26.4.05

Le péril jaune

Ce matin, dans un de ces bons mots dont les collectivistes ont le secret, un journaleux de la radio télévision bolchévique francolâtre a qualifié la Chine de "Vampire du Milieu" (je précise d'emblée à l'intention de mes lecteurs incultes, voire ouvriers, que les Chinois appellent leur pays l'Empire du Milieu). Pensez donc : ces outrecuidantes faces de citron ont le front de vouloir nous vendre leurs produits, à nous, les Européens ! Vilains pas beaux ! Même qu'en plus leurs produits coûtent moins cher ! Et tout cela parce que ces salopards de jaunes n'ont pas notre sécurité sociale que le monde nous envie ! C'est proprement inadmissible, mon bon monsieur !

Un de mes abrutis préférés, professeur dans l'école où j'enseigne, me disait qu'il avait regardé une émission sur Télé-Moscou, euh, pardon, Arte, laquelle - ô surprise - dénonçait les "horribles conditions de travail" dans lesquelles ces pauvres Chinois devaient produire les textiles que l'Europe achetait ensuite. Je me suis déjà étendu sur le sujet lors d'une précédente chronique, ainsi que lors d'un débat dans les commentaires de l'excellent "Bruxelles, ma ville", aussi resterai-je relativement bref. Ces horribles conditions de travail, pour commencer, sont nettement moins horribles que l'alternative pour ces pauvres gens, à savoir gratter la terre pour exercer une agriculture de subsistance qui, outre son caractère harassant et peu rémunérateur, présente un risque non négligeable puisqu'il suffit d'une mousson un peu trop rigoureuse pour que le résultat d'un an de labeur acharné soit détruit. Ensuite, le revenu que ce travail leur procure lorsque ces usines sont exploitées par des multinationales, est de loin supérieur au salaire proposé par les sociétés chinoises. Alors, on peut s'étendre à loisir sur l'absence de sécurité sociale en Chine, mais n'oublions pas que, selon la phrase consacrée, on ne peut pas construire un paradis social sur un désert économique. Qui plus est, l'histoire économique nous prouve que la mondialisation de l'économie permettra à la Chine de se hisser beaucoup plus rapidement à un niveau comparable au nôtre que le Japon ou la Corée du Sud.

Quant aux soi-disant méfaits que causeront les importations de textiles chinois à nos économies européennes, il serait peut-être temps de nuancer les poncifs que l'on nous sert à longueur de journée. Certes, l'industrie textile sera frappée de plein fouet. Mais faut-il pour autant pénaliser les consommateurs européens, lesquels sont bien heureux de pouvoir payer moins cher ? Rappelons-nous que les économies ainsi réalisées permettent aux consommateurs d'acheter d'autres produits sur le marché, et ainsi de faire vivre plus de gens grâce à leurs achats. Si le secteur textile est perdant, d'autres secteurs y gagneront. Dans l'ensemble, l'économie du pays profitera de cette baisse des prix. Faut-il, alors que l'on parle tout le temps de la "fracture Nord-Sud", des "riches qui exploitent les pauvres", empêcher les travailleurs chinois de profiter enfin de l'ouverture de l'Europe et d'élever leur niveau de vie grâce à nos achats ? Rappelons-nous également que l'ouverture des marchés est réciproque. Il y a plus de deux siècles que Ricardo énonçait sa théorie des "avantages comparatifs" et démontrait à quel point le commerce et la spécialisation profitait aux deux pays qui s'engageaient sur cette voie. La Chine représente un énorme marché pour nos entreprises, et ces nouvelles exportations permettront de créer des emplois qui feront plus que compenser ceux qui seront perdus dans le secteur textile.

