Volkswagen et la névrose socialiste
Entendons-nous tout de suite. La nouvelle du licenciement de deux tiers du personnel de VW Forest est un drame humain et je plains sincèrement les pauvres types qui passeront Noël au chômage. Il n'empêche, cet événement est l'occasion de réfléchir aux incohérences du discours socialiste ainsi qu'à leur méconnaissance de l'industrie automobile. Il constitue par ailleurs un rappel sordide des conséquences des politiques que prônent les chantres du collectivisme belgicain.
Commençons par la méconnaissance de l'industrie automobile. Il semblerait que nos politiciens et nos journalistes découvrent seulement aujourd'hui que l'industrie automobile mondiale est en crise : trop de marques, trop de modèles et trop de capacité de production. Le magazine Trends/Tendances indiquait il y a une ou deux semaines qu'il faudrait fermer l'équivalent de 40 Renault-Vilvorde à travers le monde pour que l'industrie revienne à une capacité de production en ligne avec les possibilités de vente. Les ennuis de General Motors aux Etats-Unis, les sempiternels problèmes de Fiat, la désastreuse fusion de Daimler-Benz avec Chrysler, autant d'événements plus ou moins récents qui nous rappellent que nous avons affaire à un marché en perte de vitesse où quelques catastrophes risquent de se produire. GM, par exemple, est au bord de la faillite.
Quant à la marque créée sous la bienveillante autorité de ce brave Adolf Hitler (hé oui, on oublie trop souvent que la "Volks-Wagen" faisait partie du rêve national-socialiste) elle accumule depuis quelques années les erreurs et les échecs commerciaux. Le lancement raté de la Phaeton, sorte de modèle haut de gamme destiné à concurrencer Audi (ce qui s'appelle "se tirer dans le pied"), Mercedes et BMW, a fait perdre des centaines de millions d'euros à la marque : pour l'année 2004, VW écoule 6.000 Phaeton au lieu des 15.000 que prévoyait le "business plan". Parallèlement, la marque peine à imposer les nouvelles version de son produit-phare. La Golf IV et la Golf V n'arrivent pas à réitérer le formidable succès que fut la Golf III, dont les exemplaires sport, les fameux "GTI", s'échangent toujours à prix d'or sur le marché de l'occasion, malgré leur âge. VW souffre également d'un problème de qualité et de fiabilité. L'application timide de certains principes du "modèle Toyota" ne suffisent pas à résoudre les problèmes de montage. L'usine de Forest, pourtant vantée comme le dernier cri de la technologie, fonctionne toujours avec le principe de la bonne vieille "zone de réparation" : si un problème est constaté sur la chaîne de montage, le véhicule est "marqué", continue son petit bonhomme de chemin, puis dépiauté et réparé en fin de parcours. Chez Toyota, par contraste, chaque ouvrier a le pouvoir d'arrêter le défilement de la chaîne de montage et de régler le problème constaté (il est même récompensé pour cela). Le résultat est une qualité moyenne largement supérieure. Toyota peut se permettre sans problèmes d'offrir cinq ans de garantie totale à ses clients, le peu de voitures problématiques rend le coût de cette mesure insignifiant.
Bref, l'industrie automobile non-nipponne est en crise, et VW ne fait pas exception à la règle. Il était clair pour les observateurs que les dirigeants allaient devoir "sabrer" et réduire la capacité de production du groupe. C'est là que l'illusion socialiste et le protectionnisme, boomerang idéologique de nos édiles, leur revient en pleine poire. Petit flashback : il y a quelques mois, Interbrew, ou plutôt InBev, délocalise une partie de ses services financiers, d'achats et d'exportations en Hongrie et en Tchéquie. A l'époque, les politiciens, tels de joyeux petits Gavroche, montent sur les barricades et s'en donnent à coeur joie. "C'est un scandale !", "Inbev est devenu un groupe international qui oublie ses racines". Vilains, méchants ! L'indignation, ça vend bien, et le protectionnisme primaire attire l'électeur. Nos braves politiciens peuvent se réjouir, car VW les a entendus et n'oublie pas ses racines : "Deutshland über alles !". Et les mêmes politiciens, dociles petites girouettes, d'accuser VW de nationalisme et de protectionnisme. Ils n'ont pas tort. L'usine de Forest, pourtant classée deuxième dans le groupe en termes de productivité passera à la trappe. Aucne logique industrielle là-dedans, simple réflexe nationaliste (qui, entre parenthèses, coûtera de l'argent aux actionnaires de VW). Nos politiciens ont juste la mémoire courte et oublient qu'eux-mêmes prônent la même attitude dès qu'il s'agit d'entreprises belges. Je doute fort cependant que le cas VW leur rappelle enfin que le protectionnisme, ou, pour parler la langue de bois, le "nationalisme économique", est une idéologie néfaste à double tranchant.
La fermeture de l'usine de Forest nous rappelle également à une autre réalité que nos politiciens peinent de plus en plus à celer. La Belgique, grâce à cent ans de politiques collectivistes, est à présent en voie de tiers-mondisation. Une des plus puissantes économies mondiales au début du siècle, malgré sa taille réduite, elle est devenue le symbole de la déroute de la social-démocratie. Son taux de chômage, malgré les sordides manipulations des statistiques officielles, est parmi les plus élevés d'Europe. Les charges qui pèsent sur le travail sont gigantesques (un travailleur coûte en moyenne à son employeur 2,5 fois le montant de son salaire net). Ce qui reste du secteur secondaire est condamné à disparaître plus ou moins rapidement, même dans les segments à haute valeur ajoutée. L'opposition stupide menée par les socialistes belges à la directive Bolkestein empêchera hélas la Belgique de profiter pleinement de son passage au tertiaire. Son marché intérieur est trop petit, à l'inverse des marchés allemands et français, et les restrictions aux exportations de services risquent fort de freiner la transition vers le tertiaire, laissant toujours plus de chômeurs sur le carreau. Le Titanic social-démocrate a heurté l'iceberg de la réalité économique. Combien de temps avant que nos dirigeants admettent enfin que bateau Belgique sombrera corps et biens en l'absence de mesures drastiques ?