22.3.05

"To protect and to serve" (part II)

Voilà donc l'infortuné footballeur emmené manu militari vers le commissariat. La violence de l'interpellation augurait hélas fort bien de la suite des événements. Emmené dans une cellule et sommé de se déshabiller, le pauvre garçon est ensuite violemment giflé à plusieurs reprises par le policier qui l'a interpellé (le lendemain des événements, il avait le visage tuméfié). Gifles interrompues de joyeux commentaires dans le style "alors, hein, tu fais moins le malin maintenant", "je t'avais dit que t'allais savoir comment je m'appelle", et cetera et cetera. Le policier rédige un procès-verbal dans lequel il affirme que le garçon l'a frappé et tente de lui faire signer une déposition dans laquelle il "déclare" s'être rebellé lors de l'arrestation et avoir frappé un agent de police. Tout un arsenal de techniques d'intimidation dont on pourrait croire qu'il est l'apanage des forces de police de dictatures bananières mais que l'on retrouve hélas également dans notre royaume fritier.

Depuis cet événement, les commentaires que j'ai reçu tant sur le net (voir ici et ici) que de la part de collègues, proches ou connaissances, tendent à confirmer que cette malheureuse mésaventure n'est pas un cas isolé. Les brutalités policières sont une triste et banale réalité dans notre beau royaume ainsi que dans la petite république qui jouxte sa frontière méridionale. Une source digne de foi m'a par ailleurs confié que le juge qui, à Bruxelles, s'occupait d'instruire les cas de violence policières était jusqu'il y a peu un ancien militaire. Vous avez dit "classement vertical" ?

Walter Rebuttand, un des sympathiques intervenants du meilleur des forums, ainsi d'ailleurs qu'Eskoh faisaient très justement remarquer que ces violences policières injustifiées sont la conséquence logique du monopole dont jouit la police dans la prestation de ce type de services de sécurité. A partir du moment où aucune concurrence ne l'incite à améliorer la qualité de ses prestations, il est logique que les employés de ce service, lesquels jouissent d'ailleurs généralement du statut de fonctionnaire, ce qui les rend d'autant plus inamovibles, et sont par ailleurs protégés par une hiérarchie - je ne parle même pas ici de la hiérarchie fonctionnelle mais du pouvoir judiciaire puisqu'en Belgique les juges d'instruction sont habilités à donner des ordres aux policiers - ressentent un sentiment d'impunité qui finit par les pousser à croire que "la loi, c'est eux". Il devient urgent de tirer les conclusions de la situation et de reconsidérer sérieusement cette croyance qui veut que l'Etat puisse se réserver le monopole de l'usage de la violence.

21.3.05

Publicité

En télévision, il est de rigueur d'insérer au milieu d'une émission une petite page de publicité afin de financer les activités de la chaîne. Et de ménager le suspense entre les deux parties du feuilleton. Blogger étant gratuit, je n'ai rien à financer, ce qui me dispense généralement de vous enquiquiner avec des messages commerciaux.

Cependant, afin de préserver le suspense, par amitié, et surtout par amour du breuvage qu'il brasse, je me permets d'attirer votre attention sur le site de mon brasseur favori. Sa bière, blonde et agréablement parfumée, ravira les palais les plus exigeants. L'Empire de Constantin est d'ores et déjà conquis ...

15.3.05

"To protect and to serve"

Je me rappelle de mon émerveillement lorsque, adolescent, je regardais des séries policières américaines à la télévision. Cet émerveillement était causé par la devise du LAPD, la police de Los Angeles : to protect and to serve (protéger et servir). Quelle admirable devise pour un corps de police, me disais-je, et quelle description concise mais exhaustive du travail de policier. Ensuite il y eut l'affaire "Rodney King", du nom de ce citoyen afro-américain sorti de sa voiture et passé à tabac par quatre policiers, qui n'avaient pas remarqué qu'un hélicoptère de la télévision filmait la scène.

Bah, me suis-je dit à l'époque, il s'agit d'une regrettable dérive du système américain, mais nous sommes à l'abri de tels incidents dans notre beau royaume. Réflexion typique de l'adolescent choyé, qui a peine à réaliser que de telles choses peuvent arriver à deux rues de chez lui.

