25.8.06

Plongée dans l'enfer constructiviste

Décidément, la ministre Arena ne peut pas supporter l'idée du libre choix de l'école. Parallèlement à ses dernières lubies concernant les bassins scolaires, voilà à présent qu'elle veut interdire les inscriptions à l'avance dans les écoles.

Evidemment, le projet a ses habituels relents constructivistes. Tout cela, voyez-vous, est fait au nom de la "mixité sociale". Le credo constructiviste veut en effet que les écoles aient une population qui soit l'exact reflet de la société. Ainsi, continuent les béni oui-oui de l'intégration forcée, chacun aura la chance d'être en contact avec des gens issus de milieux socialement différents, et puis surtout, les enfants issus de milieux "socialement défavorisés" (il est interdit de dire "pauvres" quand on parle la novlangue) auront l'opportunité d'apprendre dans un milieu intellectuellement stimulant.

Permettre aux parents de s'inscrire à l'avance, c'est indirectement permettre aux écoles les plus courues d'organiser des listes d'attente et de sélectionner les élèves qui s'intégreront le mieux dans l'établissement. C'est donc, poursuivent les constructivistes, une manière d'organiser l'élitisme en matière d'éducation.

Dans la Bible du petit collectiviste, l'élitisme est un des sept péchés capitaux. Cette idée est marquée, non du Nombre de la Bête, mais, pire encore, du sceau infâme de l'ultralibéralisme. Et pourquoi par la méritocratie tant qu'on y est ? Le rêve de nos petits constructivistes c'est une école où tout le monde est égal, où tout le monde a les mêmes points, où chacun à l'occasion d'échanger. Nulle mention dans le credo collectiviste de la nécessité de fournir aux enfants une éducation de qualité. Cela, c'est secondaire. L'important, c'est que le rouleau compresseur collectiviste écrase tous les enfants dans le moule de la solidarité citoyenne et festive. On s'en fout s'ils sont analphabêtes. Non, en fait, on ne s'en fout pas. Des citoyens abrutis et illettrés, que l'on peut maintenir dans la misère tout en leur faisant croire qu'on les aide, c'est l'idéal caché du socialisme.

Pendant ce temps, sur le terrain, la réalité a une manière bien à elle de se jouer des bonnes intentions dont les élites bien-pensantes pavent le chemin de l'enfer constructiviste. Que va-t-il se passer ? Ce qui commence à arriver maintenant : un exode progressif des classes sociales aisées vers l'enseignement libre, voire l'enseignement privé. Les pauvres, qui pouvaient auparavant espérer, grâce à leurs seuls mérites intellectuels, être admis dans ces écoles élitistes mais gratuites (ou presque), n'auront d'autre choix que la morosité du désert intellectuel que l'enseignement public sera devenu.

Elève Arena, vous me copierez cent fois "je ne dois pas imposer mes folies constructivistes à mes concitoyens".





22.8.06

Petite plongée dans les archives

En fouillant les archives de l'Empire de Constantin, je suis retombé sur une chronique publiée à l'occasion des dernières élections législatives. Mutatis mutandis, ce texte convient parfaitement aux élections communales qui approchent. Je vous le livre donc ici :



Alors que les bourgeons se déplient lentement sur les arbres et les arbrisseaux et que les moineaux volètent frénétiquement à la recherche de matériaux destinés à construire le nid dans lequel ils forniqueront avec ardeur pour la perpétuation de l’espèce, les villes et les campagnes de notre plat pays se préparent à subir l’assaut d’une vague de parasites particulièrement voraces. Il n’est hélas aucun insecticide assez puissant pour lutter contre les rejetons de cette repoussante vermine qui viennent tous les quatre ans occuper les moindres recoins de notre champ visuel. D’ici quelques semaines, de répugnants morceaux de papier, décorés de la trogne compassée et aguicheuse des politiciens en quête de voix et barrés de slogans creux viendront recouvrir le moindre espace plane à leur disposition.

