30.6.03

Le capitalisme bien compris




J’entendais ce matin sur les ondes de la radio bolchévique une interview d'Antoine gallimard, petit fils de Gaston Gallimard, éditeur et fondateur de la « maison » Gallimard. Il y dépeignait son grand-père en des termes d’une simplicité et d’une force remarquables. Si je me souviens bien, cela ressemblait à : « c’était un homme qui avait la conviction que les jeunes auteurs qu’il acceptait de publier deviendraient un jour célèbres et rapporteraient à ce moment de l’argent à sa maison d’édition. »

Admirable définition de l’entrepreneur capitaliste, d’autant plus frappante qu’elle émane d’une personne exerçant sa profession dans un secteur étatisé à outrance, la culture. Loin des clichés démagogiques de cette gauche qui cherche toujours à discréditer le capital, voici découvert le vrai visage de l’entrepreneur : une personne qui fait des choix et accepte d’y consacrer son argent sans savoir au moment où il le fait si l’aventure le ruinera ou l’enrichira. Du flair de monsieur Gallimard a dépendu le succès de son entreprise. Vu la taille acquise par cette dernière, ce flair devait être excellent.

Chaque entreprise commerciale dans le monde fonctionne, à peu de choses près, selon les mêmes règles : tenter de définir le produit qui satisfera les consommateurs, et prendre ensuite le risque de le produire et de le commercialiser. Bien sûr, dans le cas de grandes sociétés, cette prise de risque se fait de façon scientifique, à l’aide d’études de marché sophistiquées destinées à éliminer autant que faire se peut le risque d’échec commercial, mais le principe reste le même : l’entrepreneur qui a du succès est celui qui a su servir le consommateur comme ce dernier le demandait, au prix qu’il était prêt à payer, et qui a au passage réalisé un profit. Ce profit, loin d’être honteux, représente la juste contrepartie, pour le propriétaire de l’entreprise, des risques qu’il a pris dans l’exercice de son activité. Quoi de plus moral ? Même les soi-disants « spéculateurs » boursiers obéissent à cette règle. Prenez ceux qu’on appelle les « arbitragistes ». Ces gens, actifs notamment sur le marché des changes, rendent un service immense, car c’est grâce à leur action que les cours des différentes monnaies s’équilibrent harmonieusement. Ils traquent la moindre différence de cours relatif des différentes monnaies (par exemple, une différence entre les cours du dollar par rapport au yen et du yen par rapport à l’euro et celui de l’euro par rapport au dollar) et achètent ou vendent des devises pour exploiter cette différence lucrative. Petit à petit, par l’effet de la loi de l’offre et de la demande, la différence s’amenuise et les cours s’équilibrent. Avec comme résultat un marché entièrement cohérent. De même, les individus ou les sociétés qui « spéculent » sur une hausse ou une baisse des taux d’intérêts permettent, grâce aux diverses opérations qu’ils vont effectuer pour tirer un profit de la baisse ou de la hausse consécutive du cours des actions, que l’ajustement de ce cours s’effectue de façon étalée dans le temps. S’ils ont correctement anticipé le mouvement des taux, ils feront un profit. Si leur flair les a abandonnés, ils feront une perte. Poursuivant leur propre intérêt, ils concourent à l’intérêt général, et en retirent de quoi subsister confortablement.


27.6.03

Rosa, rosa, rosam ...





Dans le dossier enseignement du Soir en ligne, une interview de Marcel Crahay, docteur en sciences pédagogiques, nous apprend que la "concurrence" entre établissements est néfaste. En clair , nous jouissons en Belgique d'une situation privilégiée - notamment en comparaison de nos voisins français - car les parents ont le libre choix de leur école, alors qu'en France (ou aux Etats-Unis, d'ailleurs, en ce qui concerne les écoles publiques), les parents sont obligés d'inscrire leurs rejetons dans l'école dont dépend leur domicile. Selon l'éminent M. Crahay, cela est mal, très mal. En effet, cette situation scandaleuse dont jouit la Belgique entraîne, ô horreur, une concurrence entre établissements scolaires sur la qualité de leur projet pédagogique. Tout le monde le sait, dans le bréviaire du parfait petit collectiviste, la concurrence est un terme impie, frappé du sceau de l'infamie et, autant le dire tout de suite, la porte ouverte à une dérive ultralibérale. Ou quelque chose du genre. Ce brave Marcel Crahay en a froid dans le dos.


Passons sur son interview, que vous pourrez lire si vous êtes curieux en utilisant le petit lien en tête de paragraphe précédent. Cette intervention, ainsi que l'actuel déclin de la qualité de l'enseignement me paraît une excellente occasion de vous entretenir de cet épineux sujet. Incubateur des adultes de demain, l'école est un modèle réduit de la société, avec ses travers et ses bons côtés. Les élèves y amènent leurs attentes et leur vécu, et l'on y trouve donc pêle-mêle la société d'aujourd'hui et celle de demain. C'est là aussi que les carences de notre modèle de société se cristallisent et se prêtent à l'observation et à l'analyse.

