15.2.06

"Stupid in America" ... et bientôt tout aussi bête en Belgique

Depuis le rapport PISA, Marie Arena tente vainement de réformer l'enseignement en Communauté Française : contrats pour l'enseignement et autres gadgets peu appréciés pleuvent sur le corps enseignant qui n'en demandait pas tant, tout occupé qu'il est à tenter de comprendre la dernière et indigeste idée des pédagogues en pantoufles que l'on veut leur imposer : la pédagogie des compétences.

Pendant ce temps, et malgré ce bilan désastreux, les média se retiennent de critiquer de façon trop virulente un gouvernement qui les arrose de subsides divers et variés pudiquement baptisés "aides à la presse" : on ne mord pas la main qui nourrit.

Cela dit, et si l'on peut faire de nombreux reproches à notre enseignement, ainsi qu'en témoignent les désastreux résultats de l'enquête PISA, il est cependant une disposition de notre système scolaire qui lui garantit un niveau de fonctionnement nettement meilleur - comprenez nettement moins abyssal - que ce que l'on peut observer en France ou, surprise, aux Etats-Unis : la concurrence entre écoles et entre réseaux.

La France, comme les Etats-Unis, fonctionne selon un système de carte scolaire : le choix de l'école est déterminé, non pas par l'élève ou par ses parents, mais par la situation géographique de leur domicile. En clair, les parents vivant dans une banlieue pauvre de Seine Saint-Denis ne peuvent pas décider d'inscrire leur enfant dans une école publique du XVIème arrondissement. Pas plus que les habitants du Queens ou du Bronx ne peuvent envoyer leurs rejetons suivre leur scolarité dans l'East Village. En clair, les écoles publiques disposent d'un monopole géographique organisé par l'Etat. Les conséquences de ce système sont désastreuses : privés de concurrence, les établissements scolaires, principalement ceux implantés dans des municipalités "pauvres", n'ont strictement aucun incitant à améliorer leurs performances. Pourquoi principalement ceux des municipalités pauvres ? Parce que les "riches", eux, ont encore le choix de retirer leurs enfants de l'école publique pour les mettre dans une école privée, voire de prendre eux-mêmes en main leur éducation - le homeschooling. Et d'ailleurs, ils ne se privent pas de cette opportunité.

Au contraire, dans notre plat pays, les parents ont beaucoup plus de latitude pour inscrire leurs enfants dans l'école de leur choix. Les écoles, même si elles sont tenues de respecter les programmes de cours établis par la Communauté Française, ont cependant la possibilité de se différencier par leur projet pédagogique, par le suivi et le soutien accordé aux élèves, et, dans une certaine mesure, par les standards selon lesquels les élèves sont évalués. Malheureusement, les réformes successives tendent à réduire petit à petit cette concurrence entre établissements. Nous aurions pu éspérer un instant que les projets d'évaluation standardisée à l'issue du primaire et du secondaire proposés par Mme Arena viennent renforcer cet esprit de concurrence, mais les règles de confidentialité des résultats empêcheront malheureusement toute comparaison entre écoles.


A l'inverse, les Etats-Unis semblent enfin avoir compris la leçon, et les différents Etats tentent à présent d'instaurer la concurrence entre établissement. Une concurrence qui est même élargie aux écoles privées : le système des "school vouchers" permet aux familles de placer leur enfant dans une école privée et de réduire le minerval du montant que l'Etat verse normalement à une école publique pour l'éducation d'un enfant. Souvent, cela couvre largement les frais d'inscription demandés par l'école privée en question. Bien évidemment, les syndicats d'enseignants et les démocrates (la "gauche" américaine), se battent bec et ongles contre les school vouchers, et n'hésitent pas à contester le système devant la justice.


Et pourtant, ils ont tort, car le système aide les enfants, et avant tout les enfants issus de classes sociales défavorisées. Dans un article intitulé "Why judges matter" daté du 12 janvier 2006, l'hebdomadaire The Economist décrit fort bien la situation :


"Vouchers not only offer better education more cheaply to the children
who receive them : they also force rotten public schools to improve, by
pinching their students if they don't, as at least for studies in
Florida have shown."


