Dimanche sans voiture
Laeken, deux heures du matin. Alain se réveille, par habitude. Inutile de se lever, il ne pourra pas aujourd'hui aller exposer son étal à la brocante dominicale d'Auderghem. C'est la journée sans voiture et la brocante est annulée. Alain se retourne dans son lit sans retrouver le sommeil. Comment va-t-il faire pour payer ses factures de la semaine sans son gagne-pain ?
Woluwe-Saint-Lambert, huit heures du matin. Les yeux bouffis de sommeil, Jean-Albert se lève pour déplacer sa voiture. Ce soir, il doit se rendre avec sa compagne Anne à leur cours de danse de salon dans le centre. A l'heure où le cours se termine, les bus ont cessé de criculer. Comme le rendez-vous est à 19 heures, il ne pourra pas s'y rendre en voiture. La seule solution est donc d'aller garer sa voiture dans le centre avant neuf heures et de rentrer chez lui par les transports en commun. Lui qui adore les grasses matinées du dimanche, le voilà servi.
Bruxelles centre, onze heures du matin. Jean-Pierre, qui a veillé tard hier soir pour terminer un projet important et libérer ainsi son dimanche est tiré de son agréable grasse matinée par un bruit insupportable de techno-beat ronflant. Non loin de son petit appartement dont la chambre donne sur la rue, les habitants de son quartier se sont réappropriés l'espace public en organisant un apéritif festif et citoyen pour célébrer la journée sans voiture.
Chaumont-Gistoux, midi trente. Josiane s'ennuie, seule devant sa télévision. D'habitude, son fils et sa belle-fille viennent manger à la maison avec leurs deux enfants. Elle qui se fait toujours une joie de voir les deux bambins se goinfrer de tarte au sucre pendant que le jeune couple lui raconte les événements de la semaine, il faudra qu'elle passe son dimanche toute seule. "Tu comprends, maman, on ne peut pas sortir de Bruxelles avec la voiture, la police a mis des barrages et il faut une autorisation". Josiane pousse un long soupir. Avec ses problèmes de coeur, elle se demande combien de dimanches elle pourra encore accueillir sa petite famille. Un seul dimanche sans eux, c'est déjà un de trop, à son âge.
Porte de Namur, trois heures de l'après-midi. Une horde de piétons fait du lèche-vitrines le long des boutiques. Ils iraient bien s'acheter, qui une nouvelle paire de chaussures, qui le dernier jeans à la mode. Seulement voilà, la loi interdit aux commerçants d'ouvrir le dimanche.
Place Saint-Jean, même heure. Les commerces sont pleins et leurs propriétaires se frottent les mains. Quelle aubaine d'habiter dans une zone "touristique" et de profiter de la dérogation à la loi sur la fermeture hebdomadaire !
Bruxelles centre, sept heures du soir. Emilio, professeur de danse de salon, accueille les quelques membres de son cours du dimanche qui ont bravé la foule des cyclistes pour venir jusqu'à son local. Même pas la moitié. Ce soir, le prix payé par les participants ne couvrira même pas les frais de location de la salle et Emilio travaille à perte.
Carrefour Léonard, 19 heures. Arsène peste dans les embouteillages. Il revient d'Eghezée où il est allé vendre sa production de kriek artisanale. Tout le monde a postposé son retour à la capitale jusqu'à la levée des barrages de police. Arsène, qui s'est levé à cinq heures du matin, se demande quand il va enfin pouvoir se reposer dans son lit douillet.
Boulevard Reyers, 19h30. Un journaliste pompeux et imbécile se félicite du succès de la journée sans voiture, qui couronne la "semaine de la mobilité". Tout le monde, dit-il, y est allé de son élan solidaire et citoyen.
"Hé, salut hein, flââve peï", grommelle Walter depuis son fauteuil. "Tu crois à ces zieverderaa, peut-être ?"
5 Commentaires:
Encore une fois: bravo pour ce superbe post qui met bien en évidence le chaos du planisme (urbain en l'occurrence) !
Juste un détail: je me demande si Walter aurait dit "salut !" ou "Salluste !" ;)
Entre parenthèses, les citoyens "festifs et solidaires" qui se "réapproprient les rues" développent souvent le même comportement que les automobilistes qu'ils fustigent. Ainsi, Marianne, jeune bruxelloise dans le vent, me confiait qu'elle ne se rendrait pas dans le centre ville cette année : "J'ai failli me faire rouler dessus par des cyclistes à plusieurs reprises l'année passée, ça n'avait rien de festif".
Bref, la semaine de la mobilité et la journée sans voiture seraient plutôt là pour nous rappeler que la voiture est pour beaucoup le moyen de transport le plus pratique et utile, et que le choix est vite fait par comparaison aux autres modes de transport, malgré tous les désavantages que la circulation automobile comporte.
Chacun son jour... Ce dimanche, c'est le tour des pietons...
Prenons notre mal en patience... Ca aurait pu tomber pire... un mercredi, par exemple!
... Et redécouvrons le train pour aller chez bobonne ;-)
ouais c'est pas terrible ce qu'ils se passent là-bas
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