Bien que le sujet ait été maintes fois abordé, un des premiers traits saillants de la vie dans un établissement scolaire est le peu de cas que les parents et leur progéniture font du travail et de l'opinion du professeur. Les possibilités de recours contre une décision de conseil de classe sont nombreuses, et les élèves et leurs géniteurs fort bien informés de leur fonctionnement. Du coup, ils dépensent une énergie considérable à faire jouer ces mécanismes de sauvegarde, énergie qu'ils eussent plus utilement consacré à l'apprentissage de leurs leçons. Toutes les excuses sont bonnes, même les mensonges les plus patents, pour tenter de faire jouer le système en leur faveur. Ce phénomène met en exergue l'évolution actuelle de notre société, où la moindre sanction d'une faute donne lieu à une recherche des droits dont la "victime" de la sanction dispose. Point de réflexion sur la nature néfaste du comportement incriminé, ce serait sans doute une perte de temps. Cela me rappelle cet avocat pénaliste de ma connaissance qui m'expliquait encore récemment qu'une part importante de ses clients estimait que le travail d'un avocat consistait à faire libérer le plus rapidement possible la personne inculpée, que cette dernière soit ou non coupable. Là non plus, pas de réflexion sur le délit. Les prévenus ont droit à la liberté indépendamment des faits qu'on leur reproche, même en cas de flagrant délit. Curieuse attitude qui pourtant ne choque pas plus que cela.

Une autre caractéristique fascinante est le manque de vision à long terme, conjugué à un sens plus que flou des rapports de causalité entre les événements. L'équation mauvais comportement = sanction = punition n'a plus cours dans les écoles. L'élève qui aurait par exemple insulté un professeur estime que l'expression de ses regrets devrait suffire à lever la sanction. Un peu comme l'accusé lors d'un procès pénal se sent presque obligé de murmurer au juge qu'il regrette, qu'il ne le fera plus, qu'il s'excuse, etc ... Le manque de vision à long terme est patent dans l'anecdote suivante qui m'a été livrée par un ami enseignant : quelques élèves, déclarés "élèves libres" (le jargon enseignant pour désigner des élèves soumis à l'obligation scolaire mais qui ne seront pas évalués ni délibérés à l'issue de l'année scolaire) pour de trop nombreuses absences injustifiées, ont introduit un recours auprès du ministère afin de faire casser cette décision. Persuadés de leur "bon droit", ils arrivent à leurs fins et sont réintégrés. Pour échouer lamentablement quelques semaines plus tard aux examens et doubler leur année. Préoccupés sans doute de l'avancement de leur procédure de recours, ils avaient négligé d'étudier convenablement, voire de mettre leurs cours en ordre après leurs nombreuses absences. Curieux aveuglement...

Bien d'autres rélfexions me viennent à l'esprit en rédigeant cette chronique, je vous propose de les reprendre dès demain.


23.6.03

Brèves de comptoir



Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de vous entretenir d’une foule de sujets. Fidèle à ma longue tradition de paresse, je n’ai cependant nullement envie de pondre plusieurs chroniques longues et documentées sur les divers événements de l’actualité qui ont attiré mon attention, c’est pourquoi je me livrerai à la discipline nettement moins fatigante et tellement plus défoulante des brèves de comptoir . Outre un exercice de style amusant, ce sera ma réponse du berger à la bergère à l’arriéré profond qui juge ma prose digne du « Café du Commerce ». Vous êtes prêts ? C’est parti !

José Bovin, le chantre de la contestation imbécile et décervelée, vient d’atterrir en prison. Tant mieux. Là au moins ce poujadiste ne risque pas d’endommager la propriété de concitoyens pacifiques.


Le gouvernement de la Communauté Française Wallonie-Bruxelles sauf Rhode-Saint-Genèse (enfin, quelque chose dans le style, ces sobriquets à rallonge m’ennuient profondément et je refuse de faire l’effort de retenir l’appellation exacte), ont décidé une fois de plus d’outrepasser leurs compétences et de pénaliser un victimless crime de plus. Mon estimé confrère Aristophane Triboulet avait déjà consacré un article iconoclaste au dopage en milieu professionnel. Voilà que dans leur grand courage, nos édiles jugent à présent bon de légiférer sur le dopage chez les sportifs amateurs. Il faut paraît-il les protéger des dangers de l’abus de produits dopants dans la pratique de leur hobby. On attend avec impatience une prochaine loi réglementant la vente du Red Bull dans les stations-service de bord d’autoroute et un arrêté fixant la quantité maximale de café pouvant être consommée par un employé du bureau au cours d'une matinée de travail.


Je lis dans Le Soir en ligne que le futur gouvernement belge veut stimuler les ménages, le secteur des transports ainsi que le monde de l'industrie et des entreprises en vue d'atteindre les objectifs de Kyoto de réduction des émissions en CO2. Il s'agit d'une première possibilité d'engranger des recettes, a indiqué Guy Verhofstadt. L’écologie, c’est bien quand ça rapporte, en somme. Mais ce n’est pas de la pression fiscale puisque le citoyen n’a qu’à laisser sa voiture au garage et prendre les transports en commun, le vélo ou les patins à roulettes ou que sais-je encore. Quelle mansuétude !


A ce propos, je me demande entre parenthèses comment Electrabel va réussir à réduire ses émissions de CO2 tout en sortant progressivement du nucléaire. Je sens que la proverbiale créativité belge va encore trouver à s’exercer. A titre purement désintéressé, je me permets de contribuer à la réflexion sur ce problème épineux en offrant cette suggestion économique et peu polluante : il n’y a qu’à jucher les 10.000 futurs licenciés de la SNCB sur des vélos d’appartement branchés sur des dynamos. D’accord, ça sentira un peu la sueur, mais la sauvegarde de l'emploi et de l’environnement ne vaut-elle pas de supporter quelques effluves de dessous d’aisselles ?


Avec la prochaine refonte de la loi d’incompétence universelle, qui suit de peu les déclarations sur la publicité sur le tabac en Wallonie avant 2007 (vous remarquerez le caractère extrêmement précis des débats de nos édiles) et celles sur la sortie du nucléaire, qui reviendra apparemment par la fenêtre maintenant qu’Ecolo a débarrassé le plancher (en maintenant cependant une bonne isolation de la maison parce que sinon avec les courants d’air que ça fait il faudra pousser la chaudière et on n’arrivera jamais à respecter Kyoto), les politiciens belges ont réinventé le mouvement perpétuel : ils votent, ils abrogent, ils votent, ils « refondent », ils votent … Mais au fait, pourquoi votent-ils encore ? Qu’ils arrêtent simplement de voter des lois idiotes et imbéciles, il y en a déjà suffisamment. Ca nous fera des vacances, vous ne pensez pas ?


