25.8.05

Libéralisme ?

Beaucoup parmi les non-libéraux, y compris les conservateurs ou les socio-démocrates qui se prétendent libéraux, ont une idée fausse de ce qu'est le libéralisme. L'International Society for Individual Liberties a préparé une animation flash qui vaut beaucoup mieux qu'un long discours pour expliquer ce dont il s'agit vraiment.

La minute de Pierre Poujade (II)

Un gentil lecteur qui souhaite rester anonyme m'a fait parvenir une missive édifiante :

Cher Constantin,

C'est avec plaisir que j'ai lu votre dernière chronique intitulée "La minute de Pierre Poujade".
Ayant eu de l'information de première main sur le système des collaborateurs, j'ai jugé intéressant de vous en faire part.

Absolument aucune condition n'est requise pour devenir collaborateur administratif (pas de diplômes, ...). Cette fonction étant barémisée, ceci signifie que le salaire est à priori assez bas (grade de la fonction publique peu élevé vu l'absence de diplômes requis).

Pour compenser la faiblesse de la rémunération, on considère que tous les collaborateurs ont une ancienneté equivalente à celle qu'ils auraient eue s'ils avaient débuté dans leur fonction à l'âge de 18 ans. Ceci est totalement indépendant de leur anciennété réelle. Dans la fonction publique, l'ancienneté est un élément majeur du barème salarial, cette mesure permet d'augmenter substantiellement les émoluments des collaborateurs.

Mais le plus beau arrive.

Les collaborateurs n'ont aucune obligation ni de moyen, ni de résultat, ..., ni même de présence !
Certains parlementaires ont du coup recours à l'astuce suivante: engager un membre de leur famille (rien ne l'empêche) pour travailler fictivement tout en cumulant ou non un autre emploi (rien de l'empêche).

Par contre, le salaire perçu pour le travail inexistant n'est, lui, pas du tout fictif. Ce qui fournit donc aux parlementaires indélicats un moyen simple, légal et efficace d'augmenter le revenue familial d'un salaire confortable sans le moindre effort.

En l'attente du plaisir de lire vous nouvelles chronique, je vous prie, cher Constantin d'accepter l'expression de mes sentiments les meilleurs.



Est-il besoin de commenter ?




18.8.05

La minute de Pierre Poujade (I)

Vacances aidant, l'Empire de Constantin s'était quelque peu laissé aller, mais la rentrée parlementaire approche et, pour fêter cela, nous allons inaugurer une nouvelle petite rubrique récurrente : la minute de Pierre Poujade(1). Nous y parlerons, vous vous en doutez, de tout ce qui me vaudra grincements de dents et attaques ad hominem, et en particulier de ceux parmi les vols pratiqués par les hommes de l'Etat qui m'énervent au plus haut point. Une fois n'est pas coutume, point d'ironie sarcastique, point de commentaires fielleux, je me contenterai, dans "La minute de Pierre Poujade", de vous livrer les faits et les chiffres.

Aujourd'hui, pour le premier épisode, nous allons nous intéresser à la rémunération des parlementaires fédéraux. Un vent favorable a apporté sur mon petit bureau un article du magazine Trends/Tendances daté de mars 2004 qui traite justement de la question.

L’indemnité parlementaire brute - c’est ainsi que l’on désigne le traitement d’un membre de la Chambre – est de 70.604,91 euros par an. La Chambre verse 8,5 % de ce montant à la Caisse de pension des députés. Le solde, 64.603,49 euros par an, est intégralement imposable.
Les membres de la Chambre reçoivent en outre un pécule de vacances 2.211 euros brut et une prime de fin d’année de 1.123 euros brut. A l’indemnité parlementaire s’ajoute une indemnité forfaitaire destinée à rembourser les frais qu'entraîne la fonction de parlementaire. Cette indemnité s’élève à 28% du montant brut de l’indemnité parlementaire et n’est pas imposable.

Les membres de la Chambre bénéficient en outre de la gratuité des transports en commun en Belgique. S'ils préfèrent utiliser leur voiture pour se rendre au parlement, ils reçoivent une indemnité non imposable de 0,25 euro par kilomètre pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail, sur la base de 120 trajets aller et retour par an.

A l’expiration de son mandat, le député a droit à une indemnité de départ. Le parlementaire sortant perçoit, par année de mandat parlementaire, deux mois d’indemnité parlementaire, avec un minimum de 12 et un maximum de 48 mois.


Résumons si vous le voulez bien : un député, donc, gagne 64.603,49 euros brut. Rajoutons-y pécule et prime, et nous obtenons une rémunération imposable de par an, ceci sans compter le pécule de vacances et la "prime de fin d'année", cela nous donne 67.937,49 euros. Au barème actuel, et en l'imaginant marié avec deux enfants et en comptant des centimes additionnels, cela nous fait un total annuel net de 37.674,78 euros, soit environ 3.139,57 euros net par mois.