Ne vous y trompez pas, bonnes gens, ces succubes malfaisants ne cherchent nullement, comme ils le prétendent avec angélisme, à se servir du pouvoir que votre vote leur confèrera pour améliorer la façon dont votre pays est géré, que du contraire ! Ils attendent avec impatience que vous leur signiez un nouveau blanc-seing de quatre ans qui leur permettra de puiser à nouveau dans vos poches en toute impunité l’argent qu’ils gaspilleront ensuite sans votre consentement à financer des politiques inefficaces et les coûteuses campagnes de propagande destinées à vous convaincre de leur utilité. Chaque nouveau cycle de quatre ans voit ces harpies pondre des milliers de pages de textes dont l’effet est d’augmenter le contrôle que l’Etat exerce sur vos vies. L’air digne et concerné, ils squattent ensuite les écrans de télévision pour vous expliquer, l’œil humide et la voix vibrante, que chaque nouvel édit répond à votre demande légitime d’améliorer la « protection » dont vous jouissez. Ne vous y trompez pas, ce n’est qu’un leurre. Chaque texte de loi entérine un nouveau recul des libertés individuelles, une nouvelle déresponsabilisation de la population, tout cela sournoisement déguisé afin de vous persuader que nos « politiques » agissent dans l’intérêt de tous.

Dans la grande mascasrade qui débute, chacun tient à convaincre le citoyen hésitant que lui seul parviendra à changer les choses, alors que tous savent pertinemment que le nouveau mandat qu’ils briguent leur servira seulement à accroître leur pouvoir personnel. Dans leur cynisme malfaisant, ils ont même réussi à persuader l’innocent citoyen que le vote est un « droit ». Comment peuvent-ils avoir le toupet d’affirmer une telle chose, alors que si vous refusez d’exercer ce droit, la « justice » peut vous infliger une amende et/ou une peine de prison ?

C’est pourquoi je vous invite, chers lecteurs, à vous livrer à la désobéissance civile. En refusant de vous rendre aux urnes le mois prochain, vous marquerez votre désapprobation à l’égard de ces gens qui se croient tellement plus intelligents que vous qu’ils espèrent vous duper une fois de plus en toute impunité.





21.8.06

Le coup de grâce

La nouvelle est officielle depuis peu, et c'est mon ami Climax qui en parle : la disparition programmée de la liberté du choix de l'école pour les parents entrera sans doute l'année prochaine dans sa première phase, si du moins personne ne résiste d'ici là. L'homogénéisation forcée des populations scolaires n'est plus un voeu pieu mais une réalité. Attendez-vous à une nouveau tour de manivelle dans le sens d'une baisse globale de la qualité de l'enseignement en Communauté Française de Belgicanie. Le texte communiqué par La Libre Belgique fait froid dans le dos. J'ai mis en gras les passages les plus choquants :

C'est sans doute la surprise de l'agenda des mois qui viennent. Ce sujet explosif avait été enterré, il y a un an. Une enquête interuniversitaire avait été commandée pour tenter de faire le point sur la meilleure manière d'organiser la répartition des élèves dans les écoles. Le libre choix, comme ici? Une carte scolaire à la française? A moins qu'il s'agisse d'organiser l'offre des écoles?

Ses conclusions avaient été dévoilées dans la plus grande discrétion, à l'occasion d'un colloque consacré à autre chose dans la banlieue de Charleroi. Les chercheurs qui s'en étaient chargés attendent, depuis, que le résultat de leur travail serve de base au débat.

Ces scientifiques se sont prononcés en faveur d'un système de traitement collectif des préférences, tel qu'appliqué en Espagne. Les familles font des choix d'écoles et les communiquent non pas aux directions, mais à une autorité collective. La liberté de choix des familles est ainsi respectée et l'équité entre elles est même renforcée.

Après ce très long silence, un texte est annoncé pour novembre.


Donc, pour commencer, on évite au maximum d'informer la population en dévoilant les résultats d'une étude commandée par le ministère au cours d'un colloque qui n'a rien à voir.

Ensuite, les chercheurs se prononcent pour un "traitement collectif des préférences". La suite est sans équivoque : les parents prient l'administration de bien vouloir accepter le choix qu'ils ont fait, et s'en remettent à la volonté toute-puissante d'une "autorité collective". Remarquez au passage le flou artistique du terme employé. En clair, on va créer un nouveau bazar payé par le contribuable, et qui recrutera son effectif, ça ne fait pas un pli, parmi les "experts" qui ont pondu l'étude. Quel remarquable moyen de se créer un nouvel emploi aux frais et aux dépens des contribuables !

Les mots me manquent pour traduire l'écoeurement et le découragement qui me saisissent, en tant qu'enseignant, à la lecture de cette dépêche. Car, ne nous leurrons pas, c'est actuellement la compétition entretenue entre les écoles par la liberté de choix des parents qui motivent enseignants et directions à concevoir des projets pédagogiques originaux, à tenter, à l'intérieur du carcan des "programmes de cours" et des "évaluations communes" rendus obligatoires, de créer un projet pédagogique atractif et de fournir ainsi aux enfants une éducation qui puisse leur convenir au mieux. Si les parents ne peuvent plus effectuer leur choix eux-mêmes, après discussion avec les directions des écoles concernées, que reste-t-il ? Rien.