En ces temps où le commerce et la mondialisation, qui ont permis à l'Europe et à l'Amérique de sortir d'une économie de subsistance et d'augmenter considérablement la qualité de vie de leurs habitants, sont vivement critiqués, il serait peut-être temps de relire ce grand classique de Bastiat, la Pétition des Marchands de Chandelle". Bastiat y démontre par l'absurde la vacuité des thèses protectionnistes. Je conclurai cette chronique sur un petit extrait de ce texte :

Nous subissons l'intolérable concurrence d'un rival étranger placé, à ce qu'il paraît, dans des conditions tellement supérieures aux nôtres, pour la production de la lumière, qu'il en inonde notre marché national à un prix fabuleusement réduit; car, aussitôt qu'il se montre, notre vente cesse, tous les consommateurs s'adressent à lui, et une branche d'industrie française, dont les ramifications sont innombrables, est tout à coup frappée de la stagnation la plus complète. Ce rival, qui n'est autre que le soleil, nous fait une guerre si acharnée, que nous soupçonnons qu'il nous est suscité par la perfide Albion (bonne diplomatie par le temps qui court!), d'autant qu'il a pour cette île orgueilleuse des ménagements dont il se dispense envers nous.

Nous demandons qu'il vous plaise de faire une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, œils-de-bœuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries dont nous nous flattons d'avoir doté le pays, qui ne saurait sans ingratitude nous abandonner aujourd'hui à une lutte si inégale. [...]
« Nous prévoyons vos objections, Messieurs; mais vous ne nous en opposerez pas une seule que vous n'alliez la ramasser dans les livres usés des partisans de la liberté commerciale. Nous osons vous mettre au défi de prononcer un mot contre nous qui ne se retourne à l'instant contre vous-mêmes et contre le principe qui dirige toute votre politique. »

Nous direz-vous que, si nous gagnons à cette protection, la France n'y gagnera point, parce que le consommateur en fera les frais?

Nous vous répondrons:

Vous n'avez plus le droit d'invoquer les intérêts du consommateur. Quand il s'est trouvé aux prises avec le producteur, en toutes circonstances vous l'avez sacrifié. - Vous l'avez fait pour encourager le travail, pour accroître le domaine du travail. Par le même motif, vous devez le faire encore.

Vous avez été vous-mêmes au-devant de l'objection. Lorsqu'on vous disait: le consommateur est intéressé à la libre introduction du fer, de la houille, du sésame, du froment, des tissus. - Oui, disiez-vous, mais le producteur est intéressé à leur exclusion. - Eh bien! si les consommateurs sont intéressés à l'admission de la lumière naturelle, les producteurs le sont à son interdiction."





11.4.05

Malicieuse police ...

Suite à mes récentes chroniques sur les violences policières, je suis allé faire un petit tour dans les archives du site d'Amnesty International histoire de voir si on y parlait de notre royaume fritier. Le moins qu'on puisse dire est que le cybervoyage en valait la peine. J'y ai trouvé, en moins de trente secondes, un article détaillant les conclusions du rapport du 14 mai 2003 publié par le comité des Nations-Unies contre la torture sur les allégations de violences policières commises par les forces de police belge ainsi qu'un communiqué d'Amnesty International daté de février 2004 dans lequel l'organisation relève que la Belgique n'avait toujours pas levé le petit doigt pour implémenter les recommandations du rapport des Nations-Unies.

Je vous livre un petit extrait du rapport dans lequel j'ai mis en gras les faits qui ont concerné mon élève :

Le rapport soulignait que les affaires de brutalités policières signalées à Amnesty International peuvent être classées en deux grandes catégories :

- celles qui se sont déroulées dans les rues ou les postes de police et qui concernent des personnes interpellées ou arrêtées parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir commis ou d’être sur le point de commettre une infraction;

- celles concernant des immigrés clandestins et des demandeurs d’asile déboutés faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire dont l’exécution est plus ou moins avancée.

Amnesty International concentrait son attention sur :

- l’absence d’un certain nombre de garanties fondamentales contre les mauvais traitements lors de la garde à vue, c’est-à-dire que les personnes privées de leur liberté ne sont pas autorisées à consulter un avocat lors de leur arrestation et durant leur interrogatoire, qu’elles n’ont pas le droit de prévenir des proches ou une tierce partie ni de leur indiquer leur lieu de détention, qu’elles ne sont pas autorisées explicitement à voir un médecin, a fortiori un médecin de leur choix, et qu’elles ne sont pas informées de leurs droits ;

- le recours inapproprié ou excessif à la force dans le cadre de manifestations publiques ;