Je terminerai par un coup de chapeau à l’excellent périodique The Economist qui, fidèle à sa tradition de prises de position hardies, nous suggère un excellent espace de rangement pour la nouvelle constitution européenne, qu’ils n’hésitent pas à traiter de «lamentable piece of work » . Et de poursuivre en suggérant que la prochaine conférence intergouvernementale s’empare de cette proposition de constitution et ne la garde que le temps de la jeter dans le bac à ordures le plus proche. Baste, cette conférence constitutionnelle aura au moins eu une conséquence amusante : celle d'entendre à nouveau notre bon vieux "brabantse trekpaard" de Vilvoorde prononcer "poulitique de l'empoi" sur les radios de la RTBF (ou faut-il dire RTBCFWB ?)



21.6.03

L’arroseur arrosé ...




« Il ne faut pas rire du malheur des autres », dit l’adage. « Sauf si c’est drôle », c’est empressé d’ajouter un humoriste facétieux. C’est pourquoi je vous propose, chers lecteurs, de nous payer ensemble une pinte de bon sang aux dépens du pachyderme suffisant qui sert habituellement de ministre des affaires étrangères à ce plat pays dont la capacité à utiliser en guise de porte-parole hors de ses frontières des pantins lamentables qui font bien peu pour la crédibilité du pays ne laisse pas de m’étonner. Pour nos yeux ébahis et nos zygomatiques en mal d’exercice, le* voici qui nous propose le célèbre numéro de l’arroseur arrosé (un sketch qui, si je ne me trompe, fut filmé pour la première fois par les frères Lumière eux-mêmes).

Un parti politique flamand, lui-même gros producteur à ses heures d’hippopotames tonitruants, a déposé plainte contre Louis Michel en vertu de la loi de compétence universelle. Motif : les ventes d’armes au Népal. Passons sur le côté amusant de voir un parti catholique défendre une guérilla communiste, qui elle n’a apparemment aucun mal à se procurer des armes, voir Louis Michel dans le rôle de l’accusé a de quoi faire rire le plus sérieux. Et quoi, notre pourfendeur des « vilains pas humanistes » comme Pinochet, les vilains génocidaires du lointain Rwanda (où, faut-il le rappeler, les blacks s’abattent**), Ariel Sharon et même Tony Franks, le commandant en chef des forces américaines en Irak, serait lui-même poursuivi ? Celui qui la défendait à cor et à cri en dépit du risque manifeste de voir les farfelus les plus divers s’en servir pour casser les pieds de ceux qui ne leur plaisent pas (les deux derniers exemples cités) devrait-il se plier à l’ignominie du statut de victime de la loi la plus ridicule de l’histoire ? L’hilarité nous gagne, et elle est justifiée.

Passons même sur les conséquences économiques de certaines plaintes farfelues, dont mon ami Melodius nous entretient dans sa dernière chronique, il est temps d’abroger ce lamentable morceau de législation à la belge. Outre qu’elle viole le principe de séparation du povoir exécutif et du pouvoir judiciaire (en autorisant le gouvernement à « transférer » certaines plaintes devant les tribunaux du pays de l’accusé (une manière élégante de lui faire prendre la direction de la corbeille à papier), il y a quelque chose d’indécent à voir ce pays, déjà incapable d’assurer à ses citoyens une justice rapide, augmenter encore l’engorgement de ses tribunaux en s’instituant compétent pour n’importe quel crime contre l’humanité commis sur la planète. Tout cela avecl’argent du contribuable, qui, à tout faire, préfèrerait sans nul doute qu’on s’en serve pour remédier aux multiples dysfonctionnements d’un système qui craque de partout.

Espérons que ce dernier épisode, aboutissement du ridicule paradoxe judiciaire que constitue la loi de compétence universelle, apportera au législateur la volonté d’appliquer la récente loi sur l’euthanasie à ce texte de loi qui a clairement fait la preuve de son inanité.



* les lecteurs abrutis ou ouvriers ayant des difficultés à retrouver le sujet de cette phrase me copieront cent fois "Constantin n'aime pas être compris du peuple".

** ce calembour prouve qu'on peut être à la fois un pompeux libertarien et un fan de hard-rock



18.6.03

Excellente initiative !



Alors que j'écoutais distraitement la radio bolchévique ou un reporter débitait tristement son tombereau quotidien de fadaises, mon attention fut attirée par une information peu banale : le gouvernement sortant a passé un arrêté royal autorisant les communes à facturer le coût du maintien de l'ordre lors des rencontres de football disputées sur leur territoire au club organisateur. Levée de boucliers à l'Union Belge de Football, comme de bien entendu, puisque les clubs aimeraient bien continuer à profiter de l'argent du contribuable au lieu de devoir financer tout cela eux-mêmes.

Mon premier mouvement a été d'applaudir des deux mains l'arrêt de ce gaspillage éhonté de mon argent afin de soutenir un sport pour lequel j'ai à peu près autant d'intérêt que Michel Daerden pour l'eau gazeuse. Après tout, il est logique que les clubs de sport paient pour ce service, me dis-je en mon for intérieur, car j'adore ma conversation. Mais à tout bien réfléchir, la question est plus vaste qu'il n'en a l'air. Et tout d'abord, qui me dit que les impôts et taxes diverses versés aux receveurs communaux par lesdits clubs ne font pas plus que compenser l'organisation de la sécurité autour des stades ? Mais même si tel était le cas, de quel droit un club de football se verrait-il octroyer le privilège exorbitant de récupérer avec la main droite l'argent donné par la main gauche ? Et ainsi de suite jusqu'à l'infini ...