Par ailleurs, le magazine libéral américainReason a publié à la même époque un article
intitulé Stupid in America : Why your kids are probably dumber than Belgians. L'article parle d'une émission diffusée vendredi 13 janvier sur la chaîne ABC et qui montre des élèves d'un établissement secondaire du New-Jersey se faire battre à plates coutures par des étudiants belges lors d'un test de connaissances. L'article attribue cette cinglante défaite aux conséquences désastreuses du monopole géographique instauré par la carte
scolaire.


Pour une fois que la Belgique fait l'envie, et non la risée des puissants de ce monde, on pourrait espérer que nos édiles en feraient état. Il n'en est rien. Après tout, les collecivistes abhorrent l'idée de concurrence. Au train où vont les dernières réformes, il est permis de douter que la Belgique conserve encore longtemps ce système qui est pourtant le dernier rempart contre la déliquescence de notre enseignement. Les Etats-Unis et la France sont l'illustration parfaite de ce que la réduction de la concurrence qui se met subrepticement en place fera à nos enfants.




11.2.06

Infantilisation et déresponsabilisation : une nouvelle étape est franchie

Un vent favorable m'a fait parvenir la dépêche suivante :


UE: les briquets devront bientôt être munis d'une sécurité-enfant
(09/02/2006 14:33)
Les Etats membres de l'Union européenne (UE) et la Commission
européenne sont tombés d'accord jeudi pour imposer d'ici l'année
prochaine la présence de sécurité-enfant sur tous les briquets qui
seront vendus en Europe. Déjà obligatoires aux Etats-Unis depuis 1995
notamment, ces briquets sécurisés sont équipés d'un système
nécessitant deux pressions simultanées pour obtenir une flamme,
réduisant ainsi le risque que des enfants en bas âge puissent les
allumer. Selon des estimations, entre 34 et 40 personnes,
généralement des enfants, sont tués chaque années dans l'UE par des
incendies provoqués par des enfants jouant avec des briquets non
sécurisés. L'imposition d'une sécurité-enfant représente un
surcoût de fabrication de l'ordre de 1 à 5 eurocent par briquet. La
mesure doit à présent être approuvée par le Parlement européen.
(NLE)


Voilà bien une mesure absurde et inutile, qui démontre en outre un sens des priorités particulièrement biaisé. En effet, que nous apprend-on ? Que le nombre de décès causés par les incendies allumés par des enfants jouant avec des briquets non sécurisés se situe "entre 34 et 40 personnes, généralement des enfants". De 34 à 40 décès sur une population de plus de quatre cent millions d'individus, voilà qui est en effet préoccupant.

Intéressons-nous un instant à la population belge, sur la mortalité de laquelle nous diposons d'intéressantes statistiques. A défaut d'être récentes (les chiffres les plus "actuels" datent de 1997), elles sont néanmoins instructives. Nous y apprenons notamment qu'il y a environ cent mille décès par an en Belgique. Parmi ces cent et quelque milles décès, les statistiques belges nous apprennent que 0,08% de ces décès ont pour cause les incendies. Soit environ 80 personnes par an. Mais rien sur la cause des fameux incendies. D'ailleurs, si je veux bien encore imaginer que les services d'incendie ou les assureurs des différents pays disposent de statistiques sur les causes d'incendie et sont capables de déterminer combien sont causés par des enfants jouant avec le feu sans supervision, je me demande comment diable ils ont pu déterminer qui jouait avec des "briquets non sécurisés" et qui jouait avec des allumettes. Mais passons.

Puisque nous ne disposons pas de statistiques directes, utilisons une petite règle de trois et rapportons la proportion de population Belgique/Europe aux "estimations" de nos experts européens. La population belge, dix millions de personnes, représente 10/450èmes de la population de l'Europe des 25. Donc, cela veut dire que 1,17 décès par an sont causés en Belgique par les briquets non sécurisés. Un décès sur cent mille. Pour un décès sur cent mille, l'Union Européenne décide de compliquer la vie de 450 millions d'utilisateurs potentiels en leur faisant "presser simultanément deux boutons" pour obtenir une flamme. Bonne chance pour allumer votre cigarette à l'extérieur si par hasard il y a une légère brise. Pourquoi à l'extérieur ? Mais parce que dans notre beau pays il est désormais interdit de fumer à l'intérieur des bâtiments où l'on travaille. Les hordes de fumeurs chassés par cette nouvelle loi et qui tenteront d'allumer leur cigarette vont sans aucun doute bénir les autorités européenne de leur prévoyance.