A cela s'ajoute, nous dit-on, cette fameuse indemnité forfaitaire non imposable de 19.769 euros.

Nous en sommes donc à 57.443,78 euros net par an. Auquel un rapide calcul nous permet d'ajouter 60 euros net par an par kilomètre séparant le domicile légal du parlementaire du Parlement. Mais ne chipotons pas pour si peu. Quoi que, s'il faut en croire Trends/Tendances, certains parlementaires ont pris l'habitude de se rendre en train au Parlement mais continuent à déclarer qu'ils viennent en voiture afin de percevoir l'indemnité. Comme promis, pas de commentaire.

Ce revenu entraîne-t-il une obligation de présence ? Oui, aux séances plénières en cas de vote. Autrement dit, une fois par semaine pour quelques heures. Quant aux "sanctions" proprement dites, elles suivent un barème curieux. 20% d'absences entraînent une diminution de la rémunération de 10%. 50% d'absences une diminution de 40%.

Certains parlementaires, cependant, sont pris d'une envie de travailler malgré tout et exercent des fonctions supplémentaires. Leur exercice est également rémunéré, par un supplément de 11 à 72% par rapport à l'indemnité parlementaire de base. Les présidents d'assemblée, chefs de groupes et présidents des collèges des questeurs bénéficient ainsi de 20.000€ de revenus supplémentaires ainsi que d'un remboursement de frais supplémentaire de 12.000 euros. Quant aux questeurs (qui s'occupent du fonctionnement et des finances de l'assemblée), ils perçoivent une rémunération supplémentaire de 17.000€ et un supplément de remboursements de 10.000 €. Les présidents des nombreuses commisssions parlementaires peuvent eux compter sur une augmentation de 7.500€ (revenus) et de 4.500€ (frais).

Chaque parlementaire peut également engager, aux frais du Parlement, un collaborateur administratif, et chaque groupe politique de minimum cinq élus peut engager un collaborateur universitaire par parlementaire. Cela nous fait donc deux assistants rémunérés par parlementaire.

Avant de clôturer cette première rubrique, je m'en voudrais de ne pas mentionner ce qui se passe à la fin d'une législature. En effet, le parlementaire qui a eu la malchance de ne pas être réélu perçoit une "indemnité de départ" égale à deux mois de rémunération, soit 10.767,25 euros, par année d'ancienneté. L'indemnité minimale est de un an de rémunération (donc six ans d'ancienneté, même si le parlementaire en question n'est resté que le temps d'une seule législature), soit 64.603,49 euros bruts de "prime de licenciement". Enfin, ne nous plaignons pas, l'indemnité est limitée à 48 mois de salaire (24 ans d'ancienneté).


Voilà. A présent vous savez presque tout sur ce que gagnent nos parlementaires. Pourquoi presque tout ? Et bien, la Chambre vient de publier au Moniteur Belge la liste des mandats rémunérés et bénévoles occupés par nos élus. Le moins que l'on puisse dire est que cette liste est instructive. Certains parlementaires sont champions toutes catégories du cumul de mandats rémunérés. Vous en trouverez la liste sur le site du Moniteur Belge. Bonne lecture !




3.8.05

Pornographie et responsabilité

Certains lecteurs de ce petit coin de toile - dont mon ami Arsène le brasseur - m'ont fait remarquer que la chronique sur les "victimes" de Philippe Servaty semblait fort éloignée des sujets habituellement traités par votre serviteur. Est-ce le cas ? Pour reprendre l'expression utilisée par le parolier anglais du dessin animé Transformers, "there's more than meets the eye".

A travers ce fait divers somme toute peu ragoûtant, j'ai en effet voulu traiter différemment d'un élément essentiel des philosophies libérales et libertariennes : la notion de responsabilité individuelle. Cette notion est souvent travestie ou dissimulée par la rhétorique collectiviste qui sous-tend l'actuelle "pensée unique" dans laquelle - hélas - les médias contemporains excellent. Leur fonction de "décryptage de l'actualité", comme ils aiment à l'appeler, se borne souvent à réduire une situation toute en nuances à un chromo manichéen dans lequel il y a un méchant tout noir et un gentil tout blanc. Dans le cas qui nous occupe, Servaty est donc devenu le vilain méchant pornographe qui s'est attaqué à de blanches colombes sans défense pour les sodomiser sauvagement avant de les prendre en photo non sans leur avoir au préalable copieusement arrosé le visage de sa semence(1). La réalité n'est cependant pas aussi simple. Certes, Servaty a probablement baratiné d'importance les donzelles qu'il a séduites; certes, il aurait dû savoir que la publication des photos qu'il a prises entraînerait de fâcheuses conséquences pour ses "conquêtes"; certes, il aurait donc dû s'abstenir de les publier sur un forum. Mais ne laissons pas l'arbre cacher la forêt : en toile de fond se profile un Etat marocain passéiste et rétrograde qui se mêle de la vie privée de ses citoyens de façon intolérable. Et, accessoirement, les "victimes" de Servaty, n'en déplaise aux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ont une part de responsabilité dès lors qu'elles ont accepté de se prêter aux fantasmes de leur séducteur.

