Le principe d'imprécation
Les virulentes masses revendicatrices qui occupent le pavé avec une surprenante régularité dans un élan solidaire et citoyen ont une haine surprenante des arguments économiques ou scientifiques qu'on leur oppose. Il est vrai qu'il doit être assez frustrant pour de frustes frappeurs tambours africains de se faire sempiternellement contredire par des gens qui ont raison. Les hurluberlus hurleurs ne furent hélas pas longs à trouver une parade efficace à tout argument économique qui leur est opposé, taxant de "néolibéraux" les impudents qui osaient les contredire. La tactique, si elle manque d'élégance n'en est pas moins redoutablement efficace, et, en ces temps où la vaste entreprise de lavage de cerveau qu'on appelle "enseignement public" atteint enfin ses objectifs d'abrutissement des masses, il n'est plus beaucoup de contradicteurs capables de résister à leur barrage de mauvaise foi intellectuelle. Faisant fi du sens économique, ces fieffés farceurs vont donc répandant leurs sornettes sans que personne ne puisse leur opposer de résistance.
Le cas des économistes et autres valets de la mondialisation ultralibérale - remarquez à quel point le terme est élégant comparé aux vieilloteries marxistes du genre "grand capital international" - réglé une fois pour toutes, il fallait à présent à nos amis altermarxistes - un néologisme en hommage à leur capacité à réjuvéner l'iconographie communiste - s'occuper d'une autre race d'empêcheurs-de-manifester-son-indignation -en-rondes, j'ai nommé les scientifiques.
Et quoi, me direz-vous, qu'ont-ils fait, ces innocents et poussiéreux hommes à barbiches et binocles, cloîtrés au fond de leurs laboratoires qui sentent le formol à s'extasier devant le contenu de leurs petites éprouvettes ? C'est pourtant simple : il leur arrive régulièrement de contredire nos amis altermondialistes en leur expliquant que les recherches effectuées dans leurs laboratoires sont loin de corroborrer leurs thèses fétiches. Coup sur coup, ces faquins ont eu l'outrecuidance d'affirmer que le trou dans la couche d'ozone existait depuis belle lurette et qu'on n'avait simplement pas remarqué son existence avant, qu'il est impossible de quantifier l'importance du facteur humain dans les causes du réchauffement de la planète, et qu'il est impossible de prouver que les OGM sont dangereux pour la santé. C'en était trop, il fallait agir. C'est ainsi qu'un jour naquit le principe de précaution.
Le principe de précaution a cela de merveilleux qu'il permet de faire fi de toute vérité scientifique en faisant simultanément la preuve de ce merveilleux sens citoyen si prisé des zélotes de l'environnement. Par exemple, il devient très facile de lutter contre les organismes génétiquement modifiés. La science n'arrive pas à prouver que les OGM sont dangereux ? Qu'à cela ne tienne, ils n'ont pas prouvé l'inocuité des produits. Laissons là les résultats de ces centaines de recherches menées pour tenter de trouver un problème et retranchons-nous derrière le principe de précaution : il vaut mieux éviter d'en manger, on ne sait jamais. Et aussi d'en cultiver d'ailleurs, même si les conditions sont draconiennes et que toutes les précautions sont prises pour éviter la "contamination" des champs voisins. Au nom du principe de précaution, un citoyen vraiment solidaire se doit de protéger ses concitoyens de ce danger rampant en saccageant sans pitité toute plantation qu'il trouve sur son chemin.
Jusqu'ici, cependant, les altermondialistes et les écolâtres avaient soigneusement évité de proférer des paroles qui puissent permettre au commun des mortels de déceler la supercherie. C'était sans compter sur l'ineffable parti "Ecolo", relégué par les électeurs belges dans les limbes de la politique, mais toujours en mal d'une nouvelle reconnaissance.
La maladresse leur est hélas coutumière, et c'est donc ainsi que le lecteur du Soir en ligne put remarquer cette remarquable intervention d'un des secrétaires fédéraux d'Ecolo au sujet du problème de la pollution par l'ozone :
Malgré la controverse scientifique sur l'efficacité de pareilles mesures, les verts proposent des limitations de déplacement en voiture et le renforcement de dessertes de transports en commun lors des pics d'ozone.
Et voilà. Le masque est tombé. Du coup, je comprends mieux pourquoi ils ont perdu les élections. Avec de tels amis, le mouvement altermondialiste n'a pas besoin d'ennemis.
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