Autre petite statistique amusante : le site de la firme BIC, leader mondial du briquet jetable, nous apprend qu'un briquet peut produire environ trois mille flammes. BIC vend chaque jour quatre millions de briquets jetables. Ce qui nous fait donc douze milliards de flammes potentielles vendues chaque jour à travers le monde, soit quatre mille trois cent quatre-vingts milliards de flammes créées par les briquets chaque année. Il faut peut être trois ou quatre essais à un gamin pour allumer les rideaux de sa chambre ou enflammer quelques morceaux de papier. Je suppose que vous voyez où je veux en venir.

En clair donc, les commissaires et députés européens s'échinent à produire des réglementations pour prévenir un dix millième des décès européens, et pour ce faire compliquent la vie de millions de personnes qui utilisent un briquet chaque jour. Sans compter le surcoût que cela représente pour les consommateurs, puisqu'on nous annonce une augmentation de 1 à 5 eurocents du coût de production prix des briquets. En clair, un surcoût de production de 40.000 à 200.000 euros par jour. Ce qui représente, soit dit en passant, le coût salarial annuel moyen d'un ou deux ouvriers (un s'il est belge ou français, cinq à six s'ils sont estoniens, irlandais, anglais ou tchèques).

Voilà donc pour le sens des priorités de nos édiles. Mais ce n'est pas tout. Que dire de l'infantilisation du citoyen lambda ? Je me rappelle fort bien de l'attitude des mes propres parents à l'égard des briquets et allumettes présents dans la maison. Ils étaient rangés dans un endroit, la cuisine, dont l'accès, jusqu'à ce que mon frère et moi ayions atteint l'âge de raison, ne pouvait de toute façon se faire sans supervision parentale. Mes parents prenaient en outre soin de nous laisser de temps à autre manipuler ces objets, toujours sous leur supervision, afin, par exemple, d'allumer un feu dans la cheminée du salon ou une bougie sur un gâteau d'anniversaire, tout en nous expliquant les règles élémentaires de sécurité. En clair, il était à l'époque de la responsabilité des parents d'éviter que leurs enfants ne s'amusent avec des allumettes ou des briquets. Désormais, les parents peuvent se rassurer : nos politiciens veillent un peu plus sur leurs enfants à leur place. La politique d'infantilisation et de déresponsabilisation des individus, nécessaire à la perception de l'Etat comme absolument nécessaire, enregistre une nouvelle victoire.


La sécurité, c'est la soumission
La liberté, c'est l'esclavage.







P.S. Dernière petite remarque : la dépêche nous apprend que les briquets "sécurisés" sont déjà obligatoires aux Etats-Unis depuis 1995. J'ai séjourné une dizaine de fois dans diverses régions des USA depuis cette époque, des séjours de deux à six semaines au cours desquels j'ai acheté ou utilisé de nombreux briquets. Je n'en ai jamais vu un seul équipé d'une sécurité. Alors soit cette histoire de briquets obligatoires est une blague, soit je vis dans un univers parallèle où cette obligation n'a pas été votée par le Sénat fédéral ni par un quelconque Parlement fédéré.

2.2.06

Le racket au quotidien en Walbanie

La rubrique "Les confidentiels" qui paraît chaque jeudi dans le magazine Trends/Tendances est décidément une source d'information précieuse pour l'observateur des discrètes turpitudes politiciennes, celles qu'il ne vaut mieux pas dévoiler au public.

Parmi les articles de cette semaine, celui intitulé "Plan wallon des déchets : silence dans les rangs !" est particulièrement instructif. Jugez-en plutôt :

Affirmer que le plan des déchets 2006-2010 attire la sympathie des entreprises privées serait exagéré : seules les intercommunales se frottent actuellement les mains. Et pour cause : ce plan a été amoureusement mitonné par la Copidec (conférnce permanente des intercommunales wallones de gestion des déchets). Or, s'il passait la rampe (entre la mi- et la fin février), il signifierait, pour le privé, le doublement de la charge fiscale du traitement des déchets. Au menu, en effet, diverses nouvelles taxes dont une sur l'incinération, une autre sur le coïncinération (pour le ciment, par exemple), une troisième sur la biométhanisation ... Et on en passe.