Mon pronostic pour l'avenir : un transfert encore plus massif d'élèves vers l'enseignement libre, en tout cas pour ceux qui en ont les moyens. Parallèlement, ceux qui auront moins de revenus auront recours aux services d'écoles privées du mercredi et du samedi, comme par exemple Acadomia en France. Belle opportunité pour les enseignants suffisamment entreprenants, qui gagneront mieux leur vie en faisant un travail plus motivant dans une plus grande liberté. Mais à quel prix ?

C'est pourtant clair : les enfants intelligents dont la famille possède les moyens nécessaires à leur éducation quitteront entièrement ou partiellement le giron de l'enseignement "public" qui deviendra, comme en France ou aux Etats-Unis un ghetto à pauvres, une machine à perpétuer les inégalités sociales. Jusqu'à ce qu'on interdise tout simplement l'enseignement libre et les écoles du samedi, au nom de la nécessaire "cohésion sociale".

La mort programmée de la Belgique francophone est en marche. Si personne ne résiste, il sera bientôt trop tard.




20.8.06

Bruxelles, ma bile

Je n'aime pas Bruxelles. Il s'agit sans conteste de la capitale la plus moche d'Europe. Les abrutis qui nous dirigent n'ont manifestement pas intégré dans leur raisonnement un concept essentiel : la capitale, c'est un peu la vitrine du pays.

Remarquez bien, quand on y pense, Bruxelles représente fort bien la Belgique :

- Le taux de chômage y est aussi élevé, si pas plus, qu'en Wallonie.
- A part quelques bastions qui résistent tant bien que mal, l'enseignement y poursuit son lent déclin qualitatif.
- Les autorités responsables de la gestion de la "mobilité" y accumulent les décisions délibérément hostiles aux automobilistes sans cependant créer un réseau de transports en commun performant.
- Réseau dont les travailleurs, beaucoup trop nombreux (ça date de l'époque où pour résorber le chômage on engageait à tour de bras dans les administrations) sauf aux postes critiques pour lesquelles une qualification minimale est exigée, prennent à intervalles réguliers les navetteurs en otage pour obtenir de nouvelles concessions salariales financées par le contribuable.
- La fiscalité communale et régionale explose, à tel point que les entreprises commencent à s'expatrier en Wallonie (c'est dire l'étendue de leur désespoir).
- Les politiciens socialistes y magouillent autant, voire plus qu'à Charleroi. Et les libéraux ne sont pas en reste.

A ce portrait peu râgoutant, qui peut s'étendre sans trop de peine au reste du pays, viennent s'ajouter quelques facteurs typiquement bruxellois :

- les rues sont sales en permanence. Et quand les commerçants du centre font valoir le préjudice que cela leur fait subir, et comparent le prix qu'ils paient à Bruxelles-Propreté (ils sont par exemples obligés, outre les taxes communales qui frappent leur commerce, d'acheter des sacs poubelles spéciaux, à 7,50 € le cas), l'échevin en charge de la propreté les traite de haut
- les règles d'urbanisme, qui étouffent les petits propriétaires, sont régulièrement violées au bénéfice de projets immobiliers qui défigurent les rues, grâce à la sensibilité particulière des édiles bruxellois au lobbying
- la vie nocturne est quaisment inexistante. Promenez-vous dans le centre un vendredi ou un samedi soir, vous comprendrez ce que je veux dire : les bars sont à moitié vides et manquent d'ambiance, et surtout, il n'existe aucun "quartier" dans le genre du "Carré" liégois où s'enfilent les bars et les discothèques et où se presse une joyeuse foule de fêtards. Le seul "ilôt" du genre est le mal-nommé "Ilôt Sacré", qui n'attire que les touristes étrangers tant les restaurants s'y sont spécialisés dans l'arnaque et la nourriture de piètre qualité. Celui qui souhaite réellement s'amuser dans une bonne ambiance doit fréquenter les événements organisés pour les expatriés ou bien les lieux d'amusement plus bourgeois accessibles seulement aux happy fews prêts à se déplacer vers le sud de Bruxelles et à montrer patte blanche aux portiers, au risque de se faire refouler pour la simple raison que ces derniers ne vous ont pas suffisamment vu là-bas ou que vous ne connaissez pas assez d'habitués du lieu
- Bruxelles est la seule capitale d'Europe dont une majorité d'habitants déteste se rendre dans le centre. Posez la question autour de vous, vous serez surpris de voir combien les gens qui se rendent dans le centre le soir pour boire un verre près des Halles Saint-Géry sont peu nombreux.
- Quant aux touristes, ils sont bien peu nombreux en regard de ce que notre capitale pourrait leur offrir. Et on peut les comprendre. Les musées sont dans un état pitoyable, par exemple, et rien n'est vraiment fait pour y changer quelque chose. La section "art moderne" du musée de la rue de la régence en est un exemple typique. Les collections sont intéressantes et contiennent des oeuvres plus que dignes d'intérêt, mais elles sont tellement mal agencées et piètrement présentées qu'il faut vraiment beaucoup de bonne volonté pour apprécier sa visite. Je me rappelle même un jour avoir vu un tableau littéralement baigné des rayons du soleil parce qu'un garde inattentif avait laissé un store relevé. Si ma mémoire est bonne, il devait s'agir d'un Permeke ou d'un Brusselmans.

