Rentrée : la lutte des classes
Ce n'est pas tous les jours qu'un journal arrive à me faire grincer des dents. Mais cette fois-ci, la Libre Belgique de mercredi passé a réussi son coup. Plusieurs articles sur l'enseignement s'y succèdent, chacun plus inepte que le précédent. Cette litanie d'absurdité gauchisantes culmine avec un torchon intitulé "L'Ecole ne fait plus le poids".
Je vous en livre l'introduction :
Ouf ! Il n'y va pas avec le dos de la cuiller, ce Yann Fiévet, dont la manchette nous apprend qu'il est professeur de sciences économiques (si si) et sociales (ah ! je comprends mieux). Ainsi donc, l'Entreprise - avec un grand E, sans doute pour bien indiquer qu'il s'agit d'un Complot émanant du Milieu des vilains Capitalistes - est en guerre contre l'école ? Rhôôôôôôô !
Ironie mise à part, dans ce morceau de prose puante, et nonobstant les relents de matérialisme dialectique qu'il tente de nous faire gober, l'auteur se plante complètement. D'abord, pourquoi l'entreprise voudrait-elle faire la guerre à l'école ? Un gamin de quinze ans, réfléchissant sur le sujet en lisant Fluide Glacial dans les chiottes à la récré, parviendrait tout seul à une conclusion différente. Ben oui, l'Entreprise avec un grand E, c'est finalement la "cliente" des écoles, non ? C'est bien avec les produits de notre système éducatif qu'elle est censée constituer ses effectifs dans le futur. Alors pourquoi ferait-elle la "guerre" à l'Ecole, hmm ?
Remarquez, il y a bien une raison quand on y songe. Peut-être l'entreprise avec un grand "E", en a-t-elle marre de voir débarquer chaque année sur le marché du travail des jeunes de plus en plus abrutis et décérébrés, produits bêlants et incapables de réfléchir de notre système prétendument égalitaire dont la principale politique pour faire réussir les élèves "défavorisés" est de raboter chaque année les standards - on appelle cela "l'école de la réussite" quand on travaille au ministère. L'école n'apprend pas aux élèves à penser par eux-mêmes, elle se contente de leur permettre d'ânonner - avec si possible les accents de la juste indignation qu'ils ressentent - les slogans néo-marxistes que leurs enseignants leur martèlent sous la pression des inspecteurs trotskystes qui conçoivent les programmes. Mais voilà, il faut lutter contre la "Pensée Unique", n'est-ce pas ? On ne peut quand même pas laisser les "jeunes" se faire corrompre si tôt par la "logique du marché". Berk berk berk, c'est impensable ! Vite vite, apprenons-leur la solidarité et la responsabilité citoyennes, sans quoi nous en ferons des esclaves du néolibéralisme triomphant !
Franchement, à fréquenter les salles des professeurs pour raisons professionnelles et à être chaque jour consterné des inepties qu'on entend les habitués des lieux proférer chaque jour que fait le Seigneur, on finit par comprendre pourquoi les entreprises avec un grand E ont envie de se mettre sur le sentier de la guerre. Tel abruti professeur de langues me faisait l'autre jour une réflexion acerbe parce que je partais visiter l'usine Volkswagen de Forest avec mes élèves : "ah oui, VW, les champions de la réduction des coûts !". Ben oui, connard, c'est d'ailleurs grâce à ça que t'as pu te payer une Polo neuve, si tu y réfléchis ! Alors si t'es pas content, t'as qu'à leur dire que t'es prêt à la payer le double, ta bagnole, pour qu'ils ne réduisent plus les coûts ! Tel autre, professeur d'histoire, s'indigne sur la leçon d'Adam Smith sur la division du travail : "tu te rends compte, Constantin, il arrive à distinguer dix-huit étapes différentes dans la fabrication d'une aiguille !". Ben oui. C'est même grâce à ça que le costume que tu portes ne t'a pas coûté 3000 euros chez le tailleur mais 200 chez Superconfex ! Les anecdotes sont authentiques, et les réponses aussi. Si ce n'est que je me suis mordu très fort la langue pour ne pas traiter de connard le professeur de langues.
Voyons la réalité en face : ce n'est pas l'entreprise qui est en guerre contre l'école, c'est le corps professoral qui résiste avec toute l'énergie dont il est capable à l'économie de marché. C'est un combat perdu d'avance, alors ils tentent comme ils le peuvent de se draper des oripeaux de la gloire intellectuelle. Mais quelle gloire ? Si aujourd'hui ils peuvent être professeurs, c'est grâce à l'industrialisation et à la division du travail. Si ces dernières n'avaient pas existé, nous en serions tous encore à gratter la terre pour y faire pousser des topinambours ! Dépenser toute son énergie à nier cette évidence, et s'adonner sciemment au nom de la "résistance à l'idéologie du marché triomphant" à la production d'étudiants mal préparés à la vie active qui iront grossir les rangs des chômeurs, ce n'est pas un combat très glorieux, quand on y pense.
1 Commentaires:
J'aimerais pouvoir partager votre optimisme quant au pays de l'Oncle Sam. Hélas, la lecture régulière de Ideas on Liberty, le magazine de la Foundation for Economic Education, combinée à l'expérience de plusieurs visites, m'incite plutôt à penser que les USA, sous l'influence des mêmes préceptes collectivistes, se précipitent eux aussi vers le gouffre. C'est triste à dire, mais seule une crise profonde du système fera bouger les gens. Réaliseront-ils à ce moment-là que ce sont leurs vellétités planificatrices et leur confiance absurde dans le tout-à-l'Etat qui sont à l'origine du désastre ? L'éducation nationale ne les y prépare guère ...
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