- le recours à des méthodes de contrainte cruelles et dangereuses lors d’opérations d’éloignement forcé du territoire par voie aérienne, et l’absence d’un organisme de surveillance indépendant qui contrôlerait le traitement des étrangers détenus dans les zones de transit des aéroports et au cours des procédures d’expulsion ;

- la détention des mineurs non accompagnés dans les centres pour immigrants en situation irrégulière et demandeurs d’asile, ainsi que les mesures insuffisantes concernant leur sécurité et leur protection lors de leur retour dans leur pays d’origine ;

-les difficultés rencontrées par des personnes souhaitant déposer plainte pour brutalités policières ;

- les obstacles qui gênent les enquêtes promptes et impartiales sur ces plaintes ainsi que la comparution en justice des personnes soupçonnées de ces violations des droits humains.


Hé oui, chers lecteurs, le fameux "j'ai droit à un coup de téléphone" inspiré par les téléfilms américains n'a hélas pas cours dans notre joli petit pays dont pourtant les ministres ou ex-ministres - Louis Michel en tête - ne perdent pas une occasion de jouer les donneurs de leçons en matière de respect des droits de l'homme. Une fois que les pandores vous arrêtent, vous êtes à leur merci. Pas de droit à un médecin ou à un avocat, ou même simplement à prévenir sa famille que l'on est détenu par la police. Comme dans les pires dictatures bananières, la police est toute puissante.

Et si vous êtes victime de mauvais traitements policiers, n'espérez pas pouvoir porter plainte vous-même auprès d'un commissariat. Mon élève, qui après avoir été relâché par ses tortionnaires, s'était rendu dans un autre commissariat pour porter plainte, s'est vu signifier qu'un agent ne serait pas disponible pour enregistrer cette plainte avant trois heures minimum ! Le plus efficace est encore de prendre un avocat et d'entamer une procédure devant un juge avec constitution de partie civile. Ah tiens, dans notre pays si prétendument citoyen et solidaire, comment les gens issues des classes les moins aisées de la population supporteront-ils les frais afférents au procès. Un "pro deo" ? Permettez-moi de rire poliment. Pour bénéficier de l'assistance juridique, il faut, pour un isolé, un revenu net inférieur à 750 euros par mois. Pour un couple, le revenu est généreusement amené à 965 euros par mois. Et l'aide "partielle" s'arrête dès que le revenu du couple dépasse 1.177 euros net par mois. A titre d'information, je vous signale qu'un couple de chômeurs de longue durée perçoit entre 1.105 et 1.367,6 € d'allocations brutes de chômage, ce qui les ramène à plus ou moins entre 1015,38 et 1195,12 € de revenu net par mois. Donc peu ou pas d'aide du tout. Comment fera ce couple s'il doit introduire le seul type de plainte qui ne risque pas d'être enterré avant instruction, la plainte avec constitution de partie civile, pour laquelle le plaignant doit avancer une "caution" de 125 euros au juge (ceci bien sûr sans compter les honoraires de l'avocat qui traite la plainte ...). Bien malin qui peut le deviner. Une fois de plus, sous un fin vernis de "justice sociale" se cache une réalité bien plus noire.

La Belgique, un paradis que le monde nous envie ? Je vous laisse juges, chers lecteurs.



1.4.05

Mascotte

Le vingtième siècle a vu la faucille et le marteau croisés devenir les symboles du socialisme et de la lutte des classes. Autre temps, autres moeurs. En ce début de 21ème siècle ou le communisme, phénix improbable de la pensée politique, renaît de ses cendres sous la trompeuse appellation de "progressisme", il me paraît opportun de lui trouver un nouveau "visuel", comme disent les gens de marketing. Et pourquoi pas l'autruche ?

Le lien entre l'autruche et le "progressisme" ? Cette admirable - mais suicidaire - propension à refuser d'affronter la réalité en face. Je ne vois pas où est le problème, ergo il n'existe pas. Simple, élégant, facile. En cette époque magique où une réflexion soutenue de plus de cinq minutes cause au quidam moyen une migraine dont il lui faudra la journée pour se débarasser, la pensée politique dominante ne s'embarasse plus de détails et refuse la confrontation avec ce qu'en pourraient dire ses contradicteurs. Voire même avec la réalité. Je vous propose, cher lecteur (ou chère lectrice), d'examiner ensemble quelques-uns des poncifs de la pensée altermondialo-solidaire et de les soumettre au "test de l'autruche".

