26.4.06

Tchernobyl : révélateur de la malfaisance étatique en Europe francophone

Aujoud'hui, cela fera vingt ans qu'une explosion pulvérisait le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Vingt ans, c'est long. Assez pour que les langues se délient, et pour que l'observateur attentif glane quelques faits intéressants savamment distillés dans l'actualité de ces dernières semaines.

Que le gouvernement soviétique ait, par un mélange de maladresse, d'incompétence et de considérations géopolitiques douteuses, contribué à aggraver la crise n'est évidemment pas une surprise. Il a fallu qu'en Suède, trois jours après l'incident, les systèmes de surveillance d'une centrale nucléaire repèrent le nuage radioactif pour que les soviétiques se décident enfin à reconnaître - du bout des lèvres - qu'il y avait eu "un incident" dans leur centrale. En soi, cet événement s'avère d'ailleurs déjà fort instructif : regardez une carte d'Europe, vous verrez qu'il y a quelques pays entre l'Ukraine et la Suède, notamment l'Allemagne de l'Ouest (les deux Allemagne n'étaient pas encore réunies). Aucun pays n'a repéré le nuage, ou en tout cas n'en a parlé. Mais ce n'est pas là le plus grave. Car c'est au moment où le nuage a été repéré que les gouvernements occidentaux, ou plus exactement les gouvernements belge et français, ont démontré le mépris dans lequel ils tenaient leurs concitoyens : désinformation, absence de mesures préventives pourtant prises dans d'autres pays, aucune procédure d'alerte, rien.

Si en Belgique, quelques responsables politiques ont reconnu, du bout des lèvres, que la situation était sérieuse et préoccupante, cela n'a absolument pas été le cas en France. Le gouvernement de ce brave François Mitterand, "humaniste" que le monde entier admire, a sciemment orchestré un blocus de l'information sur les allées et venues des nuages radioactifs qui ont survolé l'Europe. A la télévision, un porte-parole du lobby nucléaire se présentait sur tous les plateaux pour répéter le catéchisme officiel : rien de grave, aucun danger pour la population, les taux de radioactivité n'ont rien de préoccupant. Pendant ce temps, certaines zones en France étaient survolées par les particules radioactives sans que la population n'en ait été avisée.

En Belgique, nous apprend un reportage de la RTBF paru il y a deux semaines nous, la gestion de la crise fut moins soviétique qu'en France, mais hélas non exempte de maladresses coupables, voire intentionnelles. Les météorologues officiels de la télévision d'Etat, tant flamande que francophone, ont ainsi été priés de mentir sur la trajectoire suivie par les nuages radioactifs. Entre temps, une cellule de crise s'était mise en place, et le gouvernement en place s'informait et tentait de comprendre ce qu'il y avait lieu de faire. Une des premières mesures, proposée par Miet Smet, fut de demander aux agriculteurs de rentrer le bétail dans les étables. Le lait est en effet, pour je ne sais quelle raison, un réceptacle privilégié des particules radioactives contenues dans l'herbe ingérée par les bovidés. Il convenait donc d'éviter que du lait contenant des particules radioactives ne soit ingéré par la population. Mesure de bon sens ? Certes, mais Daniel Ducarme, à l'époque ministre wallon de l'agriculture, ne l'entendait apparemment pas de cette oreille, et communiqua de son côté aux fermiers wallons qu'il n'y avait aucun danger et qu'ils pouvaient faire paître leur bétail à l'extérieur. Il ne fut jamais inquiété. La récolte et la vente des épinards, légume paraît-il fort enclin à recueillir les particules radioactives, ne furent à aucun moment interdites en Belgique, alors que les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie avaient pris des mesures en ce sens.

Les cancers de la glande thyroïde sont en augmentation partout en Europe, y compris dans notre pays. Pourtant, ils font partie des pathologies évitables. En effet, la thyroïde sert de réceptacle à l'iode absorbé par l'organisme. L'iode radioactif, qui est une des particules résultant de l'ionisation de l'environnement par un rayonnement nucléaire, s'y fixe et provoque à long terme une tumeur maligne. Mais un remède préventif efficace et connu depuis longtemps consiste à prendre des comprimés d'iode (non radioactif) afin de saturer la thyroïde en iode. L'iode radioactif éventuellement absorbé est alors rejeté par l'organisme et éliminé par voie urinaire. Pourtant, à aucun moment il ne fut procédé à la distribution de comprimés d'iodes, pourtant disponibles en quantités suffisantes, car cela fait partie des mesures de sécurité en cas d'accident nucléaire en Belgique.

En fin de compte, c'est l'Europe entière qui a souffert de l'inconscience des ingénieurs soviétiques qui "effectuaient des tests" au moment de l'accident. Mais les conséquences auraient pu être nettement moindres si les gouvernements, particulièrement les gouvernements belge et français, avaient agi de façon responsable. Encore un drame de l'étatisme.