Finalement, la vraie question est ailleurs. Si l'on admet - et cela me paraît d'une logique irréfutable - qu'un club de football devrait supporter la charge de l'organisation de la sécurité autour des matchs, quitte à répercuter le coût de celle-ci sur le spectateur via le prix du billet, il est par contre moins logique de ne pas lui laisser le choix du fournisseur chez qui se procurer ce service. Ce serait le livrer pieds et poings liés aux pratiques prédatrices d'un monopole d'Etat, et l'on a vu à quel point l'ancienne RTT a pu abuser de sa position. La suite logique serait donc d'autoriser les clubs à se fournir auprès de sociétés privées et en concurrence. Et donc de déréguler les services de police dans notre beau royaume. Excellente initiative, monsieur le premier ministre ! Vous verrez qu'avec un peu de patience, nous finirons par l'obtenir, notre société libertarienne !


La France bat en retraite ...



A ceux qui croient sans en avoir les preuves que cette histoire de grévistes "qui se battent pour tout le monde" dans cette république bananière qui s'étend au Sud du plat pays a des relents de fumisterie, je conseille vivement la lecture du dernier post sur le blog liberté . Son auteur y fait un résumé du livre d'Alain Madelin, "Quand les autruches prendront leur retraite". Attention, la lecture de cet article peut avoir des effets désagréables, comme par exemple d'être pris de nausées à la vue d'un syndicaliste français.





17.6.03

President Evil…




L’Empire de Constantin vous proposait il y a quelques semaines une ballade du côté de la Tunisie, cette dictature méditerranéenne où les opposants sont tranquillement mis en prison et torturés afin de ne pas déranger le tourisme ou la quiétude du président Ben Ali. Une gentille lectrice m’avait d’ailleurs fait part à l’époque des mésaventures de l’ancien maire de Tunis, mis en prison pour avoir critiqué le régime. Dans sa geôle, en guise de punition sans doute, ses gardiens se sont mis en tête de lui prouver à quel point le régime était excellent pour la santé, et quand, quatre ans plus tard, l’action d’Amnesty International parvenait enfin à le faire libérer, le pauvre hère avait perdu 35 kg. Ce qui prouve que Ben Ali est bien plus efficace que Montignac. C’est sans doute le climat …

Il est un autre pays avec lequel la France entretient sans honte des relations amicales alors que les manifestations y sont réprimées à balles réelles (une technique fort efficace pour disperser la foule), que les commerçants qui font grève se voient retirer leur licence d’exploitation, et que le candidat de l’opposition aux récentes élections présidentielles fut inculpé après les élections de haute trahison et de quelques autres chefs d’accusation plus ou moins fantaisistes. Etant donné que les miliciens du président ont récemment passé à tabac le dernier juge de la Cour Suprême qui s’obstinait encore à déclarer anticonstitutionnelles les lois de plus en plus frafelues votées par le Parlement (où l’opposition brille par son absence), forçant ce pauvre homme à démissionner, je suppose que ce brave Morgan Tsvangirai risque de passer quelque temps à l’ombre. Ce qui, il faut bien le reconnaître, constitue une touchante attention de la part de Robert Mugabe, car le soleil frappe fort sous ces latitudes. Les gêoliers aussi d’ailleurs.

Au Zimbabwe, puisque c’est bien de l’ancienne Rhodésie qu’il s’agit, le président a décidé de faire mieux que Benali : il a mis toute la population au régime. Sa remarquable politique de « redistribution des terres » - en gros, confisquer les fermes des grands propriétaires terriens sous prétexte qu’ils n’ont pas la bonne couleur et les redistribuer à ses miliciens, lesquels sont aussi doués pour l’agriculture que votre serviteur pour la balle-pelote – a permis d'atteindre des résultats surprenants : en à peine cinq ans, le Zimbabwe est passé du statut d’exportateur net de céréales à celui de client des programmes européens et américains de lutte contre la famine.

Ceci dit, j’aimerais en toute humilité tirer mon chapeau à Robert Mugabe. Voilà au moins un dictateur qui sait y faire : les pressions internationales ? Rien à cirer. L’opposition ? Pas grave, il a des miliciens qui adorent ligoter les opposants dans du filde fer barbelé avant de les torturer un peu. Les manifestations ? Il y a deux semaines, il les a fait disperser à balles réelles par l’armée. Maintenant, quand les Zimbabwéens se rassemblent, il les fait survoler par des hélicoptères de combat équipés de mitrailleuses, technique d’intimidation ma foi fort efficace. Tout cela dans la discrétion la plus totale, puisqu’il n’y a plus de journaux d’opposition au Zimbabwe (le dernier a brûlé il y a quelques mois) et que le dernier correspondant étranger, qui travaillait pour « The Economist » a été expulsé manu militari malgré un jugement de la Cour Suprême qui déclarait son expulsion illégale (gageons que voilà un juge qui n’a pas dû rigoler les jours qui ont suivi le verdict).

Pendant ce temps-là, Grace Mugabe profite des voyages diplomatiques de son dictatorial époux pour faire son shopping à Paris. Elle a raison, c’est de plus en plus difficile de trouver un magasin ouvert à Harare.


Dernières nouvelles : outré par les déclarations mensongères de la presse colonialiste, Robert Mugabe vient d'ouvrir un site web où il racontera la vérité. Il se sent très déprimé par cette campagne de diffamation, mais vous pouvez lui remonter le moral en participant au petit sondage sur sa page d'accueil.


