22.8.03

Ministère des Dossiers

En parcourant les dernières statistiques de fréquentation de ce petit coin d'internet que vous aimez à visiter, je n'ai pu m'empêcher de noter avec amusement que certains d'entre vous se connectent depuis les endroits les plus saugrenus de la planète, comme par exemple le ministère français des affaires sociales, du travail et de la Solidarité (avec un "s" majuscule à Solidarité, notez-le bien).

Peste, les serviteurs du Tyran viendraient donc s'encanailler sur un site brocardant à longueur de post les institutions étatiques ? Je ne peux que les encourager. Bienvenue, mes amis ! Puissent ces chroniques délétères vous insuffler un salutaire esprit d'insubordination et vous inciter à perpétrer des actes contre nature pendant les heures de bureau, à l'instar de mon ami Aristophane Triboulet, le fonctionnaire libertarien dont la faconde anarcho-capitaliste n'a d'égale que l'ardeur libertine.

Admettons-le, nos voisins de l'hexagone ne manquent certes pas de créativité : un ministère de la Solidarité, quelle idée de génie ! En un tournemain, voilà un vocable typique de la Novlangue érigé au rang d'institution. Aucun doute, Georges Orwell eut apprécié l'ironie. Intrigué, je me suis emparé de ma souris et suis allé visiter le site web de cette nouvelle tentacule du béhémoth étatique. Première constatation, la présentation de l'Institution ne mentionne nulle part une quelconque sous-direction de la Solidarité. Passé le titre ronflant du ministre, plus aucune mention n'est faite de ce terme, ce qui tend à corroborrer la première impression : à l'instar de "solidaire", "citoyen" ou "festif", "solidarité" n'a absolument aucune signification intrinsèque et sert donc probablement à renforcer l'impression de sérieux qui se dégage des discours de nos édiles ou des syndicalistes revanchards en mal de nouveaux "acquis sociaux", ces privilèges exorbitants acquis aux dépens du contribuable. Une version "troisième millénaire" des célèbres discours du maire de Champignac, en quelque sorte*.

La prose que l'on trouve dans les pages web de l'institution ne rougirait d'ailleurs pas de la comparaison avec celle du bouillant maïeur champignacien. Je vous en livre un court extrait :

Le Ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité - secteur emploi - joue un rôle essentiel dans l'animation du dialogue social de notre pays. Elément clé de la modernisation des rapports sociaux, il élabore et veille à l'application de la législation du travail et encourage le développement de la négociation collective.

Jusque là, rien de bien sensationnel. Suit un grand moment de poésie bureaucratique :

Pour préparer la réforme de l'Etat, qui, à l'horizon 2006, orientera l'administration vers une action par objectifs et résultats, modifiera la présentation du budget et le dialogue avec le parlement, développera la gestion prévisionnelle des compétences et la qualité de service aux usagers, les services du secteur emploi ont mis en œuvre des expérimentations, en lien avec la DIRE et la Direction du budget.
Lancée avec les services de la région Centre en 2002, une contractualisation avec l'administration centrale sur les objectifs et les résultats, assortie de globalisation des moyens de fonctionnement et de rémunération s'est étendue à 7 autres régions en 2003, incluant certains crédits d'intervention.


Léger, digeste, compréhensible, voilà sans aucun doute un merveilleux exemple de prose citoyenne et solidaire.








* les incultes du Neuvième Art sont priés de se plonger illico dans les premiers albums des aventures de Spirou et Fantasio, à l'époque où le génial Franquin s'occupait encore de leur sort.