Inspecteur Labavure
Le Soir en Ligne publiait aujourd'hui une information qui prêterait à rire si la vie d'une jeune femme n'avait pas été perturbée : les policiers belges et l'Office des Etrangers ont arrêté, détenu pendant trois jours dans un de nos fameux "centres fermés" et délivré un ordre de quitter le territoire ... à une citoyenne belge.
Les articles publiés sur le site du Soir disparaissant du site dès le lendemain de leur parution, je vous résume la situation.*
Bien sûr, la demoiselle était un petit peu trop bronzée (elle est d'origine congolaise) pour avoir l'air honnête aux yeux des pandores qui l'ont contrôlée à la gare du Midi. Je suppose qu'on avait dû oublier de leur expliquer dans leurs séances de formation qu'il était possible d'être belge sans afficher la blondeur de notre bonne princesse Mathilde. Soupçonneux, ils ont évidemment affirmé que la carte d'identité belge qu'elle leur a présenté était un faux. Ainsi d'ailleurs sans doute que son passeport, sa carte de mutuelle, sa carte de banque et j'en passe. Contactée par la police à l'insistance de la jeune femme, la mère de l'infortunée, réfugiée politique naturalisée belge, confirme l'identité de sa fille et sa nationalité. Rien n'y fait. Une nuit au poste, puis délivrance d'un ordre de quitter le territoire par l'Office des Etrangers qui n'a apparemment pas pris la peine de vérifier les dires de la police. Direction un centre fermé à Bruges, dont seule l'intervention d'un avocat et de son médecin traitant parviennent à la tirer. La police, qui l'avait "cueillie" gare du Midi, la dépose sans explication ni excuse à la gare de Bruges. Contacté par les services du Soir, l'Office des Etrangers a reconnu qu'il y avait eu erreur.
Ah, j'oubliais le plus grotesque : d'après le Soir, l'ordre de quitter le territoire stipulait que la jeune femme, "de nationalité belge", ne disposait pas de visa pour la Belgique sur son passeport. Je ne sais pas pourquoi, cela me fait irrésistiblement penser à un sketch des Snuls.
Ce genre de mésaventure, en plus bénin ou en plus grave, est le lot quotidien de la population. Dysfonctionnements, racisme, insécurité, enquêtes bâclées, violences policières, zones de non-droit à Bruxelles et à Liège, policiers corrompus ou incompétents, les faits s'accumulent sans que personne n'ose élever la voix pour dénoncer l'échec de la gestion de la sécurité par les pouvoirs publics. De toute façon, dans notre beau pays, la police a le monopole de l'usage de la violence et entend bien le faire respecter, même quand c'est un bourgmestre qui fait appel à une société de gardiennage pour offrir à ses concitoyens une protection que sa police est incapable de fournir. Société qui, bien qu'elle ait répondu à l'appel d'un pouvoir communal, devra encourir seule les poursuites engagées par le Ministère de l'Intérieur.
Car il existe un tabou dans nos soi-disant Etats de droit : surtout, ne parlez pas de privatisation de la sécurité. Interdisons les milices privées et le port d'armes, et laissons les citoyens dans l'insécurité. Vous n'imaginez pas les dérives qu'une telle privatisation entraînerait ! Là, franchement, on ne peut pas donner tout à fait tort aux défenseurs du tout-à-l'Etat : difficile d'imaginer une bavure que nos créatifs services publics de sécurité n'aient pas encore commise.
* je tiens à la disposition des lecteurs qui en feraient la demande une copie de l'article en question.