15.6.03

Poujade, ou de la difficulté de réunir des informations

Décidément, ma petit chronique sur Poujade n'est pas passée inaperçue. Mon grand ami Aristophane Triboulet m'a envoyé un petit courrier ce matin pour me faire part d'un discours de Poujade dont il avait vu une retransmission dans une émission de télévision. Le bonhomme dénonçait l'implantation des supermarchés "Leclerc", qui faisaient selon lui une concurrence déloyale au petit commerce. Poujade ajoutait que Leclerc n'avait sûrement pas inventé ça tout seul et que les Américains le soutenaient sans doute dans l'ombre. Voilà donc notre brave pourfendeur des impôts présenté sous un jour bien moins libéral. Dont acte.

Cette missive m'inspire deux réflexions dont j'aimerais, chers lecteurs, vous faire part. La première concerne la recherche à laquelle je me suis livrée sur le personnage, la seconde sur quelques événements récents qui ne sont pas sans rappeler l'attitude de Poujade à l'égard des supermarchés.


Ainsi que je le faisais remarquer à Aristophane, je me suis livré pour la préparation de cette chronique a une recherche très intensive sur le Net. Quantités d'articles me sont passés sous les yeux, et ce qui me frappe, c'est la quasi-absence de critique sur cet aspect de son discours. Tout ce que l'histoire (en tout cas sa version collectiviste) semble avoir retenu de Poujade, c'est que Jean-Marie Le Pen a fait ses débuts en politique auprès de lui. Fort bien, mais qu'en est-il du reste ? Mystère. Seuls les sites web anglophones font autre chose que râbacher cette éternelle rengaine. Ils se concentrent eux sur la partie qui les intéresse, à savoir la lutte que Poujade a mené contre la pression fiscale qui s'exerçait à l'époque sur les indépendants. Combat louable s'il en est, qui lui a en outre attiré la sympathie des libertariens, au même titre que sa proposition de remplacer le Parlement par les Etats-Généraux. Bref, un grand flou intellectuel règne autour du personnage. Tout ce que les gauchistes en ont retenu, c'est qu'il a soutenu Le Pen (oubliant par là même que Poujade s'est assez rapidement ravisé et l'a expulsé de son parti). Point de critique de sa pensée politique, c'est à présent au-dessus de leurs forces, ils ne peuvent plus que raisonner par amalgames. Du côté libertarien, on ne mentionne pas la part de corporatisme et d'antiaméricanisme du personnage, pour se concentrer sur son message anti-fiscalité. Du coup, l'intellectuel rigoureux se trouve bien en peine de faire une critique réellement pertinente de Pierre Poujade et de son mouvement. C'est fort dommage.


Ce qui m'amuse, c'est la façon qu'ont les gens les plus prompts à qualifier leurs adversaires de "poujadistes" d'imiter Monsieur Jourdain et de faire du poujadisme sans en être conscients. Ainsi, les récents mouvements en France et en Belgique visant à fixer un prix minimum du livre. But avoué de la manoeuvre (qui, faut-il le rappeler, a hélas réussi) : protéger les petits libraires contre la concurrence des grandes surfaces. Ca ne vous rappelle pas quelque chose ? Je me demande ce qu'auraient dit nos fiers défenseurs de la soi-disant "culture" si on les avait taxés de poujadisme ...


Prenons à présent le chantre nauséabond de l'altermondialisme à la française, celui qu'Aristophane, dans un grand moment de lyrisme, qualifie de malfaisant imbécile , j'ai nommé José Bovin (pardon, Bové, désolé, ça m'a échappé). Ce brave homme se bat contre les OGM (un moyen de produire mieux, moins cher et en employant moins de pesticides et d'engrais), contre la mondialisation et pour le maintien de la politique agricole commune. Au nom de quoi ? De la défense de l'exception française et de la lutte contre l'américanisation de la société. Je reproduis en italique un communiqué de la confédération paysanne , le syndicat de José Bovin :

Le grand marchandage planétaire est reparti.Les tenants de la libéralisations des échanges agricoles se sont donnés rendez-vous à Genève du 25 au 31 mars 2003 pour obtenir une ouverture accrue des frontières.Depuis 1992, la Confédération paysanne s'oppose à cette main-mise des multinationales sur le secteur agro-alimentaire. L'Organisation Mondiale du Commerce a relancé depuis la Conférence du Qatar, un cycle de négociations visant à poursuivre la libéralisation des échages de produits agricoles. Depuis 1992, la Confédération paysanne et la Via Campesina dénoncent les mesures qui ont été prises et qui visent à contraindre les pays à ouvrir leurs marchés intérieurs. La libéralisation des échanges de produits agricoles n'a pas, comme le dernier sommet sommet de l'alimentation de la FAO à Rome l'a montré, permis de réduire le nombre de personnes souffrant de malnutrition. Dans le même temps, les profits des multinationales de ce secteur et les dividendes qu'elles versent à leurs actionnaires se sont envolés.

Donc, si je comprends bien, il ne faut surtout pas ouvrir l'agriculture à la concurrence et éviter que les multinationales ne fassent baisser les prix ? Poujadistes, va !



D'autant que finalement, cette ouverture des marchés profiteraient principalement aux pays du Tiers-Monde, qui voient pour l'instant les marchés américain et européen verrouillés pour leur en empêcher l'entrée tandis que USA et UE les innondent de produits subsidiés. La langue de bois n'est décidément plus l'apanage des politiciens.