Pourquoi insister autant sur la part de la responsabilité, si menue soit-elle, de celles dont la presse a fait des victimes ? Précisément parce que dans notre société, la déresponsabilisation a été érigée en système. Le gouvernement et les média exigent des boucs-émissaires sur lesquels déchaîner leur courroux. Les conversations de comptoir, les débats télévisés et même les soi-disant "débats intellectuels" suintent de cette mauvaise foi qui simplifie les situations et désigne des coupables à la vindicte générale. Nous n'en sommes pas encore à la "minute de la haine" imaginée par George Orwell dans 1984, mais nous en prenons le chemin.

Pourtant chacun sait, car nous l'apprenons tout jeunes encore, nous portons seuls la responsabilité de nos actes, si innocents, mal informés ou malchanceux soient-ils. Si, en aidant un ami à déménager je laisse échapper le vase que lui avait légué sa défunte grand-mère, j'en suis seul responsable. Certes, mon ami m'a demandé son aide, mais en fin de compte je suis celui dont la maladresse est la cause du désastre. Si j'ai un instant de distraction au volant et que je brûle un feu rouge, je serai responsable en cas d'accident. Même si la distraction était causée, disons, par une violente dispute avec ma passagère. Si je me laisse berner par une demoiselle qui me fait croire au grand amour et me plante là après avoir siphonné mes comptes en banque, il peut être confortable de lui attribuer l'entière responsabilité de la situation, mais il n'en reste pas moins vrai que je me suis laissé berner et que j'ai donc été en partie l'artisan de ma propre perte.

Il est évidemment commode de trouver pour chaque situation un bouc émissaire. Mon égo se sent tellement plus réconforté quand je me persuade que mon ami est vraiment chien de m'en vouloir, puisqu'après tout j'étais en train de l'aider, que c'est à cause de ma femme que j'ai sinistré ma nouvelle voiture, que c'est cette allumeuse qui a tout manigancé pour me faucher mon oseille. C'est même si tentant que plus d'un y succombe. Hélas, comme le font fort justement remarquer les bouddhistes et les hindouistes à travers la notion de karma, les conséquences de nos actes finissent toujours par nous rattraper. Si nous n'assumons pas sur le moment cette responsabilité, nous parviendrons peut-être à berner les autres, mais pas à nous mentir à nous-mêmes. Si profondément enfouie soit-elle sous la pile de mensonges et d'approximations dont nous la recouvrons, la connaissance de notre responsabilité finit toujours d'une manière ou d'une autre par nous ronger. C'est pourtant ce que l'Etat et les média tentent actuellement de nous apprendre à faire : nous mentir à nous-mêmes, fuir nos responsabilités, poser en victimes de coupables dont l'expiation est censée nous purger de nos névroses. Qu'un gamin s'empare d'une arme aux Etats-Unis pour massacrer la moitié de son école et les média accusent la violence au cinéma et dans les jeux vidéos. Qu'une bande de jeunes fasse subir les pires outrages à une demoiselle lors d'une "tournante" et c'est la pornographie en vente libre que l'on montre du doigt, quand ce n'est pas la pauvre fille elle-même, qui n'avait pas à s'habiller de façon sexy, comme si elle "n'attendait que ça". Qu'un quidam cambriole une banque et c'est la "société de l'argent facile dont tant de gens sont exclus" qu'on vilipende. Que des jeunes des banlieues parisiennes incendient des voitures le jour de l'an et c'est "la fracture sociale" que l'on stigmatise.

Vivre libres, c'est vivre responsables. Liberté et responsabilité sont les deux faces d'une même pièce, les deux dimensions de notre condition d'humains. Abdiquer notre responsabilité c'est abandonner un peu de notre liberté. Et c'est aussi perdre un peu de notre humanité. Un jour, nous serons enfermés dans une cage que nous aurons nous-même aidé à fabriquer. Et il sera trop tard pour réagir.






(1) L'insertion de cette phrase a pour unique objectif de faire bisquer le pleutre anonyme qui m'a traité de "sale merde machiste" dans les commentaires de l'affaire Servaty. Le lecteur voudra bien me pardonner ce petit mouvement d'humeur, mais l'impolitesse et la rustrerie me répugnent et je tenais à marquer le coup d'une façon qui ne manquera pas je l'espère de faire enrager l'impertinente et vulgaire grenouille de bénitier qui se mêle de me faire la morale.