Commençons par le mythe de l'Etat de droit. Le citoyen est censé, grâce au monopole de l'Etat, être assuré de "la liberté et la sûreté de sa personne". La police et la justice s'occupent de sa sécurité. Vraiment ? Quand ce ne sont pas les policiers eux-mêmes qui exercent des violences sur les citoyens pacifiques (voir à cet égard mes précédentes chroniques), la protection offerte par la police est pour le moins lacunaire. Combien de temps faut-il à un policier pour se rendre sur les lieux en cas d'agression ? Et quand l'agression a eu lieu, comment se déroule l'accueil au commissariat pour qui souhaite déposer plainte ? A en croire les témoignages que j'ai reçus ces dernières semaines, le manque d'amabilité des représentants de la loi n'a d'égale que leur incompétence. Je me souviens avoir un jour proposé au pandore qui prenait ma déposition de terminer de la taper à sa place, tant sa méconnaissance du traitement de texte influait sur le rythme de l'entrevue. Hélas, je me suis heurté a un refus catégorique. En fin de compte, il lui aura fallu près de deux heures pour prendre une déposition d'une page. Ne mentionnons même pas la justice, dont les "dysfonctionnements" permettent régulièrement à nos parlementaires de participer à ces "commissions parlementaires d'enquête" dont ils sont si friands. Pas par soif de justice, mais parce que la médiatisation de ces réunions leur permet de se faire mousser à bon compte et de se placer pour la prochaine échéance électorale.

Continuons avec la sécurité sociale. Vous êtes-vous déjà penché sur le coût astronomique que cela représente pour le citoyen ? Les cotisations de base à l'ONSS représentent en Belgique 37,94% du salaire brut d'un travailleur salarié. Cela ne tient pas compte du financement "alternatif", c'est-à-dire par l'impôt : en 2003, l'Etat a versé plus de 5 milliards d'euros dans les caisses de la sécurité sociale. Sur une populaton active de 4,5 millions, cela représente donc une ponction supplémentaire de 1.137 euros en moyenne par citoyen. Tout cela bien sûr sans compter les cotisations ONSS supplémentaires exigées aux entreprises de plus de 20 personnes, de moins de 150, et j'en passe. Tout cela pour financer un système qui, loin de remplir ses missions, est cependant en état de faillite virtuelle. Le gouvernement belge redouble de contorsions statistiques pour éviter de faire face à la vérité : exclusion de certains catégories de chômeurs des chiffres du chômage (si si), pré-pensions, manipulation des statistiques de la population active. Faut-il continuer ? Reprenons les chiffres des cotisations ONSS : 37,94% du salaire brut, cela signifie que pour un salaire brut de 2000 euros, 758 euros par mois partent en cotisations. Le citoyen de base ne voit partir que 261 euros sur sa fiche de paie, le reste est extorqué à son patron. Sur douze mois de salaire, cela fait donc 9096 euros auxquels j'ajoute les 1.137 euros de financement par l'impôt. Nous en arrivons donc à la somme astronomique de 10.233 euros. D'après Laure, de Quitter la Sécu, on peut se procurer dans le privé une assurance soins de santé pour environ 1.000 à 2.000 euros par an. D'accord, me direz-vous, mais cet argent ne couvre pas que l'assurance maladie, il y a aussi le chômage, les allocations familiales et la pension. Prenons la pension. Un petit tour sur le site d'une banque belge m'apprend que pour disposer d'un revenu fixe de 2000 euros par mois (soit plus que ce que notre travailleur gagne actuellement), il lui faut investir un capital 549.914,89 euros dans un des fonds d'assurance de la banque. Un rapide calcul de placement m'apprend qu'un travailleur né en 1980 qui placerait son argent dans un fonds d'épargne qui ne lui verse que l'intérêt minimum (3,5% par an) régulièrement jusqu'à sa pension devrait investir 6.200 euros par an pour disposer de cette somme à la pension. Notez que si le placement rapporte du 4% par an le montant tombe à 5.500 euros. Passez à du 4,5% et cela fait 4.900 euros par an. A titre d'information, les obligations à 10 ans du gouvernement américain rapportent actuellement 4,55% par an. Pour 6.000 euros par an, voici notre jeune travailleur assuré d'une confortable pension et mis à l'abri des dépenses que lui occasionneraient maladies et hospitalisations. Une assurance revenu garanti tourne autour des 600 euros de prime par an, donc notre travailleur peut être mieux couvert et pour moins cher les 10.000 euros que lui coûtent la Sécurité Sociale. Mieux couvert ? Je vous rappelle que les pensions actuellement prévues par l'Etat procurent au pensionné environ 80% de son dernier salaire net. Et la situation n'est pas prête de s'améliorer. Selon les estimations, le système des pensions par répartition sera en faillite au plus tard en 2030. Tiens, et en parlant de pension par répartition, nos amis "progressistes" vous ont-ils déjà dit que le premier gouvernement à appliquer le système fut le gouvernement de Vichy ? Comme ancêtre idéologique, il faut avouer qu'on fait mieux, n'est-ce pas ?
Chaque année, les discussions recommencent sur le même thème : comment financer le déficit de la sécurité sociale. Mais simultanément on vous prétend que l'Etat-Providence à la belge est une réussite que le monde nous envie. Nous avons je crois clairement établi le prix de cette réussite : 3 à 4000 euros de différence par an entre un système privé et le système actuel. Pour le ménage belge moyen, cette somme représente la différence entre vivre en comptant le moindre sou et vivre sans s'inquiéter de savoir si on mangera des pâtes au beurre à la fin du mois.

