19.9.05

Journée sans cerveau

Ce dimanche, nous avons pu observer une fois de plus le spectacle navrant des masses bêlantes courbant l'échine avec le sourire sous le joug de l'étatisme triomphant. Se "réappropriant les rues" dans une ambiance "festive et citoyenne", les piétons et les cyclistes ont envahi la ville. Et comme l'année passée, les incivilités ont fleuri : les imbéciles ont emprunté les tunnels du centre où ils ont failli se faire faucher par les bus, les ambulances et les automobilistes détenteurs d'une autorisation de circuler. Les piétons ont pu bénéficier d'un agréable changement : au lieu de se faire klaxonner dessus par les voitures, ils ont eu droit aux bordées d'injures des cyclistes qui, remplaçant pour un jour leurs habituels tyrans, n'ont rien eu de plus pressé que de reproduire leur comportement vis-à-vis des plus faibles qu'eux.

Et tout ce petit monde, dans la joie et la bonne humeur, s'est mis en tête d'oublier que c'est une fois de plus l'Etat tout puissant qui, jouant à la maman bienveillante, a régenté les moindres aspects de leur vie. "Aujourd'hui, braves gens, renonçons à la voiture, soyons citoyens et responsables". A 19h01, les voitures envahissaient la ville. Preuve que l'élan de soi-disant responsabilité a ses limites strictes, celle de l'oppression exercée par le Tyran. Levez l'interdit et, en à peine quelques secondes, plus personne ne se sent l'envie de respecter l'air de la capitale que chacun, quelques minutes avant encore, était prêt à défendre bec et ongles contre "ces vilains égoïstes qui ne peuvent même pas renoncer une journée à leur voiture". A 19h30, gros embouteillage au carrefour Léonard. Pas fous, les Bruxellois : une fameuse clique s'en était allée profiter à la campagne de cette fameuse "journée sans voiture". En voiture. Heureusement, nos élites se gargarisent, cette journée est un succès. Et puisque tout le monde semble heureux, quelques politiciens émettent l'idée d'en remettre une couche tous les mois.

La journée sans voiture, c'est une de ces journées où il me prend l'envie de faire comme les héros d'Atlas Shrugged : laisser agir les étatistes et les collectivistes jusqu'à ce qu'ils s'entraînent eux-mêmes à la ruine. Le problème, c'est qu'ils entraîneront par la même occasion les rares individus encore épris de réelle liberté.

Who is John Galt anyway ?




5.9.05

Ceci n'est pas un ministre ...

En cette période de rentrée scolaire où chacun s'inquiète de savoir si la nouvelle fournée de réformes s'avérera aussi désastreuse que les précédentes pour la qualité de l'enseignement, nos décideurs prouvent en tout cas que l'enseignement était tout aussi dysfonctionnel à l'époque où ils usaient leurs fonds de pantalon sur les bancs de l'école. Ainsi, la dernière idée avancée par les socialistes, Rudy Demotte en tête, est la taxation du capital.

J'ai beau savoir que l'enseignement des bases de l'économie n'est pas au programme dans tous les réseaux, et que l'infiltration trotskyste a transformé les programmes d'économie en propagande keynésienne altermondialiste, je m'étonne quand même d'entendre un ministre, qui doit après tout avoir derrière lui un staff de gens un peu moins stupides que lui pour le conseiller, proposer pareille mesure.

La Belgique, à cause des lourdes charges qui pèsent sur le travail, s'est transformée au cours du dernier demi-siècle : de "labor-intensive", comme disent les économistes, elle est devenue "capital-intensive". En clair, les entreprises ont répondu à la taxation accrue du travail en orientant leurs activités de production vers les secteurs les plus technologiques et les plus automatisés. Par comparaison, ce n'est pas le cas des Etats-Unis, où la pression fiscale et parafiscale sur le travail est nettement moins importante, et qui restent, aussi curieux que cela puisse paraître, un pays où la production reste "labor-intensive", donc moins technologique et moins automatisée. Par exemple, l'automatisation sur les chaînes de production automobile aux Etats-Unis est nettement moins poussée que dans les usines belges.

