24.9.04

C'est qu'on s'amuse chez les dictateurs

Il y a un peu plus d'an, je vous emmenais le temps d'une chronique dans l'ancienne Rhodésie, où sévit l'un des plus sanglants dictateurs de la planète. Cet admirateur avéré d'Adolf Hitler - dont il a d'ailleurs adopté la moustache - conserve, malgré un palmarès à faire pâlir d'envie Rudolf Hess lui-même, ses entrées à Paris, où Chirac n'hésite pas à l'accueillir en hôte de marque.

Un vent malicieux m'a fait parvenir une petite épître rédigée par un des rares blancs qui n'a pas encore déserté le pays suite à la politique d'épuration ethnique de Mugabé. Ames sensibles s'abstenir :

C'etait jour de fete ce samedi 18 septembre a Marondera. Cette petite bourgade située a soixante-dix kilometres de Harare, organisait ce jour-là son show agricole annuel, le "Marondera Agricultural Show". Les shows agricoles annuels sont une vieille tradition qui remonte à l'epoque rhodesienne, et chaque ville organise le sien. C'est l'occasion pour les fermiers d'exhiber leurs plus belles tetes de betail. Des prix sont decernes par des Jurys attentifs et professionnels. Sur des arenes de pelouse amenagees a cet effet, des Charolaises, Brahmanes et autres Normandes, de petits rubans noues autour de leurs cornes pour attirer les votes des juges, rivalisent de coquetterie. Les show agricoles sont aussi l'occasion de rejouissances populaires où les notables de la ville applaudissent les défilés de majorettes au son de fanfares locales. Tout se passe dans une atmosphère bon enfant, et les familles qui en ont les moyens s'achètent hamburgers et hot dogs auprès des marchands ambulants.

Seulement voila, pour des raisons sur lesquelles il serait fastidieux de revenir ici, nous n'avons plus de fermiers au Zimbabwe. Conséquence : le "Harare Agricultural Show", le plus important du pays, qui s'est tenu le mois passe, a presenté un total de neuf vaches et taureaux, toutes categories confondues.

Cependant, nous avons des soldats, beaucoup de soldats! Depuis le retour du corps expeditionnaire zimbabween de ses aventures au Congo et en attendant les prochaines elections prevues pour le mois de mars, nos soldats n'ont pas beaucoup d'occupations.

Les organisateurs du "Marondera Agricultural Show" ont donc eu l'idée géniale de demander à l'armée d'organiser une démontration pour le plus grand plaisir des petits et des grands. Toujours soucieuse de son image de marque auprès de la population, l'armee zimbabweenne a immédiatement accepte l'invitation.

Ainsi, c'est avec impatience que le public vit une unite de l'armée se préparer a donner l'assaut à un "ennemi" imaginaire. A 15 heures tout était pret pour le spectacle. Et quel spectacle ! Dans un grand fracas de tirs automatiques et d'explosions, les troupes s'elancèrent. L'emerveillement tourna vite à l'inquiétude, lorsque des membres du public s'ecroulèrent ensanglantes. Quelques instants plus tard, le doute n'était plus permis : une grenade fit explosion au milieu de la foule,
décimant les spectateurs. Ensuite ce fut la panique et le sauve-qui-peut general.

Les organisateurs avaient manifestement omis de préciser aux autorités militaires que pour ce genre de demonstration il ne faut pas utiliser de balles réelles.

Dans une interview au journal le "HERALD" du 20 septembre, un pilote de l'Air Force of Zimbabwe dont l'helicoptere Alouette était exposé au sol, décrit comment il a essayé de s'enfuir apres avoir été touche par une balle a la jambe. "The airman said
it was strange for the soldiers to have fired live ammunition in public". C'est le moins qu'on puisse dire...


L'hebdomadaire du dimanche, "The Standard", fait état de 2 morts et 13 blesses dont 4 enfants. L'helicoptère est tout de meme parvenu a évacuer les blesses les plus gravement atteints. Contacté par le "Herald" pour fournir une explication sur les causes du tragique incident, le porte-parole de la Zimbabwe National Army (ZNA), le Major Masuku a déclaré qu'il n'avait aucun commentaire à faire car il était a Bulawayo pour le week- end.

Selon le "Standard", "The show did not stop despite the incident. It is going ahead but people are apprehensive". Sans blague !


Voilà. C'est ainsi que se passe la vie au Zimbabwe. Quand l'armée ne tire pas intentionnellement sur les civils (c'est comme ça qu'on disperse les manifestations anti-Mugabé là-bas), elle le fait par erreur. Il faut dire aussi qu'ils ont tellement l'habitude, il faut les excuser.

J'espère que Monsieur Chirac ne manquera pas d'inviter à nouveau Mugabé à l'Elysée pour son prochain passage en Europe et de lui serrer la main. C'est un vieux monsieur tout à fait respectable.



1 Commentaires:

Blogger Constantin a écrit...

Il n'est hélas pas le seul dictateur populaire. Il en est un autre qui jouit de la considération d'un nombre affligeant de soi-disant intellectuels. Apparemment, son track record en matière de répression de l'opposition et son régime de quasi-apartheid ne semble pas déranger ceux qui l'admirent. Quand à attendre que l'âge l'emporte, vu la longévité qui le caractérise, on risque d'attendre encore longtemps. Mais bon, tout le monde se contrefout du sort des cubains de base, surtout les pompeux imbéciles qui martèlent que la médecine et l'enseignement sont gratuits là-bas.

27/9/04 09:30  

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