Beaucoup de Super Size bruit pour rien
Le récit plein d'humour d'une descente aux enfers volontaire à vocation pédagogique. Voilà qui, je pense, résume assez fidèlement Super Size Me, le film de Morgan Spurlock dont on parlait en Belgique des semaines avant sa sortie.
Ce doit être l'effet Michaël Moore : le public francophone attend avec impatience tout nouveau "documentaire" - pamphlet serait un terme plus approprié - américain d'autoflagellation qui apporte de l'eau au moulin de l'américanophobie ambiante. Face aux multiples problèmes qui secouent nos frileuses social-démocraties, il est sans doute rassurant pour nos pseudo-élites intellectuelles désemparées de pouvoir pointer du doigt le côté Ouest de l'Atlantique en proférant d'un ton docte que "les Américains c'est quand même des cons".
Finalement, Super Size Me n'est pas le brûlot auquel je m'attendais. Bien sûr, les dix dernières minutes contiennent une bien gauchisante critique des entreprises "qui font du fric à tout prix, mon bon monsieur, même celui de notre santé, vraiment c'est un scandale", mais l'ensemble du film reste assez amusant et le ton plutôt humoristique qu'adopte Spurlock nous rend la chose fort sympathique.
Le point de départ du film est ce procès intenté par deux adolescentes obèses à la firme Mc Donald's, qu'elles rendent responsable de leur importante surcharge pondérale. Dans les attendus du jugement, Spurlock relève cette affirmation du juge : "les plaignants ne sont pas en mesure de démontrer que la seule consommation de produits Mc Donald's est à l'origine de la détérioration de leur Etat de santé". Il me semble même me rappeler qu'il était question de démontrer que la consommation des seuls produits McDo pendant un mois pouvait constituter un risque majeur pour la santé.
Notre ami Spurlock s'est donc attelé à démontrer à ses compatriotes sceptiques et grands amateurs de "Junk Food" l'extrême nocivité des produits proposés. Suivi par une équipe de trois médecins - un cardiologue, une gastrologue et un généraliste - et une flopée d'infirmières et de diététiciennes qu'il revient visiter chaque semaine pour faire un bilan de santé, notre ami décide donc de ne plus prendre ses repas que chez Mc Donald's durant un mois. Ses nombreuses incursions - souvent assez comiques - dans les restaurants de l'enseigne à travers les Etats-Unis sont entrecoupés de séquences informatives sur la nocivité diététique du burger, les problèmes d'obésité aux Etats-Unis, le problème des cantines scolaires où l'on ne sert que de la "junk food", la nocivité des "sodas" dont les américains sont friands, et cetera.
Au fil des jours, l'équipe médicale qui suit Spurlock passe de la mine réjouie et amusée à la mine inquiète et consternée : prise de poids (huit kilos en un mois), augmentation drastique du choléstérol, phénomènes d'addiction, et, dans les derniers "stades" de son supplice auto-infligé, lésions au foie comparables à celles que l'on constate chez les alcooliques. A propos d'alcoolique, mention spéciale au généraliste mal rasé, plein de pellicules et manifestement en proie à un problème de boisson qui fait un grand laïus au réalisateur sur la nécessité de ménager son foie. Ronnie Hayek et moi-même finissions par éclater de rire à chaque apparition à l'écran du hirsute praticien. Et tant que nous en sommes aux personnages secondaires du film, je m'en voudrais de ne pas mentionner la petite amie de Spurlock. Franchement, supporter cette pimbêche me semble nettement plus éprouvant que ces trente jours d'intoxication alimentaire programmée. La donzelle est végane - cette sorte de végétariens qui refusent même les oeufs et le fromage - et ne jure que par le bio, s'exprime d'une voix plaintive et un peu nunuche et regarde son petit copain d'un air inquiet, consterné et vaguement dégoûté. Le clou du spectacle arrive quand elle se plaint devant la caméra de la baisse notable des performances sexuelles du réalisateur !
Finalement, le propos du film n'est pas aussi revendicatif que je ne m'y attendais. A mon sens, il s'agit plus d'une sorte d'aimable pamphlet dont la vocation est de faire prendre conscience aux millions d'américains qui surconsomment de la junk food qu'il en va de cette nourriture comme de la cigarette : on ne s'en rend pas compte au moment où on consomme, mais les effets à long terme sont désastreux. C'est un documentaire américano-américain : énormément de situations auxquelles il fait référence nécéssitent une certaine connaissance de la société américaine pour être appréciées à leur juste valeur.
Et puis surtout, je ne suis pas sûr que le film atteigne réellement son objectif. A la sortie du cinéma, j'ai remonté l'avenue de la Toison d'Or pour m'engouffrer dans le Quick de la porte de Namur et y commander un "Maxi Menu Giant" (la totale avec coca et mayonnaise).
4 Commentaires:
Excellent compte rendu de ce film ambigu.
A propos de la baisse des performances sexuelles de notre anti-héros, je n'ai pu m'empêcher de dire à mi-voix pendant le film: "il éjacule sans doute du milk-shake".
A noter aussi le moment "gore" du film quand Spurlock gerbe tout son déjeuner et que la caméra se dirige vers le repas qu'il vient d'expulser de son estomac.
J'ai beaucoup réfléchi à cette remarque, et je pense qu'elle n'est pas pertinente. En effet, la demoiselle est végane, ce qui lui interdit la consommation de produits d'origine non végétale. Ergo, elle n'aurait pu remarquer que la semence de son compagnon s'était métamorphosée en boisson lactée parfumée à la fraise.
Quant à la scène gore, je précise à l'intention des lecteurs qu'il s'agit de la conclusion de sa dégustation d'un menu "Super Size" qu'il s'est efforcé de terminer malgré les dimension gargantuesques dudit menu. La scène est coupée par de petits écrans noirs où est indiqué le temps qui s'école entre deux prises. On le voit d'abord entamer le menu avec appétit, puis prendre petit à petit un aspect résigné. Ensuite viennent les gargouillis et les petits rôts. Jusqu'à l'explosion finale. Un des grands moments comiques du film : après un sobre écran "20 minutes later", on voit Spurlock en proie à un rôt qui se termine mal. Rétrospectivement, il est heureux que la fenêtre ait été baissée à cet instant précis.
Il est heureux également qu'il n'y ait pas eu de vent à ce moment-là, sinon il lui serait arrivé une mésaventure comparable à celle que connaît le Dude en jetant son joint par la fenêtre de sa bagnole ; )
Une charmante jeune femme libertarienne que Ronnie et moi accompagnions voyait plus que nous une portée politique à cet opus de Spurlock. Je reste cependant sur ma position, on est franchement loin de Michaël Moore. Et vous avez entièrement raison, c'est un film américain fait par un américain pour des américains.
Quant à Michaël Moore, si certains libéraux et libertariens daignaient rouvrir l'esprit qu'ils ont fermé à toute information étiquetée "gauchiste", ils apprendraient énormément de choses. Certes, le bougre est parfois d'une mauvaise foi crasse, mais j'ai la faiblesse de penser qu'il a souvent quelque chose d'intéressant à dire. Comme pour tout, il faut évidemment faire le tri, ce qui est un excellent remède à la paresse intellectuelle.
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