Une "taxe sur les robots", comme elle est déjà surnommée dans les média, fait fi des règles de prudence les plus élémentaires. Il ne faut pas être docteur en économie pour comprendre que si le gouvernement se met à augmenter la pression sur le capital alors que la pression sur le travail est déjà à son maximum, les entreprises n'auront plus d'autre moyen pour rester compétititives que de délocaliser leur production ailleurs qu'en Belgique. Avec pour résultat d'augmenter encore le déficit de la Sécurité Sociale, que cette taxe avait pour vocation d'aider à colmater.

Evidemment, si l'objectif du parti socialiste est de transformer la Belgique en désert économique après avoir réglé son sort à la Wallonie, une telle mesure se justifie. Si tel n'est pas le cas, il serait temps d'ouvrir les yeux. L'idée de Mr Demotte est d'autant plus absurde que son expression dans les média coïncide, à quelques jours près, avec la promotion à grand renfort de conférences de presse, de ce fameux "Plan Marshall pour la Wallonie". Je me demande, comme le soulignait d'ailleurs Didier Reynders ce weekend, comment il va être possible d'attirer de nouveaux investisseurs chez nous si le seul avantage que présente notre pays, une faible taxation du capital, passe à la trappe. Les dernières inventions du parti socialiste me font furieusement penser à cette comptine de mon enfance qui raconte l'histoire d'une bergère se rendant au marché, et qui portait sur sa tête des pommes dans un panier : "trois pas en arrière, trois pas en avant".




2.9.05

Chronique du racisme ordinaire

Une de mes amies a été gâtée par la nature : ses yeux bleus et ses cheveux dorés ravissent le regard, et son humour et son caractère pétillant rendent sa conversation extrêmement plaisante. Hier, elle m'a annoncé à brûle-pourpoint qu'elle était passée chez le coiffeur pour se faire teindre les cheveux en brun. Les esprits ricaneurs auront déjà complété : "ha ha, une blonde qui se teint en brune, c'est de l'intelligence artificielle". Croyez-le ou non, mais c'est précisément les blagues sur les blondes qui sont à l'origine de sa décision : lassée d'entendre ces blagues fleurir autout d'elle à chaque fois qu'elle apparaît quelque part, elle a décidé de tenter un anonymat capillaire qu'elle espère salutaire.

Quelqu'un s'est-il déjà interrogé sur les raisons de la popularité des blagues sur les blondes ? Ma théorie sur le sujet rejoint celle de l'éminent humoriste Pierre Desproges sur les blagues belges. Voici ce que disait le maître :

"Pourquoi les Belges prêtent-ils à rire ? Autrement dit, pourquoi diable et comment se fait-il donc que les belges soient la cible des amuseurs avinés de fins de banquets ruraux ? Dans son livre Comment vivre heureux en attendant la mort, le Pr Léon Métastasenberg, président de la ligue pour le racisme sauf l'antisémitisme (LICA), émet une hypothèse fort séduisante, certes, mais moins que ma belle-soeur Fabienne dont la peau dorée à peine duvetée de blond sur l'arrondi de l'épaule, me donne envie de mordre dedans pour assouvir le désir éclatant que j'ai d'elle quand l'air chaud de foin coupé s'exhale au crépuscule de juillet. De juillet de l'année dernière. Cette année, on se gèle les couilles. Selon Léon Métastasenberg, le Belge prête à rire parce qu'il est blanc, ce qui permet aux comiques chafouins de se gausser à ses dépens sans encourir les foudres des diveres associations pour la défense de la dignité des Bougnoules."

La blonde, c'est le Belge du XXIème siècle. D'abord parce qu'il y a des blondes belges, ce qui permet à ces derniers d'avoir également leur tête de Turc (que les Turcs présents dans la salle veuillent bien me passer cette expression qui ne sert nullement à dénigrer leur culture que je trouve admirable). Ensuite, parce que vingt-cinq ans ont passé depuis l'âge d'or des humoristes français, l'époque où Desproges, Le Luron et Coluche sévissaient ensemble sur les ondes et dans les salles de spectacle. Durant ce quart de siècle, la chape de plomb de la censure des bien-pensants s'est apesantie sur la société. Les lois violant la liberté d'expression qui ont été votées en France et en Belgique - ces lois qui visent à punir l'expression de propos racistes, antisémites ou homophobes - et la mode du politiquement correct importée des USA au mépris de toute politique d'exception culturelle ont profondément transformé les mentalités. Plus personne, à part sans doute les abrutis du Front National, n'ose raconter de blagues sur les juifs, sur les arabes ou les noirs. Est-ce réellement un bien ? Cela a-t-il fait reculer le racisme ? A voir l'inexorable montée des partis d'extrême-droite en francophonie continentale, il est permis d'en douter. Et rien n'est plus logique.

