14.9.04

C'est dans la tête !

Le lecteur peut hausser les sourcils avec une résignation amusée au récit des derniers ukazes de Verfostadt, que mon ami Aristophane nous conte sur son site avec sa verve habituelle, il n'en reste pas moins que les dernières péripéties des compagnies d'assurance témoignent de la déliquescence de la notion de responsabilité individuelle dans notre société.

Plus que l'intervention poutinesque de l'ami Guy - je croyais que jusqu'ici seul un ancien directeur du KGB pouvait avoir le front de pratiquer ainsi au vu et au su de tous un racket digne de la mafia sicilienne - c'est en réalité le consensus bêlant de la presse francophone qui m'a choqué. Comme s'il était normal que le gouvernement intervienne à chaque fois qu'un individu n'a pas assumé les responsabilités qui sont les siennes. Certes, la catastrophe était imprévue et ses conséquences sont dramatiques. Mais chaque jour les accidents moins spectaculaires de la vie quotidienne font leur lot de malheureux : qui, pris dans un accident de voiture où il est clairement en tort, doit supporter seul ses frais d'hospitalisation parce qu'il n'avait pas pris d'assurance; qui, dans un instant de distraction, écrase sa voiture sur un poteau et se retrouve sans véhicule parce qu'il n'a pas pris d'omnium; qui, n'ayant pas pris la précaution de s'assurer en responsabilité civile, se voit obligé de payer de sa poche la réparation de la véranda du voisin que son enfant a accidentellement endommagé en jouant au base-ball. Pour ceux-là, personne ne s'écrie que le destin est injuste, que le gouvernement doit faire quelque chose pour eux, qu'il faut se montrer solidaire. En tout cas jusqu'ici ...

Car la permanence de ces sempiternelles entorses au principe de responsabilité individuelle laisse des traces dans la mentalité des gens. Le discours ambiant, celui qui prétend - admirez le cynisme - lutter contre la soi-disant pensée unique, impose une façon de voir la vie où les individus, de responsables de leur vie et de leurs choix, finissent par devenir les infortunées victimes du destin, de la société, de leur éducation, de leurs parents, des innondations, de la peste ou du phylloxera. Je suis intimement convaincu que cette constante déresponsabilisation, qui commence malheureusement dès le plus jeune âge, est une des causes les plus prégnantes de ce malaise dont chacun se plaît à dire qu'il est une des caractériques de ce début de millénaire dans nos sociétés développées.

J'y revenais déjà dans une précédente chronique, la volonté de l'Etat de se substituer à la mère et de chaperonner les citoyens pour les protéger des conséquences de leurs choix est un fléau dont le plus grand danger est que le faux sentiment de sécurité qu'il procure incline les individus à en demander toujours plus. Et le pire est qu'il se développe comme un cancer. Ils sont toujours plus nombreux, à chaque coup du sort, à demander à l'Etat de venir panser leurs plaies. A vouloir vivre dans une sorte de monde aseptisé dont tout risque est exclus. Ils oublient cependant que ce qui fait que l'homme est Homme, la caractéristique qui fait de nous des être uniques, c'est la capacité de faire des choix et d'en assumer les conséquences.

Peut-être vous rappelez-vous de l'étrange sentiment ambivalent qui s'emparait de vous dans votre enfance, quand, après avoir fait une bêtise, vous arriviez à éviter la punition parentale. Au soulagement d'y avoir échappé s'ajoutait rapidement un indéfinissable malaise, non ? La source de ce malaise, si vous y réfléchissez, c'était la connaissance d'avoir commis une mauvaise action sans avoir eu à en affronter les conséquences. Imaginez les dégâts que peut provoquer ce malaise lorsque il atteint toute une population "sauvée" à chaque fois par l'Etat-Providence et qui, au fond, sait bien qu'on ne peut indéfiniment tirer ainsi sur la corde.