23.7.05

Cultures prohibées

En-dehors de la chasse aux Talibans, les troupes actuellement stationnées en Afghanistan ont une autre tâche tout aussi difficile à accomplir : l'éradication de la culture du pavot. Les sommes dépensées à cet effet sont colossales : l'effort accompli cette année a coûté plus d'un milliard de dollars. Les contribuables américains n'en demandaient sans doute pas tant. Cette politique porte-t-elle ses fruits ? Apparemment pas. Si le bilan de l'année précédente a pu apparaître impressionnant, c'est grâce aux conditions métérorologiques défavorables dont ont souffert les cultures de pavot. Cette année, pluies et ensoleillement ont alterné de façon optimale ce qui entraînera des rendements à l'hectare qui, selon les spécialistes, devraient compenser la réduction de surface cultivable.

Mais pourquoi les agriculteurs afghans se lancent-ils dans la culture du pavot ? Pour la même raison qui pousse les fermiers des Andes à cultiver la coca : cela rapporte nettement plus que les cultures traditionnelles. Dans un pays où quelques dollars peuvent faire la différence entre la subsistance et la famine, c'est tout simplement une question de survie. Autrement dit, le seul moyen de les empêcher de cultiver le pavot (ou la coca pour les andins) est de "subsidier" les cultures traditionnelles afin de les rendre aussi rentables que les cultures illicites. Cela représente un coût énorme. D'après "The Economist", la valeur de la récolte de pavot de l'an passé (prix "à la sortie de la ferme") était de 600 millions de dollars pour une surface cultivée de 131.000 hectares, soit un rendement de quelques 4.580 dollars à l'hectare. A titre de comparaison, les Centres d'Economie Rurale de Bretagne estiment le rendement d'un hectare de blé à 686 euros (774 euros pour le maïs). Le financement de programmes de substitution dont le but serait d'éradiquer entièrement la culture du pavot serait donc extrêmement lourd. Mais est-ce la seule méthode ?

En fin de compte, qu'est-ce qui justifie une telle différence de prix entre le pavot ou la coca et le maïs ? C'est tout simplement le caractère illicite de la production. Les prix de vente élevés des produits finis (héroïne et cocaïne) sont dûs à l'interdiction de commercialisation : les vendeurs exigent un bénéfice important pour compenser les risques que leur fait courir leur activité. Ce risque court tout le long de la chaîne de production, y compris jusqu'au petit agriculteur afghan ou colombien. Le prix élevé auxquels ces derniers peuvent écouler leur production est une conséquence de la prohibition qui frappe les drogues (douces ou dures) dans les pays occidentaux. La meilleure manière de diminuer drastiquement la culture de plantes destinées à la production de drogues serait donc de diminuer la prime de risque. Pour ce faire, une seule solution : la libéralisation pure et simple du commerce de la drogue. A ce stade-ci, j'entends déjà nombre de personnes pousser des cris d'orfraie ...