Une des fonctions de l'humour est en effet, à mon sens, de dédramatiser les situations, de faciliter l'intégration de nouveaux faits dans l'image que nous avons de la société, d'exorciser les peurs. Souvent, il sert aussi de soupape à la frustration vécue par une population. De nombreuses blagues sur les difficiles conditions de vie circulaient en Europe de l'Est avant la chute du mur. Un humour parfois grinçant, et parfois difficile à apprécier pour quelqu'un qui n'a pas vécu du mauvais côté du rideau de fer. Les blagues "racistes", à mon sens, ont joué un rôle important dans l'acceptation de la réalité de l'immigration du dernier demi-siècle. Les blagues sur les Italiens qui circulaient en Belgique dans les années soixante et septante ont peu à peu fait place aux blagues sur les maghrébins. Leur succès à l'époque faisait-il de la population une bande de honteux racistes ? Non. Que du contraire, suis-je même tenté d'affirmer, ces blagues permettaient d'évacuer une partie de la tension causée par la différence et la crainte que celle-ci inspirait. Le propre de l'humour des blagues raciales est de forcer le trait, de jouer sur les stéréotypes. Ce faisant, il permet de souligner, puis d'accepter et d'intégrer la différence. Les blagues sur les homosexuels ont joué le même rôle. Qui a plus de trente ans et n'a jamais raconté ce genre de blague ? Preque personne, j'en prends le pari. Cela fait-il des trentenaires une bande d'abominables racistes homophobes ? Non, car la majorité des gens savaient prendre les choses au second degré, faire la part des choses entre l'humour et la réalité.

Quand Patrick Timsit, dans un grand moment de génie humoristique, affirmait que "les trisomiques, c'est comme les crevettes, tout est bon sauf la tête", avait-il en tête de déprécier ces pauvres gens ? Bien sûr que non, son propos se voulait humoristique. Il jouait sur la gêne que chacun ressent quand il croise un mongolien ou un handicapé mental. Cette gêne n'est pas causée par la haine ou le mépris, mais par le caractère insolite de la situation, et le fait de ne pas savoir comment se comporter pour signaler qu'on a reconnu et accepté la différence, et qu'on ne sait pas comment se comporter "normalement" vis-à-vis de l'autre. Rire du mot d'esprit de Timsit n'est pas le signe de la méchanceté, mais de la reconnaissance de cette gêne qui précisément fonde la blague. Comme les blagues sur les 11 semptembre, sur le tsunami témoignent du choc émotionnel suscité par ces événements. Comme les médecins, militaires, pompiers, ambulanciers, échangent de macabres (nous semble-t-il) plaisanteries sur leur quotidien. Tout cela a pour but de dédramatiser, de souligner l'absurdité apparente du monde, de reconnaître et de dépasser les stéréotypes, ou bien de soulager la tension ou la frustration.

Et c'est là que les blagues sur les blondes sont fondamentalement différentes. On ne retrouve plus derrière ces tendances salutaires. Mon amie me le faisait fort pertinemment remarquer : personne, à part les rustres et les malpolis, n'aurait l'indécence de raconter une blague sur les noirs en présence d'un noir. Ou alors seulement s'il connaît la personne et sait que celle-ci ne le prendra pas en mauvaise part. Par contre, personne n'hésite à lâcher une blague sur les blondes en présence d'une blonde. Au contraire, même, certains prennent même un plaisir sadique à raconter aux blondes et à elles seules des blagues éculées dont le seul point commun est de se gausser des blondes.

En devenant en apparence plus respectueuse, notre société a cristallisé toutes ces frustrations désormais inexprimées en une méchanceté gratuite à l'égard des blondes. Le "politiquement correct" voulait modeler la société pour la rendre plus civilisée. Sous ce vernis de respectabilité, la réalité a pris une nature beaucoup plus malveillante. Le même mécanisme est à l'oeuvre sous le discours qui abuse des mots "citoyenneté" et "solidarité". Ce n'est sans doute qu'une question de temps avant que les "égoïstes" ne soient livrés à la vindicte populaire.