Ce bon vieil Adam ...
Rien à faire, on ne m'ôtera pas de l'idée qu'Adam Smith, que certains de mes coreligionnaires libertariens tiennent en assez piètre estime est loin de n'avoir dit que des bêtises.
Bien sûr, Smith raisonne dans un contexte qui est celui de son époque, et ne prend pas en compte l'entièreté de l'apport d'économistes comme Cantillon et Turgot, qui lui étaient pourtant familiers, mais soit. Personnellement, je pourrais m'accomoder d'un gouvernement comme Adam Smith l'appelle de ses voeux beaucoup mieux que de pas mal de gouvernements de mon époque. N'est-pas Smith qui a un jour écrit :
"Il ne fait pas doute qu'un impôt exorbitant, équivalant par exemple, en temps de paix comme en temps de guerre, à la moitié ou même au cinquième de la richesse de la nation, justifierait, comme tout abus caractérisé de pouvoir, la résistance du peuple."
Nul doute qu'il ne serait horrifié à l'idée de ce que les Etats volent à leur population sans même que cette dernière ne songe seulement à ses révolter. Aux dernières nouvelles, les recettes fiscales belges, en pourcentage du Produit Intérieur Brut, atteignent presque les 50% ! Vous rendez-vous compte ? La moitié des richesses produites chaque année sont confisquées par l'Etat. Smith en aurait sûrement avalé son thé de travers.
D'ailleurs, à la vue des béhémoths hypertrophiés que sont devenus les social-démocraties occidentales, ce brave homme aurait des sueurs froides. Dans le Cinquième Livre de la Richesse des Nations, il détaillait ainsi le rôle de l'Etat :
Le premier des devoirs du souverain, celui de protéger la société contre la violence et l’invasion d’autres sociétés indépendantes, ne peut se remplir qu’à l’aide d’une force militaire ; mais dans les différents états de la société, dans ses différentes périodes d’avancement, la dépense à faire tant pour préparer cette force militaire, en temps de paix, que pour l’employer, en temps de guerre, se trouve être très-différente.
[…]
Le second devoir du souverain, celui de protéger, autant qu’il est possible, chacun des membres de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre de cette société, c’est-à-dire le devoir d’établir une administration de la justice, exige aussi des dépenses qui, dans les différentes périodes de la société, s’élèvent à des degrés fort différents.
[…]
Le troisième et dernier des devoirs du souverain ou de la république est celui d’élever et d’entretenir ces ouvrages et ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par quelques particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense. Ce devoir exige aussi, pour le remplir, des dépenses dont l’étendue varie selon les divers degrés d’avancement de la société.
[…]
Mais quoique dans aucune société civilisée les gens du peuple ne puissent jamais être aussi bien élevés que les gens nés dans l’aisance, cependant les parties les plus essentielles de l’éducation, lire, écrire et compter, sont des connaissances qu’on peut acquérir à un âge si jeune, que même ceux qui sont destinés aux métiers les plus bas ont le temps de prendre ces connaissances avant de commencer à se mettre à leurs travaux. Moyennant une très-petite dépense, l’Etat peut faciliter, peut encourager l’acquisition des ces parties essentielles de l’éducation parmi la masse du peuple, et même lui imposer, en quelque sorte, l’obligation de les acquérir.
[…]
Par ailleurs, Smith avait une conception très hardie du financement par la collectivité. La lecture du premier chapitre du Livre V (dont est extrait le passage déjà cité) nous apprend ainsi qu'il semblait très préoccupé de l'équité de son sytème, et en particulier d'éviter de faire financer par tous ce qui ne profiterait qu'à quelques-uns. Voici par exemple ce que Smith disait des routes :
"La dépense d’entretenir des routes sûres et commodes et de faciliter les communications est sans doute profitable à toute la société, et par conséquent on peut sans injustice la faire payer par une contribution générale. Cependant, cette dépense profite plus immédiatement à ceux qui voyagent ou qui transportent des marchandises d’un endroit dans un autre, et à ceux qui consomment ces marchandises. Les droits de barrière, sur les grands chemins en Angleterre, et ceux appelés péages dans d’autres pays, mettent cette dépense en totalité sur ces deux différentes sortes de personnes, et par là dégrèvent le revenu général de la société d’un fardeau considérable. "
En cette ère de social-démocratie où chaque groupement d'intérêt essaie de soutirer un maximum de la manne étatique afin de vivre plus confortablement aux dépens de la société toute entière, il est réconfortant de lire une telle prose. Avant même de découvrir Bastiat ou Hayek, si nos édiles pouvaient par hasard tomber sur un exemplaire de la Richesse des Nations, le parcourir entièrement et le comprendre, nous aurions déjà fait un grand pas sur le chemin de la liberté retrouvée.
4 Commentaires:
Bonjour Ronibéral,
J'ai eu l'occasion de parcourir quelques-unes de vos interventions sur libéraux.org, donc je vous connais et j'apprécie votre travail de réflexion.
Concernant Smith, ma foi, je suis en train de le relire, et j'ai lu récemment une critique plus ou moins impartiale (lire : non libertarienne) du bonhomme. Il reste clair que sa théorie de la valeur est boîteuse et, pire, a servi de fondation aux théories de Marx, mais je pense qu'il ne faut pas non plus jeter le bébé avec l'eau du bain. Smith était un étatiste "minimaliste", et ses remarques sont souvent pleines de bon sens.
Je dois disposer quelque part d’un exemplaire électronique de la Richesse des Nations. Je m’en vais de ce pas l’envoyer à Elio, Laurette, Didi la fripouille et autres vandales collectivistes. Mais, j’ai des doutes sur le fait que le seul bon sens contenu dans l’ouvrage remette sur le chemin de la liberté cette bande de fieffés gredins.
C’est un peu comme s’il suffisait de faire lire le code pénal aux malfrats pour les convertir en honnêtes gens.
Je crains que vous n'ayiez hélas raison. Mais ce qui me chagrine le plus, c'est que malgré leur inculture flagrante en matière d'économie, la plupart de nos édiles se sentent autorisé à émettre d'un ton pompeux des avis absurdes et de baser leurs politiques économiques sur lesdits avis.
Ah mais si vous venez habiter chez nous, il faudra que vous rencontriez toute la joyeuse petite bande de l'AGLLB (avant-garde ludique des libertariens bruxellois) !
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