26.8.04

Keep it simple

Il existe des gens pour qui vivre dans la prospérité est une malédiction. K., par exemple, nous parle de l'époque bénie où il vivait les larmes aux yeux, conduisait une vieille guimbarde qui tombait en panne tous les trois jours, travaillait comme un esclave et rentrait à une heure où sa femme dormait déjà à poings fermés, se faisait harceler par ses créditeurs et couper le téléphone par la compagnie à laquelle il devait déjà cinq mois d'abonnement. "Maintenant", nous dit-il, "les chèques que je fais ne sont pas en bois, j'ai une nouvelle voiture, les huissiers ne viennent plus jamais frapper à ma porte. Je n'arrive même plus à froncer les sourcils. Vraiment, je ne me suis jamais senti plus mal que depuis que je n'ai plus le blues". Evidemment, K. est musicien. Et quoi de plus gênant pour un bluesman que vivre dans le confort matériel et spirituel ?

Tour à tour humoristique, sérieux ou mystique, Keb' Mo' est sans conteste un des meilleurs représentants de ce que le blues peut être presque 70 ans après les premiers enregistrements de Robert Johnson. Solidement ancré dans la tradition du finger-picking, ce guitariste, chanteur et compositeur n'hésite pas à sortir de blues "traditionnel" pour écrire une pop du plus bel effet, pleine d'influences blues, gospel et soul. Ses compositions sont de petits bijoux à la structure harmonique extrêmement bien conçue, les arrangements sont simples mais efficaces et l'interprétation est excellente. Sa voix, chaude et un peu éraillée se marie à merveille avec la musique. Dans ses paroles, il évoque les choses de la vie, les tristes comme les joyeuses, les sérieuses comme les légères. Quelques morceaux plus gospel évoquent son rapport avec Dieu et le sens que l'on peut donner à la vie. Sans oublier, sur presque chacun des sept albums qu'il a déjà sortis, en hommage appuyé au père du blues, Robert Johnson, une reprise d'une de ses chansons. Qu'il la réarrange à sa sauce (comme "Come in my kitchen" sur l'album "Just like you") ou la restitue à l'ancienne, seul avec sa guitare (comme "Love in vain" sur "Slow Down"), le résultat est toujours admirable, parfois même poignant, et nous rappelle à quel point Johnson fut un maître du genre. Mais le reste de l'album a tôt fait de nous rappeler que Keb' Mo' a lui aussi l'étoffe d'un maître. A titre d'illustration et de mot de la fin, voici un extrait des paroles de "I don't know" :

You tell me that you love me
That you really care
We've talked it out
We did our best
And it sill ain't going nowhere

It feels like our forever
Just ended yesterday
And all of our tomorrows
Were simply tossed away

Should I stay, should I go ? I don't know





P.S. : Si cette chronique vous a donné envie d'écouter un de ses albums, je vous conseille "Slow Down", à mon avis l'un des plus représentatifs de la palette de styles que Keb' Mo' offre à ses auditeurs.