Réfléchissons un instant sans parti pris ni préjugés et examinons les raisons de l'interdiction des drogues. Le catéchisme du parfait petit étatiste veut que l'Etat protège ses citoyens contre des produits aux effets dangereux, socialement déstructurants, addictifs, et j'en passe. Appelons un chat un chat : ceci est tout simplement de l'hypocrisie. Si l'Etat souhaitait réellement "protéger" le citoyen contre ce genre de produits, pourquoi l'alcool est-il encore en vente libre ? Par ailleurs, les effets secondaires de cette prohibition ne sont-ils pas de loin plus dommageables pour le citoyen lambda ? D'abord pour le drogué, obligé de se procurer son produit à un coût exorbitant, sans aucune garantie de qualité, sans aucun renseignement sur la provenance, la fiabilité du producteur, bref sans aucune de toutes ces garanties dont bénéficie le quidam qui va s'acheter une Pils au supermarché du coin. Ensuite, pour la population en général : la marginalisation du commerce de la drogue a causé une augmentation de la petite criminalité, et surtout l'apparition de gigantesques mafias, brassant des sommes colossales, et dont les activités de blanchiment causent elles-mêmes de nouvelles distorsions sur de nombreux marchés. La simple présence de différentes mafias de la drogue à Malaga a récemment causé la mort d'une petite fille de neuf ans, victime d'une balle perdue lors d'un réglement de comptes entre bandes rivales. Le commerce de la drogue est d'autre part la principale source de revenus des différentes rebellions et guérillas à travers le monde, ainsi que de nombre de groupements terroristes, sans compter les "pourcentages" prélevés par des gouvernements corrompus : qui ne se rappelle pas les frasques du Général Noriega au Panama ?
Et que dire des effets de la "guerre contre la drogue" sur les libertés individuelles ? Toutes les lois actuelles passées sous couvert de "lutte contre le blanchiment d'argent" et qui restreignent la liberté de circulation de l'argent, toutes ces lois sur les écoutes téléphoniques, les pouvoirs de saisie exorbitants accordés par le Congrès Américain à la D.E.A (l'agence fédérale de lutte contre la drogue), ...
Tous ces effets pervers sont supposés moins importants que ceux engendrés par la consommation de drogue par une part somme toute minime de la population ? De qui se moque-t-on ? De l'aveu même d'un nombre croissant d'acteurs dans la lutte contre la drogue, il s'agit d'une guerre perdue d'avance. Au nom de quoi ? D'une idéologie qui vise à "protéger le citoyen contre lui-même" mais dont l'incohérence est telle que de nombreux produits aussi destructeurs que l'héroïne et la cocaïne - au premier chef l'alcool et le tabac - sont toujours en vente libre ? Voilà qui donne matière à réflexion, ne trouvez-vous pas ?




20.7.05

Insoutenable protectionnisme européen

Il n'y a pas que les textiles chinois qui "bénéficient" de la remarquable politique d'ouverture des marchés de l'Union Européenne. Ainsi, les bananes originaires de pays extérieurs à la Convention ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) seront frappées en janvier prochain d'une augmentation des droits d'importation, qui passeront de 75€ à 230€ la tonne. Première victime de cette hausse : le Costa-Rica.
La cause de cette augmentation ? Une décision de l'Organisation Mondiale du Commerce qui rend illégal un système de licences d'importation utilisé par l'UE pour limiter les importations de bananes en provenance d'Amérique du Sud. Actuellement, la caisse de bananes de 18kg, vendue 5€ par le cultivateur, se voit en effet ajouter 1,36€ de droits de douane et 3€ de frais de licence à son arrivée en Europe. Autrement dit, le prix de la caisse de bananes à la sortie du pays double rien qu'à cause des taxes. Comment peut-on encore parler d'Europe ultralibérale dans ces conditions ?




1.7.05

To protect and to serve (part IV)

Nos amis les pandores ont à nouveau frappé un grand coup. Sur la personne du vice-président du MRAX (le mouvement de lutte contre le racisme et la xénophobie) au cours d'un contrôle de police sur la place de la Bourse en plein centre de Bruxelles. Evidemment, comme il s'agit du MRAX, l'affaire a fait beaucoup plus de bruit que d'habitude, et a même eu les honneurs du journal télévisé de la radio-télévision bolchévique francolâtre. A cette occasion, nous apprenons que le comité P - l'organisme chargé de contrôler les activités de la police - a traité 58 plaintes pour violences policières à caractère raciste en 2003, contre seulement 22 en 2000. Vous me direz, cette évolution peut avoir pour cause une meilleure information des citoyens sur les moyens de faire respecter leurs droits. Il n'empêche, cela reste préoccupant. D'autant que le juriste du MRAX déplore, pour sa part, la vitesse à laquelle les plaintes sont classées sans suite par le comité P. Cela confirme les propos qui m'ont été tenus il y a peu par un avocat au barreau de Bruxelles : le meilleur moyen de faire aboutir une plainte est de la déposer devant un juge avec constitution de partie civile. La constitution de partie civile permet au plaignant d'accéder au dossier et éventuellement de demander des devoirs d'enquête supplémentaire lors du passage en Chambre du Conseil. En cas de condamnation au procès, le comité P est alors obligé de prononcer des sanctions disciplinaires à l'égard des policiers indélicats. Mais mieux vaut prendre un bon avocat si l'on veut avoir une chance de voir la procédure aboutir. Ce qui n'est évidemment pas à la portée de toutes les bourses.