Une petite augmentation des taxes de derrière les fagots, rien de neuf sous le soleil. Pour éviter de s'aliéner le citoyen, on s'attaque aux entreprises. Cela permet de préserver l'illusion selon laquelle la pression fiscale baisse en Belgique. Il suffit de regarder l'évolution de la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut, qui n'a pas changé en dix ans, pour comprendre le tout de passe-passe. Bien entendu, tous les économistes censés vous le diront, quelle que soit la cible initiale d'une mesure fiscale, en fin de compte, ce sont les individus qui trinquent. La hausse de coût pour les entreprises sera répercutée à travers la chaîne de valeur jusqu'au consommateur final, qui financera cette taxe sur ses propres deniers, comme toutes les autres. Mais sans s'en rendre compte, et avec un point de bonus pour le gouvernement, puique le citoyen lambda blâmera la cupidité des vilains capitalistes et non celle des hommes de l'Etat à l'origine de ladite augmentation de prix. Vous avez dit "cynisme" ?

Ce n'est bien entendu pas nous qui affirmons que les taxes vont doubler, mais l'Union wallone des entreprises, dans une note des plus confidentielles. Pourquoi tant de discrétion ? Parce que le cabinet Lutgen a gentiment fait comprendre aux sociétés privées qu'elles n'avaient pas trop intérêt à se plaindre publiquement.


Et comment donc a-t-il fait, ce brave ministre, pour faire taire les moutons qu'il tond ?

Comme certaines ont déjà introduit des demandes de subsides dans d'autres domaines, le ministre n'a pas dû déployer beaucoup d'énergie pour les convaincre de se taire


Et voilà, un bon petit exemple de racket comme on les aime. Ceci dit, je ne plaindrai pas les entreprises dans ce cas précis : quand on veut profiter de l'argent du contribuable pour financer ses activités, ce qui n'est guère moral, on cautionne le système mis en place par les politiciens. Il ne faut pas s'étonner dès lors que ces derniers profitent de leur position de puissance pour forcer la main des récalcitrants. C'est bien fait !

Cela dit, nous pouvons apprécier au passage un nouvel exemple de la remarquable absence de sens moral des politiciens wallons. Le chantage, ce n'est pas très joli. Quand je pense que ce sont les mêmes maîtres chanteurs qui nous servent à longueur d'année le couplet éculé sur la prétendue absence de morale qui règne dans le secteur privé !

C'est d'ailleur pour ce même motif que le privé se fait discret à propos de la présence, au même cabinet Lutgen, de Gonzague Delbar, en charge du département déchets. C'est que l'homme est également directeur général adjoint d'Ipalle, l'intercommunale de propreté publique du Hainaut occidental. Laquelle, simple hasard sans doute, a en vue un grand projet d'incinérateur, tout comme sa voisine Itradec, intercommunale de traitement des déchets de la région de Mons-Borinage et du Centre, en Hainaut.


Franchement, charger un responsable d'intercommunale, concurrent direct des sociétés privées de gestion des déchets, de concocter un plan des déchets ! C'est un peu comme si on avait demandé à Lakshmi Mittal de s'occuper de la restructuration de la sidérurgie wallone. Sauf que là tout le monde aurait poussé des cris d'orfraie : C'est que c'est un vilain privé ce Mittal !

Dans une récente interview au Soir, Gonzague Delbar déclarait que la mise en commun d'Ipalle et d'Intradec "serait un atout, surtout face aux attaques du secteur privé sur l'incinération".


Voilà une déclaration intéressante ! Jusqu'ici, les politiciens, pour justifier l'ingérence de l'Etat dans n'importe quel secteur de l'économie, arguait des insufficances de la réponse du secteur privé. Si on suit cette logique, la robustesse de la réponse privée devrait donc les réjouir et les inciter à se désengager d'un secteur qui n'a plus besoin d'eux. Que nenni ! Si le secteur privé ose "attaquer" le secteur public (comprenez : fournir le même service à un prix plus avantageux) il faut le taxer et le brimer en utilisant toute la puissance de l'arsenal coercitif. Un argument de plus dont il faudra se souvenir la prochaine fois qu'une victime du lavage de cerveau étatique osera nous sortir l'argument des insuffisances du privé.

Est-il possible d'être plus délicieusement partisan pour un membre d'un cabinet ministériel ?


C'est ce qu'on appelle une question rhétorique.