Finalement, c'est jeudi passé que j'ai pu constater par moi-même que les violences policières ne sont pas une spécialité d'outre-atlantique, et que nos soi-disant représentants de la loi et de l'ordre se comportent comme il leur plaît, sûrs qu'ils sont de jouir d'une impunité totale. Voici les faits tels qu'ils se sont déroulés.

Jeudi, 16h15, sortie des cours dans une commune de Bruxelles. Quelques élèves se dirigent vers l'arrêt de bus situé non loin de l'établissement. L'un deux, apercevant une canette vide sur le trottoir, shoote pour faire une passe à son condisciple, lequel renvoie immédiatement le ballon improvisé. Une voiture de police s'arrête à hauteur du petit groupe. Un policier sort la tête par la vitre et aboie "tu ramasses !" en direction du deuxième footballeur improvisé. Ce dernier, rebelle mais poli, rétorque qu'il n'est pas le propriétaire de la canette vide, qu'il se serait bien exécuté pour faire plaisir au pandore, mais que la rudesse et l'impolitesse du ton employé l'en ont dissuadé.

- Tu ramasses ou bien je te verbalise !
- Vous pouvez verbaliser, mais sachez que je contesterai le procès-verbal
- Tes papiers !

L'élève s'exécute. Le policier sort de la voiture, attrape l'adolescent, le plaque contre la voiture et se met à le fouiller. Ensuite, il se saisit de la canette, agrippe le jeune et lui fourre la canette dans le pull avant de l'embarquer sans ménagement dans son véhicule. Quelques professeurs qui avaient assisté à la scène interviennent pour demander au policier de quel droit il procède ainsi à une arrestation pour un motif aussi futile. Le policier les ignore. Par contre, lorsqu'un des condisciples du garçon proteste, il répond en hurlant : "Quoi, qu'est-ce qu'il y a, tu n'es pas d'accord ? Tu veux peut-être venir avec lui au commissariat ? Non ? Ben alors tu fermes ta gueule".

Un des professeurs s'émeut et interpelle un des policiers : "mais monsieur, ce que vous faites là s'appelle de l'abus de pouvoir". Ignorant superbement cette remarque, la voiture de police démarre en trombe direction le commissariat. Hélas pour le jeune footballeur en herbe, l'affaire ne s'arrête pas là.


6.3.05

Capitalisme et mondialisation au petit déjeuner

N'en déplaise aux chantres de l'altermondialisation et du collectivisme, le capitalisme et la mondialisation ont un effet positif tangible sur notre quotidien. J'en veux pour exemple mon petit déjeuner de ce dimanche matin.

Tiré du sommeil par le ronronnement d'un de mes chats, je m'extrais d'un lit futon japonais pour me rendre à la cuisine de mon appartement. Là, à l'aide d'un four à micro-ondes coréen, je réchauffe une tasse d'eau avant d'y verser deux cuillers de café instantané fabriqué par une société suisse à partir de grains de café importés d'Amérique du Sud. Je rejoins ensuite ma salle à manger dont les chaises viennent d'un fabriquant suédois de meubles bon marché. Armé d'un couteau, je tartine généreusement une tranche de pain de fromage bourguignon. Tenaillé par une faim de loup, j'enchaîne en enduisant une deuxième tranche de beurre allégé finlandais et de confiture de framboises française. Pendant ce temps, ma chaîne hi-fi allemande dont les composants ont probablement été fabriqués en Chine ou à Taiwan diffuse la musique d'une chanteuse cubaine. Afin de parfaire mon bonheur dominical, j'allume un baton d'encens tibétain fabriqué au Népal et je laisse la fumée se répandre en lourdes volutes à travers la pièce.

