10.6.03

La perversité collectiviste




S’il y a une chose plus détestable que la pensée unique, c’est la pensée unique. Non, chers amis, cette semaine sans nouvelle intervention ne dissimulait pas le basculement de l’esprit de Constantin dans une folie furieuse le poussant à parsemer ses interventions de propos sans queue ni tête. Derrière l’apparent contresens qui ouvre cette chronique se cache une vérité lourde d’implications pour les quelques esprits libres qui tentent de penser à contre-courant des truismes collectivistes préfabriqués que l’on nous assène à longueur de temps. Je m’explique.

Récemment, une de mes connaissances, qui collabore de façon épisodique à la rédaction du journal des anciens de sa faculté s’est mis en tête – objectif louable s’il en est ! – de critiquer vertement l’enseignement tel qu’il est (dés)organisé par l’Etat dans notre petit bout de terre à l’Est du méridien de Greenwich dans une petite phrase assassine dont les répercussions ne laissèrent pas de le surprendre. Le président de la faculté en question, mis au fait de l’article et de son contenu iconoclaste, déclencha contre son infortuné auteur une offensive qui tenait plus de la Blitzkrieg intellectuelle que du débat posé que l’on est en droit d’attendre de la part d’un représentant éminent de la communauté intellectuelle de notre plat pays. Entre autres joyeusetés non fondées, le pauvre fut taxé de poujadisme, accusé de manque de rigueur intellectuelle, et abreuvé des contresens les plus lamentables jamais proférés par un représentant du corps enseignant de l’Alma Mater.

Nous pourrions disserter sans fin sur la décrépitude intellectuelle qui ronge les élites pensantes de notre société et sur les conséquences dommageables de ce lent déclin sur la qualité de la formation dispensée au sein des universités, mais cela nous éloignerait du véritable propos de cette chronique. Ce qui me choque particulièrement dans cette anecdotique dispute, c’est la mauvaise foi crasse dont a fait preuve l’interlocuteur de mon malheureux camarade. D’un revers de main dédaigneux, ce soi-disant professeur (qui, en-dehors de son imbécillité, n’a rien professé ce jour-là) parvenait à dénigrer le propos pourtant fondé de notre coupable malgré lui. Point de débat intellectuel, qui eut permis à notre ami de défendre son affirmation, exemples, articles de journaux et ouvrages politiques à l’appui et de tenir la dragée haute à son contradicteur. Non, par la simple évocation du poujadisme supposé de cet homme, ses arguments étaient sine die réduits à néant.

L’exemple n’est hélas pas isolé, et ceux-là même qui prétendent « lutter contre la pensée unique » se sont faits les champions toutes catégories de cette nouvelle discipline rhétorique : le dénigrement systématique et non-fondé de tout argument contraire aux idées que l’on veut implanter dans le crâne des citoyens « responsables et solidaires ». Osez critiquer le clientélisme omniprésent dans la politique belge et vous devenez un nouveau Poujade. Osez vous insurger contre la loi contre les propos racistes et vous devenez automatiquement un « facho ». Osez critiquer la politique d’intégration et vous « faites le lit de l’extrême-droite ». Osez parler de désengager l’Etat d’une série d’activités où son bilan est pour le moins douteux et vous devenez un « chantre de la privatisation ultralibérale ». Bref, osez vous opposer au collectivisme, cette nouvelle religion d’Etat qui a remplacé le catholicisme sous nos latitudes et vous vous voyez affublé du san benito de cette nouvelle Inquisition. Ainsi étouffe-t-on les idées qui dérangent, en évitant surtout de chercher à comprendre pourquoi elles dérangent.