Bruxelles souffre, comme le reste du pays, d'ailleurs, du syndrome de la méthode Coué. Tout le monde se répète fiévreusement que tout va bien, qu'on vit bien en Belgique, que nos activités culturelles et notre gastronomie nous sont enviés par le monde entier. Les oeillères sont bien en place. Les voyages, qui seuls permettent la comparaison, deviennent de plus en plus l'apanage d'une élite, si du moins on sort des séjours "all-inclusive" dans un hôtel de Tunisie ou de la Costa del Sol. Ceux qui visitent régulièrement Londres, Paris, Madrid, Rome, Florence, Prague ou Barcelone sont les seuls à se rendre compte de l'évidence : ces villes - et je pourrais en citer beaucoup d'autres - sont plus intéressantes, plus dynamiques, plus propres et mieux gérées que Bruxelles ne le sera jamais. La vérité nue est que chaque année la Belgique s'enfonce un peu plus dans le déclin, avec la complicité d'une population volontairement dupe de la propagande officielle et qui, avec une régularité métronomique, vote massivement la réélection des politiciens responsables de la lente paupérisation du pays.




16.8.06

La nouba anarcap, opus court mais touffu

Abasourdi par l'opus magistral du compagnon d'Oulipo, j'ai voulu offrir illico la contribution d'un scribouillard naïf à son art. Las ! Il y a loin du Graal au palais : l'inspiration tourna court. Il fallait agir. Il manquait au discours un allant primordial, un substrat primal qui facilitât un influx d'inspiration. Si un solo manquait son but, un duo s'imposait : il fallait donc pour aboutir qu'un ami ou un quidam fournît l'impulsion. Mais qui ?

Soliloquant par monts, par vaux, j'aboutis à l'huis du bazar à bouquins d'un grivois individu ayant pour nom Patrick. "Ah, Constantin", dit-il, "ça fait un bail ! Par ma libido, faisons la nouba ! Buvons sans faillir du syrah, dix-huit canons au moins, chantons, puis jouons au whist ou au canasta. Tu diras alors pourquoi tu vins ici." Il clôt illico son magasin.

La libation fut : Boris Vian chantait dans la sono, du vin rubicond coulait à flots. L'alcool bu monta jusqu'à l'hypothalamus du soulard bougnat, qui brailla alors hors diapason un chant saluant l'à propos du saint patron anarcap Murray Rothbard. "Aaaaaah, tu oublias la position du la", fut mon cri lorsqu'il finit son cantus. "Bah, tu sais mon accord ardu", dit-il. "Stoppons là l'alcool; dis-moi plutôt pourquoi tu vins ici". Mais l'alcool avait pu accomplir son fatal travail. J'attrapai un polochon, vacillai, sombrai dans l'oubli. "Mais tu fais dodo", hurla-t-il, cramoisi. "Tairais-tu donc à jamais la raison qui poussa ton pas jusqu'à ma maison ?". Un tonitruant "ron ron" fusa, coupant là son allant. Patrick tourna talons, rouvrit son souk, y saisit un porno, branla son vit, jouit tout ahanant, frotta son jus d'un mouchoir, puis parcourut tout soupirant un opus paillard. Plus tard, j'allai titubant jusqu'à mon logis pour y dormir tout mon soûl. La nuit passa sans avatar aucun, puis tout s'oublia.