Heureusement, rétorquerons nos amies les autruches progressistes, l'enseignement gratuit et obligatoire permet de réduire les inégalités. Comme ce rapport PISA de l'OCDE tombe mal, lui qui nous rappelle que l'élève belge figure parmi les plus illetrés et les moins aptes au calcul des écoliers des 40 pays les plus développés de la planète. Les fidèles de cette chronique savent que j'exerce le métier de professeur dans une école du secondaire. Je peux vous confirmer que le rapport PISA sous-estime la réalité de terrain. Quand je demande à mes élèves de calculer la TVA à 21% sur un montant de 300 euros, ils sortent leur calculatrice. Quand je leur demande de lire un texte, je dois m'armer de patience et corriger leur déchiffrage en moyenne tous les cinq mots. Et je parle de lire, même pas de comprendre. L'autre jour, un élève d'une de mes classes de terminale s'est plaint de ce qu'un texte tiré du mensuel Budget et Droits (édité par l'association de consommateurs Test-Achats), texte de vulgarisation sur le mécanisme des centimes additionnels (vous savez, cet impôt sur l'impôt perçu par les communes), était beaucoup trop compliqué. S'agissait-il d'une option littéraire ? Pas le moins du monde, il s'agissait d'une classe d'humanités techniques option comptabilité. Vous ne me croyez pas ? Discutez-en avec ceux de votre entourage qui ont des bambins dans l'enseignement primaire. Vous apprendrez que la "méthode globale" continue à faire des ravages en lecture, que l'orthographe est déplorable, que les tables de multiplication ne doivent plus être apprises par coeur et que les fractions ne sont plus une "compétence certificative" (traduction : on peut apprendre aux élèves à se servir des fractions mais on ne peut pas les interroger pour évaluer leur maîtrise de la matière).

La réalité est là. Mais nos amis "progressistes" refusent de la regarder en face. Nos états sont au bord du gouffre, mais tout critique du système actuel est farouchement combattue : celui qui l'émet ne peut être qu'un horrible néolibéral, égoïste et pas solidaire pour un sou, qui veut mettre à mal notre beau pays pour le transformer en un far-west économique où le plus faible mourra écrasé par la loi du profit. "Un iceberg ? Mais non, vous avez mal vu !", aurait dit le capitaine du Titanic.