanières sont levées.

11/9/06 16:20  

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