14.6.03

Pierre Poujade



Pas plus tard qu'hier, chers lecteurs, votre ami Constantin se mettait à disserter sur le poujadisme dont on le taxait. Mû par l'orgueil (et quelque peu froissé par le qualificatif), je me suis mis en tête qu'une recherche rapide dans le dictionnaire et une analyse succinte des propos de ce professeur d'université suffiraient à faire la lumière sur le personnage et sur la définition qui en est actuellement donnée par les détracteurs de tout mouvement de protestation visant la manière dont l'Etat gère la chose publique.

C'était oublier que l'Histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et que cela s'applique également en matière d'idéologie. La mémoire de Pierre Poujade (à droite sur la photo) et de son mouvement, l’Union de défense des commerçants et artisans de France, opposé à l'Etat, ne pouvait qu'être noircie par les collectivistes qui ont finalement gagné la bataille idéologique. Heureusement, la recherche d'une photo de ce brave monsieur me conduisit par le plus grand des hasards à un article de Murray Rothbard publié par le Mises Institute . Cet article, rédigé en 1956, c'est-à-dire en plein milieu de la lutte entre les poujadistes et les collectivistes, remet le mouvement poujadiste dans son contexte. L'analyse qu'en fait Rothbard, avec l'esprit acéré qui le caractérise, présente l'histoire sous une toute autre lumière. Le lecteur y apprend que le mouvement était anti-impôts et anti-étatiste, et privilégiait la désobéissance civile (notamment aux agents du fisc) comme moyen d'action. Il n'est donc guère étonnant de constater que les 150 communistes qui siégaient en ce temps à l'Assemblée Nationale se mirent en tête de lui coller les étiquettes de fasciste et corporatiste.

Rapprochement qui est de nos jours facilité par le fait que Jean-Marie Le Pen débuta sa carrière comme député poujadiste. Il se disputa cependant avec Poujade au sujet de la situation en Algérie (Poujade privilégiait une approche légaliste alors que Le Pen voulait établir une dictature de type militaire histoire de mater l'insurrection algérienne) et quitta le parti sans remettre son mandat. Cette excuse des débuts politiques de Le Pen au sein du parti pour discréditer l'entièreté du mouvement semble cependant un peu facile, ainsi que le souligne le site Antiwar.com dans un article sur Le Pen. Qui plus est, Poujade lui-même regrette de l'avoir accepté à cette époque au sein de son mouvement.


Nombre d'articles sur le web sont écrits par des organisations proches de la gauche, et présentent une vue plus que partiale du personnage. Ils n'hésitent pas à le qualifier simultanément d'anticommuniste (alors même que les premiers pas de son mouvement furent soutenus par le PC français et par l'Humanité) et d'anticapitaliste (alors que le mouvement est composé de petits commerçants qui s'opposent à la taxation à outrance de leurs bénéfices), ce qui en soi représente un exploit idéologique, d'antisémite (sans doute à cause de Le Pen, décidément bien pratique), d'antiparlementaire et de nationaliste. Le terme d'antiparlementaire est ici le seul dans lequel on peut trouver un semblant de vérité. Les détracteurs de Poujade s'abstiennent cependant de mentionner que ce que Poujade voulait, c'était substituer au Parlement des Etats-Généraux , c'est-à-dire remplacer une représentation géographique par une réprésentation sociologique. A bien y réfléchir, le système semble intéressant : il évite une surreprésentation d'une classe sociale au détriment d'une autre, ainsi que le risque que le Parlement soit majoritairement formé d'une élite sociale et intellectuelle et s'éloigne ainsi des préoccupations des citoyens. Il n'est généralement pas non plus fait mention de la principale revendication de Poujade, qui s'opposait à la hausse de la fiscalité frappant les petits commerçants, à l'intensification des contrôles fiscaux décidée par Mendès France et surtout à la loi votée par le gouvernement qui autorisait l'emprisonnement de tout citoyen s'opposant à un contrôle.


J'ai été fort surpris d'apprendre que Pierre Poujade, à 83 ans, était toujours vivant. Lors des dernières présidentielles, il a accordé son soutien au premier tour à Jean-Pierre Chevènement, un fait dont je ne suis pas sûr de savoir que penser. Il est également monté au créneau lors des manifestations anglaises contre l'augmentation des taxes sur les produits pétroliers, ce qui reste dans la droite ligne des idées qu'il a toujours défendues.


Que penser dès lors de Pierre Poujade ? Que l'analyse de son parcours politique mérite qu'on s'y arrête, et que le terme péjoratif "poujadiste" relève plus de la propagande collectiviste que d'une réalité historique. Et qu'il n'est peut-être pas si honteux que cela après tout d'être comparé à lui.





Petite mise au point



Cela fait deux fois en l’espace de quelques jours qu’un individu bien intentionné me fait remarquer que les propos que je tiens dans mes chroniques pourraient laisser penser au visiteur peu au fait du libertarianisme que la prose de votre ami Constantin a de forts relents poujadistes.

Même si l’intention est louable, le terme me choque. Il fait, je pense, partie de la panoplie du parfait petit policier de la pensée, au même titre que « ultralibéral » et « fasciste ». Ces trois vocables, vidés de leur sens premier, ne servent plus qu’à désigner les ennemis du collectivisme forcené.

Un peu de vocabulaire pour commencer. Le terme poujadiste désigne une philosophie politique défendue par l’Union de Défense des Commerçants et Artisans fondée en 1954 par Pierre Poujade. A en croire le Larousse, le poujadisme est « antiparlementaire, antieuropéen et nationaliste ». Bien. Il ajoute que « poujadiste », employé péjorativement, fait référence à une attitude revendicative catégorielle ou corporative. Bien bien. Je ne vois pas trop en quoi cela me concerne, mais en bon petit libertarien en quête de vérité, je poursuis mon raisonnement. Primo, le terme est péjoratif. Secundo, plus personne ne sait ce qu’il veut dire exactement. Tertio, il ressort des longues conversations que j’eus avec un important personnage universitaire que le poujadiste est un vilain petit bonhomme aigri qui critique l’Etat et les politiciens sans fondement aucun, les marquant du sceau de l’infâme « tous pourris ».

