30.6.03

Le capitalisme bien compris




J’entendais ce matin sur les ondes de la radio bolchévique une interview d'Antoine gallimard, petit fils de Gaston Gallimard, éditeur et fondateur de la « maison » Gallimard. Il y dépeignait son grand-père en des termes d’une simplicité et d’une force remarquables. Si je me souviens bien, cela ressemblait à : « c’était un homme qui avait la conviction que les jeunes auteurs qu’il acceptait de publier deviendraient un jour célèbres et rapporteraient à ce moment de l’argent à sa maison d’édition. »

Admirable définition de l’entrepreneur capitaliste, d’autant plus frappante qu’elle émane d’une personne exerçant sa profession dans un secteur étatisé à outrance, la culture. Loin des clichés démagogiques de cette gauche qui cherche toujours à discréditer le capital, voici découvert le vrai visage de l’entrepreneur : une personne qui fait des choix et accepte d’y consacrer son argent sans savoir au moment où il le fait si l’aventure le ruinera ou l’enrichira. Du flair de monsieur Gallimard a dépendu le succès de son entreprise. Vu la taille acquise par cette dernière, ce flair devait être excellent.

Chaque entreprise commerciale dans le monde fonctionne, à peu de choses près, selon les mêmes règles : tenter de définir le produit qui satisfera les consommateurs, et prendre ensuite le risque de le produire et de le commercialiser. Bien sûr, dans le cas de grandes sociétés, cette prise de risque se fait de façon scientifique, à l’aide d’études de marché sophistiquées destinées à éliminer autant que faire se peut le risque d’échec commercial, mais le principe reste le même : l’entrepreneur qui a du succès est celui qui a su servir le consommateur comme ce dernier le demandait, au prix qu’il était prêt à payer, et qui a au passage réalisé un profit. Ce profit, loin d’être honteux, représente la juste contrepartie, pour le propriétaire de l’entreprise, des risques qu’il a pris dans l’exercice de son activité. Quoi de plus moral ? Même les soi-disants « spéculateurs » boursiers obéissent à cette règle. Prenez ceux qu’on appelle les « arbitragistes ». Ces gens, actifs notamment sur le marché des changes, rendent un service immense, car c’est grâce à leur action que les cours des différentes monnaies s’équilibrent harmonieusement. Ils traquent la moindre différence de cours relatif des différentes monnaies (par exemple, une différence entre les cours du dollar par rapport au yen et du yen par rapport à l’euro et celui de l’euro par rapport au dollar) et achètent ou vendent des devises pour exploiter cette différence lucrative. Petit à petit, par l’effet de la loi de l’offre et de la demande, la différence s’amenuise et les cours s’équilibrent. Avec comme résultat un marché entièrement cohérent. De même, les individus ou les sociétés qui « spéculent » sur une hausse ou une baisse des taux d’intérêts permettent, grâce aux diverses opérations qu’ils vont effectuer pour tirer un profit de la baisse ou de la hausse consécutive du cours des actions, que l’ajustement de ce cours s’effectue de façon étalée dans le temps. S’ils ont correctement anticipé le mouvement des taux, ils feront un profit. Si leur flair les a abandonnés, ils feront une perte. Poursuivant leur propre intérêt, ils concourent à l’intérêt général, et en retirent de quoi subsister confortablement.