12.8.06

La fin de l'humanité

Dans un court mais excellent billet, mon ami Ronnie Hayek nous livrait hier une citation de Benjamin Constant qui se rapproche fort de ce dont je souhaite vous entretenir aujourd'hui : la diarrhée législative dont semblent atteints nos édiles depuis un peu plus d'un quart de siècle.

Quoi de plus normal, me direz-vous, que de voir des parlementaires rédiger et promulguer lois et décrets, après tout, c'est à cela qu'ils sont grassement payés. Certes, mais encore faut-il que les lois et décrets produits par les parlements national et régionaux soient d'une réelle utilité, et n'empiètent pas sur les droits fondamentaux des citoyens. Et c'est bien là que le bât blesse. Nous assistons en effet partout dans le monde démocratique, bien qu'à des degrés divers, à une augmentation drastique de l'intrusion de la loi dans la sphère des comportements privés. La majorité des nouveaux textes législatifs a pour ambition non déguisée de protéger les citoyens contre les conséquences de leurs "mauvais" choix, et cela qu'ils soient ou non demandeurs d'une telle protection. Un collectiviste de mes connaissances résumait la chose de façon lapidaire: "il faut faire le bien des gens malgré eux". Une telle approche du travail législatif présente à mon sens deux défauts rédhibitoires : l'un concerne les conséquences pratiques, l'autre, et c'est plus fondamental, les conséquences philosophiques et éthiques.

Les conséquences pratiques d'une telle entreprise législatives sont évidentes dès lors que l'on envisage la chose avec un tant soit peu d'honnêteté intellectuelle : nous assistons à une réduction sans précédent de la sphère des libertés individuelles. Des comportements qui n'affectent que les individus directement concernés sont criminalisés. Ne pas attacher sa ceinture de sécurité, par exemple, est passible d'une amende alors qu'en cas d'accident la seule victime de ce comportement est son auteur. Le propriétaire d'une maison qui refuserait d'équiper celle-ci de détecteurs de fumée serait la seule victime de son inconséquence. Le fumeur de cannabis ou le consommateur d'extasy sont les seules victimes des éventuels effets adverses de leur passe-temps. Celui qui objecterait à ce dernier exemple les effets potentiellement néfastes de la conduite sous influence commettrait une erreur logique qui profite aux partisans de ces lois liberticides. Rien n'empêche de légaliser l'usage des drogues, même dures, tout en continuant à réprimer de la même manière la conduite d'un véhicule sous l'emprise desdites drogues. Dans le premier cas, la consommation récréative de drogue, il s'agit d'un crime sans victime: le consommateur est le seul concerné par les conséquences de sa consommation. Dans la deuxième cas, il s'agit d'une mise en danger de la vie d'autrui. Et encore faudrait-il distinguer la mise en danger potentielle de l'acte lui-même, mais nous risquons de nous éloigner un peu trop du sujet de départ.

Mais la réduction des libertés individuelles, pour désastreuse qu'elle soit, n'est que la conséquence pratique de cette diarrhée législative. C'est en nous plaçant sur le plan éthique et philosophique que nous pouvons mieux comprendre le caractère mortifère de cette tendance. En effet, l'intention de "faire le bien des gens malgré eux" implique une vision particulièrement négative de la nature humaine, selon laquelle la vaste majorité des individus ne possède pas suffisamment de discernement et a besoin de l'encadrement intrusif, certes, mais bienveillant, d'une élite éclairée. En clair donc, les tenants de cette attitude postulent non seulement que la majorité de la population n'est pas capable de s'assumer seule, mais également que leur petit cercle possède une intelligence supérieure. Les humains seraient donc divisée en deux catégories : les sous-hommes qui composent le troupeau et les surhommes bienveillants qui veillent à son bien-être.

Passons sur l'incroyable vanité qui consiste à se proclamer supérieur à l'ensemble de ses congénères et, pire encore, à considérer que cette supériorité confère à ses détenteurs le droit de régenter la vie d'autrui comme ils l'estiment nécessaire. Le pire, dans cette histoire, c'est que chaque nouvelle loi votée en ce sens nous retire un peu plus de notre humanité, nous retire un peu plus de ce qui fait l'essence de l'Homme : la capacité de faire des choix et d'en assumer pleinement les conséquences. Et c'est en cela que les idées collectivistes sont mortifères : leur application retire graduellement aux êtres humains le libre arbitre qui est à la base même de leur nature.