Là, tout à coup, les choses prennent leur sens. Que fait le libertarien ? Il critique l’Etat et les hommes politiques. Peu importe que sa pensée soit fondée, intellectuellement argumentée et en outre basée sur des ouvrages comme « The Fatal Conceit » et « The Road to Serfdom » de F.A. Hayek, « The Ethics of Liberty » et « For a new freedom : the libertarian manifesto » de Murray Rothbard, ou « Our enemy : the State » d’Albert Jay Nock, c’est un dangereux poujadiste. En outre, le libertarien éprouve une sympathie immodérée pour l’initiative privée, et suggère de retirer à l’Etat l’intégralité de ses compétences pour laisser des entreprises en concurrence s’en occuper. C’est donc un ultralibéral. Enfin, il ose se battre pour la liberté d’expression et contre les distorsions entraînées par les politiques « d’égalité des chances ». S’il ne veut pas que l’on favorise les étrangers, il est donc raciste. Et comme il n’en a pas honte, il ne peut être que fasciste. Ou, pour reprendre un autre raccourci entendu un jour dans la bouche d’une sotte bécasse dont le quotient intellectuel n’était, à n’en pas douter, proche de la température rectale, le libertarien est ultralibéral. Or, le libéralisme est de droite. Donc, une position ultralibérale est une position d’extrême-droite. Donc, le libertarien est un fasciste.

Me voilà donc devenu un facho poujadiste ultralibéral. « Facho » permet de discréditer tout ce que je pourrais dire sur l’immigration – il faudra m’expliquer comment quelqu’un qui est partisan de la suppression des Etats et de la libre circulation des individus pourrait être un fasicste opposé à l’immigration, mais bon - , « ultralibéral » permet de jeter rapidement l’opprobre sur toute intervention tendant à prouver que l’initiative privée permet de grandes choses et « poujadiste » permet de m’empêcher de critiquer l’Etat.

Me voilà muselé au moyen de sophismes bancaux qui cachent mal l’embarras intellectuel de mes détracteurs.

Peu importe que je place au-dessus de toute autre considération le respect de la liberté individuelle et que je ne cherche à imposer mon point de vue à personne du moment qu’on me laisse la liberté d’organiser ma vie comme je l’entends, je ne serai jamais qu’un dangereux nazi néolibéral.

12.6.03

La nuit des morts-vivants




De retour d’une soirée polémique consacrée à l’avenir d’un des « fleurons » sous-financés de la Communauté Française et Solidaire de la République Soviétique de Belgicanie, je flânais tranquillement dans les avenues fleuries du parkings du campus de la Plaine des Manœuvres, ce site de l’Université Libre de Bruxelles où l’on trouve de tout sauf des ouvriers peu qualifiés. L’air était léger, et les quelques décilitres de champagne qui se diffusaient plaisamment dans mon organisme consécutivement à leur assimilation par ma paroi gastrique commençaient à donner à la soirée un côté agréablement parfumé et pétillant. Soudain, au détour d’un chemin apparut un homme en costume clair, l’air quelque peu perdu et ébahi. Cet individu, fort courtois au demeurant, s’enquit avec inquiétude de l’emplacement exact de l’endroit où il se trouvait déjà – endroit qu’il n’avait manifestement pas reconnu puisqu’il me demanda comment s’y rendre par le plus court chemin. « Diable », pensai-je en mon for intérieur, « ce brave homme me semble perdu comme un collectiviste dans son utopie sans issue ». C’est alors que le génie physionomiste qui me visite à ses heures me susurra au creux de l’oreille ces mots qui me laissèrent pantois : « Constantin, ami si précieux, ne reconnais-tu pas sous ces traits hagards et échevelés la morgue arrogante d’un de ces malfaisants hommes d’Etat issus d’un passé proche et hantant toujours de leur présence impie le pays qu’ils ont saigné à blanc ? »

Je réalisai soudain avec qui le hasard me mettait face à face : Guy S., ministre d’Etat, spécialiste ès hélicoptères, déchu et brisé par le scandale qui n’empêche toujours pas les bœufs décervelés qui me servent de concitoyens de voter socialiste.

Après l’avoir fort obligeamment renseigné, je ne pus m’empêcher de noter l’ironie du sort qui obligeait un socialiste à demander à un libertarien le moyen de sortir du merdier dans lequel il s’était égaré.




10.6.03

La perversité collectiviste




S’il y a une chose plus détestable que la pensée unique, c’est la pensée unique. Non, chers amis, cette semaine sans nouvelle intervention ne dissimulait pas le basculement de l’esprit de Constantin dans une folie furieuse le poussant à parsemer ses interventions de propos sans queue ni tête. Derrière l’apparent contresens qui ouvre cette chronique se cache une vérité lourde d’implications pour les quelques esprits libres qui tentent de penser à contre-courant des truismes collectivistes préfabriqués que l’on nous assène à longueur de temps. Je m’explique.