S'opposer au capitalisme et à la mondialisation, c'est lutter contre ce quotidien tout simple qui est le lot de chaque citoyen chaque matin. Si ce fromage bourguignon a atterri sur ma table, c'est parce qu'un entrepreneur a décidé un beau jour de se mettre à fabriquer et à vendre du fromage pour en tirer sa subsistance et qu'une entreprise établie en Belgique a décidé qu'elle pourrait tirer un profit de l'importation et de la vente de ce produit. M'exploite-t-il pour autant ? Non, je suis content d'avoir payé pour ce fromage un prix qui me paraît raisonnable au regard du plaisir que représente sa dégustation. Et ainsi de suite pour chacun des produits cités. S'opposer au commerce international et taxer les importations, c'est rendre ce genre de petits plaisirs inaccessibles aux "petites gens". Car l'adage si utilisé par les écolâtres wallons, "c'est toudi les p'tits qu'on spotche" s'applique aussi lorsqu'on tente pour une raison X ou Y d'empêcher la libre allocation des ressources dans l'économie : le premier résultat d'une intervention quelle qu'elle soit est de rendre la vie plus chère. Ce sont donc les classes les moins favorisées de la société qui pâtissent de ce genre de mesures. Et cela, nos amis altermondialistes qui utilisent sans vergogne les services des compagnies aériennes capitalistes et polluantes pour se rendre à l'autre bout du monde dans un "Forum Social" équipés d'ordinateurs portables et de téléphones mobiles issus de ce capitalisme qu'ils conspuent l'oublient trop souvent.

2.3.05

A la fin de l'envoi je touche ...

Le livre d'Alain Destexhe et son débat avec Jean-CLaude Marcourt sur les ondes de Radio-Moscou ne sont pas passés inaperçus. Curieusement, d'ailleurs personne n'a l'air de contester les chiffres avancés par ce brave monsieur Destexhe. On critique la mise en cause de Serge Kubla, ancien ministre de l'économie, par quelqu'un de son propre parti, on s'insurge contre le fait qu'un bruxellois vienne donner des leçons aux wallons, on tente de préserver le sacro-saint "contrat d'avenir pour la Wallonie" du naufrage, on s'émeut de ce que certains économistes qui ont contribué à l'opus de Destexhe ont demandé à conserver l'anonymat - ce qui permet à chaque commentateur d'intéressantes variations sur le thème "nous ne sommes pas dans une dictature ici" - mais jamais personne ne remet en cause la thèse avancée par Monsieur Destexhe. C'est ce qu'on appelle un beau coup de pied dans la fourmilière. A présent les petites fourmis politiciennes s'agitent dans tous les sens. Ne perdons pas de vue dans cette agitation le message que fait passer monsieur Destexhe : la Wallonie est un désert économique, qui se porte encore plus mal que la région de Budapest et est en train de se faire rattraper par la Slovénie. Remarquez, rien d'étonnant à cela : les Hongrois et les Slovènes ont eu l'excellente idée de se débarrasser des communistes il y a quinze ans. On ne peut hélas pas en dire autant des wallons.


1.3.05

Règlement de comptes à Gaucho Corral

Rififi ce matin à 7h45 sur les ondes de la radio-télévision bolchévique francolâtre : un petit débat d'un quart d'heure entre Jean-Claude Marcourt, ministre socialiste de l'économie wallone, et Alain Destexhe, franc-tireur patenté du MR, a tourné à la séance d'étrillage en règle. Le débat avait lieu à l'occasion de la sortie hier en librairie d'un petit opus de soixante pages d'Alain Destexhe où ce dernier critique les statistiques économiques de la région wallone et les compare aux statistiques Eurostat pour la même période. Le constat du livre est tranchant : la Wallonie, loin de combler son retard sur les autres régions européeennes en difficulté, s'enfonce dans le marasme et la morosité.

Dès l'ouverture du débat, le ton est donné. Alain Destexhe assène ses vérités avec force et conviction. Marcourt, abasourdi, tente de se cacher derrière un écran de phrases passe-partout ("nous pouvons nous battre sur des chiffres, mais ça n'intéresse pas les wallones et les wallons", "critiquer ainsi monsieur Kubla, ça va être intéressant au MR", "je suis venu ici m'exprimer ici au nom de tous les wallons, que Mr Destexhe n'est pas" et cetera). Pas un instant il ne réfute les chiffres avancés. Là-dessus, Destexhe reprend son martelage, en expliquant que vingt ans de socialisme ont fait reculer la santé économique Wallonie loin derrière la moyenne européenne. Marcourt l'interrompt par de nouvelles attaques ad hominem, et c'est là que Destexhe a cette phrase merveilleuse :

"Monsieur Marcourt, j'ajoute que pour moi vous incarnez jusqu'à la caricature un Etat et un système PS qui précisément explique la faillite de la Wallonie".

J'en connais qui ont dû s'étrangler en buvant leur café ...






Pour ceux que cela intéresse, voici la page où se trouve l'intégralité du débat.