Récemment, une de mes connaissances, qui collabore de façon épisodique à la rédaction du journal des anciens de sa faculté s’est mis en tête – objectif louable s’il en est ! – de critiquer vertement l’enseignement tel qu’il est (dés)organisé par l’Etat dans notre petit bout de terre à l’Est du méridien de Greenwich dans une petite phrase assassine dont les répercussions ne laissèrent pas de le surprendre. Le président de la faculté en question, mis au fait de l’article et de son contenu iconoclaste, déclencha contre son infortuné auteur une offensive qui tenait plus de la Blitzkrieg intellectuelle que du débat posé que l’on est en droit d’attendre de la part d’un représentant éminent de la communauté intellectuelle de notre plat pays. Entre autres joyeusetés non fondées, le pauvre fut taxé de poujadisme, accusé de manque de rigueur intellectuelle, et abreuvé des contresens les plus lamentables jamais proférés par un représentant du corps enseignant de l’Alma Mater.

Nous pourrions disserter sans fin sur la décrépitude intellectuelle qui ronge les élites pensantes de notre société et sur les conséquences dommageables de ce lent déclin sur la qualité de la formation dispensée au sein des universités, mais cela nous éloignerait du véritable propos de cette chronique. Ce qui me choque particulièrement dans cette anecdotique dispute, c’est la mauvaise foi crasse dont a fait preuve l’interlocuteur de mon malheureux camarade. D’un revers de main dédaigneux, ce soi-disant professeur (qui, en-dehors de son imbécillité, n’a rien professé ce jour-là) parvenait à dénigrer le propos pourtant fondé de notre coupable malgré lui. Point de débat intellectuel, qui eut permis à notre ami de défendre son affirmation, exemples, articles de journaux et ouvrages politiques à l’appui et de tenir la dragée haute à son contradicteur. Non, par la simple évocation du poujadisme supposé de cet homme, ses arguments étaient sine die réduits à néant.

L’exemple n’est hélas pas isolé, et ceux-là même qui prétendent « lutter contre la pensée unique » se sont faits les champions toutes catégories de cette nouvelle discipline rhétorique : le dénigrement systématique et non-fondé de tout argument contraire aux idées que l’on veut implanter dans le crâne des citoyens « responsables et solidaires ». Osez critiquer le clientélisme omniprésent dans la politique belge et vous devenez un nouveau Poujade. Osez vous insurger contre la loi contre les propos racistes et vous devenez automatiquement un « facho ». Osez critiquer la politique d’intégration et vous « faites le lit de l’extrême-droite ». Osez parler de désengager l’Etat d’une série d’activités où son bilan est pour le moins douteux et vous devenez un « chantre de la privatisation ultralibérale ». Bref, osez vous opposer au collectivisme, cette nouvelle religion d’Etat qui a remplacé le catholicisme sous nos latitudes et vous vous voyez affublé du san benito de cette nouvelle Inquisition. Ainsi étouffe-t-on les idées qui dérangent, en évitant surtout de chercher à comprendre pourquoi elles dérangent.


1.6.03

L’éthique de la Liberté



Je constate aujourd’hui, à la lecture de ces chroniques électroniques que vous me faites l’honneur de lire assidûment, que Constantin doit vous apparaître comme un homme aigri, en perpétuelle lutte contre son environnement, qui vomit le MR pour avoir trahi l’idéal libéral, conspue le collectivisme et l’inertie de la masse bêlante des soi-disant citoyens qui approuvent chaque jour avec le sourire une nouvelle atteinte à leurs libertés, et vilipende le gauchisme, idéologie avilissante et totalitaire aussi dangereuse sinon plus que le fascisme.

Je me suis tellement absorbé dans cette « mission sacrée » que je m’étais auto-assignée que seul un courrier de lecteur, me tira de ma torpeur. Cet homme à la plume habile, grand défenseur, selon ses propres termes, de la mambo-démocratie, me reprochait précisément de passer, tel un illustre espagnol du temps jadis, le plus clair de mon temps à combattre des chimères. Les moulins du collectivisme, si repoussants soient-ils, ne devraient pas occuper mon attention au point de la détourner d’un autre objectif crucial de l’Empire de Constantin : y exposer clairement et avec passion les idéaux qui sont les miens.


Je commencerai donc si vous le permettez par rendre un hommage appuyé à l’homme qui, plus que tout autre, est responsable d’un bouleversement radical de mes opinions politiques, et dont le décès il y a quelques années me chagrina profondément. Cet homme, que je n’eus hélas jamais l’honneur de rencontrer, est l’auteur de « L’Ethique de la Liberté », à mon sens une des œuvres les plus marquantes du XXème siècle. Lorsqu’un compagnon de fêtes estudiantines qui est depuis devenu mon plus cher ami me remit entre les mains, il y a bientôt dix années, un exemplaire de cet opus, je ne pouvais imaginer l’ampleur du choc que j’allais recevoir. Là, sous mes yeux, s’étalait ce que j’avais cherché tout au long de ma jeune vie intellectuelle : une philosophie cohérente, empreinte de tolérance et de respect, plaçant au-dessus de tout le reste la Liberté de l’homme, lui restituant son rôle d’acteur et de responsable de sa vie, une analyse acérée de la société occidentale et une remise en cause radicale de l’action de l’Etat. Avec la lecture de l’éthique de la liberté commençait pour moi un long parcours intellectuel qui se poursuit encore à ce jour.

« Le Vieux Murray », comme nous l’appelions familièrement lors de nos longues soirées de discussions politiques de l’époque, a marqué à jamais mon esprit. Je ne peux que vous conseiller chaudement, amies lectrices et amis lecteurs, de vous plonger dans ses œuvres. Mon ami Aristophane Triboulet, sur son site , se fait un plaisir de vous renseigner l’édition française. Quant à moi, je vous invite à le lire dans sa version originale. Vous trouverez les coordonnées de livre ainsi qu’une petite biographie de cet homme de bien sur le site des Advocates for Self-Governments . Profitez-en pour faire le petit test d’orientation politique, il en vaut la peine.